
Un habitant sur cinq n’a toujours pas accès à l’eau potable sur la planète. Quels sont les freins à de réels progrès dans ce domaine ?
Jean-Luc Touly. Il manque une grande structure internationale sur le sujet, affiliée à l’ONU, avec un véritable pouvoir. Avec le Conseil mondial de l’eau, on en reste aux seules déclarations d’intentions. Du coup, les objectifs du millénaire, comme ceux formulés à Kyoto en 2003, ne sont pas suivis d’effet. La catastrophe annoncée se confirme, même si la sensibilisation progresse. Le financement, on le sait, doit se faire, des pays riches vers les pays pauvres. Et là, il manque une volonté politique.
Vous réclamez un retour à la gestion publique de l’eau dans les pays développés. Ce schéma est-il applicable aux pays en développement, qui doivent construire ou perfectionner leurs réseaux ?
J-L T: Oui. Regardez l’Amérique latine ! Des peuples, des mouvements sociaux se lèvent pour refuser ce système néocolonial qui voit les ressources naturelles contrôlées, exploitées par les grandes multinationales de l’eau, qui sont, je le rappelle, presque toutes d’origine française. Des pays comme la Bolivie, depuis la victoire d’Evo Morales, mettent en oeuvre des solutions alternatives, qui ne sont pas toujours le retour pur et simple à la régie publique : création de coopératives ou encore mise en place d’un véritable contrôle social des entreprises publiques, destiné à éviter les abus. Les multinationales elles-mêmes revoient leurs stratégies et quittent certains pays, comme Suez en Argentine, se redéployant dans de nouveaux marchés jugés plus sûrs, comme la Chine par exemple. Mali, Gabon, Afrique du Sud, Inde, Philippines... Les exemples d’échecs du partenariat public-privé sont nombreux. C’est donc vers des partenariats « public-public », des collectivités des pays riches vers les pays pauvres, qu’il faut se tourner. Ce que permet la loi Oudin-Santini, adoptée en février 2005, qui ouvre le droit d’utiliser jusqu’à 1 % des ressources issues de la gestion de l’eau pour des actions de solidarité. L’idée est bonne. Sauf que les multinationales, les agriculteurs et les industriels ne participent pas directement à cet effort.
Quelles sont les autres solutions concrètes à mettre en oeuvre pour améliorer l’accès à l’eau de tous ?
J-L T. Il y a des solutions techniques, peu coûteuses : récupération des eaux pluviales, recyclage des eaux usées, récupération de l’humidité dans l’air... Mais il faut aussi un électrochoc pour que la communauté internationale se mobilise.
- C’est pourquoi nous plaidons pour le prélèvement de 1 % du budget militaire mondial, soit à peu près 10 milliards de dollars, afin de financer l’accès à l’eau à tous.
- Seconde proposition : un prélèvement de 1 % du chiffre d’affaires des multinationales de l’eau en bouteille (Danone, Nestlé, Coca-Cola), qui s’accaparent des grandes nappes phréatiques au Brésil, en Afrique ou en Inde.
Roger Lenglet, Jean-Luc Touly, l’Eau des multinationales.
Les vérités inavouables, Fayard, 2006, 250 pages, 19 euros.
Entretien réalisé par Alexandre Fache
Jean-Luc Touly. Il manque une grande structure internationale sur le sujet, affiliée à l’ONU, avec un véritable pouvoir. Avec le Conseil mondial de l’eau, on en reste aux seules déclarations d’intentions. Du coup, les objectifs du millénaire, comme ceux formulés à Kyoto en 2003, ne sont pas suivis d’effet. La catastrophe annoncée se confirme, même si la sensibilisation progresse. Le financement, on le sait, doit se faire, des pays riches vers les pays pauvres. Et là, il manque une volonté politique.
Vous réclamez un retour à la gestion publique de l’eau dans les pays développés. Ce schéma est-il applicable aux pays en développement, qui doivent construire ou perfectionner leurs réseaux ?
J-L T: Oui. Regardez l’Amérique latine ! Des peuples, des mouvements sociaux se lèvent pour refuser ce système néocolonial qui voit les ressources naturelles contrôlées, exploitées par les grandes multinationales de l’eau, qui sont, je le rappelle, presque toutes d’origine française. Des pays comme la Bolivie, depuis la victoire d’Evo Morales, mettent en oeuvre des solutions alternatives, qui ne sont pas toujours le retour pur et simple à la régie publique : création de coopératives ou encore mise en place d’un véritable contrôle social des entreprises publiques, destiné à éviter les abus. Les multinationales elles-mêmes revoient leurs stratégies et quittent certains pays, comme Suez en Argentine, se redéployant dans de nouveaux marchés jugés plus sûrs, comme la Chine par exemple. Mali, Gabon, Afrique du Sud, Inde, Philippines... Les exemples d’échecs du partenariat public-privé sont nombreux. C’est donc vers des partenariats « public-public », des collectivités des pays riches vers les pays pauvres, qu’il faut se tourner. Ce que permet la loi Oudin-Santini, adoptée en février 2005, qui ouvre le droit d’utiliser jusqu’à 1 % des ressources issues de la gestion de l’eau pour des actions de solidarité. L’idée est bonne. Sauf que les multinationales, les agriculteurs et les industriels ne participent pas directement à cet effort.
Quelles sont les autres solutions concrètes à mettre en oeuvre pour améliorer l’accès à l’eau de tous ?
J-L T. Il y a des solutions techniques, peu coûteuses : récupération des eaux pluviales, recyclage des eaux usées, récupération de l’humidité dans l’air... Mais il faut aussi un électrochoc pour que la communauté internationale se mobilise.
- C’est pourquoi nous plaidons pour le prélèvement de 1 % du budget militaire mondial, soit à peu près 10 milliards de dollars, afin de financer l’accès à l’eau à tous.
- Seconde proposition : un prélèvement de 1 % du chiffre d’affaires des multinationales de l’eau en bouteille (Danone, Nestlé, Coca-Cola), qui s’accaparent des grandes nappes phréatiques au Brésil, en Afrique ou en Inde.
Roger Lenglet, Jean-Luc Touly, l’Eau des multinationales.
Les vérités inavouables, Fayard, 2006, 250 pages, 19 euros.
Entretien réalisé par Alexandre Fache