
marchande d'eau
Entre les maisonnettes en parpaing qui escaladent le Morne Calvaire, qui surplombe les quartiers résidentiels de Pétionville, sur les hauts de la capitale, Port-au-Prince, se pressent vendeuses de friture et marchandes qui ont étalé à même le sol fruits et légumes. Les jeunes traînent, désoeuvrés.
"Ils ont élu René Préval président au premier tour, le 7 février. Ils attendent qu'il s'installe au palais", explique Jacques Laguerre, secrétaire général du Conseil de gestion centrale (Cogec). Le Cogec a gagné le respect de la population du bidonville, où s'entassent plus de 50 000 personnes.
Formé de trois représentants d'organisations communautaires et de deux membres élus par les habitants, le Cogec supervise le comité qui assure la distribution de l'eau potable.
Grâce aux 300 000 dollars (246 000 euros) de la subvention de l'Agence française de développement (AFD) et à l'expertise du Groupe de recherches et d'échanges technologiques (GRET), six kiosques à eau ont été installés dans le bidonville. Deux réservoirs de 100 m3, raccordés au réseau de la Camep, la compagnie des eaux de Port-au-Prince, les alimentent.
"Avant, je devais payer 5 gourdes (10 centimes d'euro) le seau de 18 litres, parfois jusqu'à 8 gourdes en période de sécheresse. Maintenant, c'est 1 gourde le seau", se félicite Darlyne, une ménagère qui achète une dizaine de seaux par jour. "La philosophie du projet est que l'eau n'est pas gratuite. 15 % des recettes servent à payer la Camep. Le reste couvre les frais de fonctionnement du Comité et permet de constituer un fonds pour de nouveaux projets dans le bidonville", commente Wolfy Charman Bonhomme, technicien en ingénierie sociale du GRET.
A la place d'un ancien dépôt d'ordures, à l'entrée du bidonville, le Cogec a construit une grande bâtisse qui abritera un centre d'artisanat. Un terrain de football a été créé. Avec l'aide de l'Unesco et du peintre et sculpteur Patrick Vilaire, une longue fresque murale, réalisée avec des matériaux de récupération, court le long de la ruelle principale, et trois petites places ont été aménagées.
"Les bénéfices de la vente de l'eau sont utilisés en fonction des demandes de la population", assure Jacques Laguerre. Un projet d'assainissement est à l'étude dans ce bidonville où les eaux usées et les déchets sont déversés dans les ravines. "Nous pensons faire une école et un terrain de jeux et il faudrait six kiosques de distribution d'eau supplémentaires pour bien desservir les différents quartiers de Jalousie", ajoute-t-il.
Lorsque le projet est né, il y a une dizaine d'années, avec le concours financier de l'Union européenne, la Camep était réticente. Elle craignait ne pas être payée. "Aujourd'hui, le projet s'est étendu à 47 bidonvilles et la Camep est devenue le service public le plus crédible dans les quartiers populaires", observe Gasner Bonhomme, directeur administratif du GRET. "Plus encore que le bénéfice économique, le bénéfice social est important. Grâce aux comités d'eau, on constate un changement de comportement. Dans certains quartiers violents comme Solino, on a pu intégrer des membres des gangs au projet pour contribuer à la pacification", ajoute-t-il.
Le succès des comités de distribution d'eau a éveillé les convoitises des responsables politiques. "En mai 2003, un groupe armé de "lavalassiens"-partisans de l'ancien président Aristide- nous a attaqués. Nous avons pu les repousser en distribuant à la population deux caisses de machettes que le GRET nous avait données pour un projet de reboisement", raconte Jacques Laguerre. Dans d'autres bidonvilles, le projet du GRET n'a pas résisté aux violences des dernières années. "A Bel-Air, à Cité-Soleil et à Fort-National, les gangs ont pris le contrôle des comités. A Cité-Soleil (le plus grand et le plus violent bidonville de Port-au-Prince), les bénéfices de la vente d'eau ont servi à acheter des munitions", assure Wolfy Charman Bonhomme.
Jean-Michel Caroit
Article paru dans l'édition du 25.04.06
"Ils ont élu René Préval président au premier tour, le 7 février. Ils attendent qu'il s'installe au palais", explique Jacques Laguerre, secrétaire général du Conseil de gestion centrale (Cogec). Le Cogec a gagné le respect de la population du bidonville, où s'entassent plus de 50 000 personnes.
Formé de trois représentants d'organisations communautaires et de deux membres élus par les habitants, le Cogec supervise le comité qui assure la distribution de l'eau potable.
Grâce aux 300 000 dollars (246 000 euros) de la subvention de l'Agence française de développement (AFD) et à l'expertise du Groupe de recherches et d'échanges technologiques (GRET), six kiosques à eau ont été installés dans le bidonville. Deux réservoirs de 100 m3, raccordés au réseau de la Camep, la compagnie des eaux de Port-au-Prince, les alimentent.
"Avant, je devais payer 5 gourdes (10 centimes d'euro) le seau de 18 litres, parfois jusqu'à 8 gourdes en période de sécheresse. Maintenant, c'est 1 gourde le seau", se félicite Darlyne, une ménagère qui achète une dizaine de seaux par jour. "La philosophie du projet est que l'eau n'est pas gratuite. 15 % des recettes servent à payer la Camep. Le reste couvre les frais de fonctionnement du Comité et permet de constituer un fonds pour de nouveaux projets dans le bidonville", commente Wolfy Charman Bonhomme, technicien en ingénierie sociale du GRET.
A la place d'un ancien dépôt d'ordures, à l'entrée du bidonville, le Cogec a construit une grande bâtisse qui abritera un centre d'artisanat. Un terrain de football a été créé. Avec l'aide de l'Unesco et du peintre et sculpteur Patrick Vilaire, une longue fresque murale, réalisée avec des matériaux de récupération, court le long de la ruelle principale, et trois petites places ont été aménagées.
"Les bénéfices de la vente de l'eau sont utilisés en fonction des demandes de la population", assure Jacques Laguerre. Un projet d'assainissement est à l'étude dans ce bidonville où les eaux usées et les déchets sont déversés dans les ravines. "Nous pensons faire une école et un terrain de jeux et il faudrait six kiosques de distribution d'eau supplémentaires pour bien desservir les différents quartiers de Jalousie", ajoute-t-il.
Lorsque le projet est né, il y a une dizaine d'années, avec le concours financier de l'Union européenne, la Camep était réticente. Elle craignait ne pas être payée. "Aujourd'hui, le projet s'est étendu à 47 bidonvilles et la Camep est devenue le service public le plus crédible dans les quartiers populaires", observe Gasner Bonhomme, directeur administratif du GRET. "Plus encore que le bénéfice économique, le bénéfice social est important. Grâce aux comités d'eau, on constate un changement de comportement. Dans certains quartiers violents comme Solino, on a pu intégrer des membres des gangs au projet pour contribuer à la pacification", ajoute-t-il.
Le succès des comités de distribution d'eau a éveillé les convoitises des responsables politiques. "En mai 2003, un groupe armé de "lavalassiens"-partisans de l'ancien président Aristide- nous a attaqués. Nous avons pu les repousser en distribuant à la population deux caisses de machettes que le GRET nous avait données pour un projet de reboisement", raconte Jacques Laguerre. Dans d'autres bidonvilles, le projet du GRET n'a pas résisté aux violences des dernières années. "A Bel-Air, à Cité-Soleil et à Fort-National, les gangs ont pris le contrôle des comités. A Cité-Soleil (le plus grand et le plus violent bidonville de Port-au-Prince), les bénéfices de la vente d'eau ont servi à acheter des munitions", assure Wolfy Charman Bonhomme.
Jean-Michel Caroit
Article paru dans l'édition du 25.04.06