
Basile Atangana Kouna, Administrateur provisoire de la SNEC : la Société Nationale des Eaux du Cameroun, annonce la devise de son mandat : "la lutte contre la pauvreté c'est d'abord par l'accès de tous à l'eau potable. A la SNEC, Nous faisons un peu plus chaque jour pour que ce rêve devienne réalité." Nous travaillons pour l'optimisation de l'outil de production". Dans un entretien exclusif qu'il a accordé au "Messager" ce patron de la Snec fait le point de la mission qu'il conduit à la tête de cette entreprise publique depuis trois ans.
Question : Quel bilan faites-vous au regard des deux objectifs, la préparation de la privatisation et la continuité du service public de l'eau , qui vous ont été assignés lors de la mise en place de l'Administration provisoire à la Snec, (à votre investiture) le 24 avril 2002 ?
Les missions qui m'ont été confiées par le Chef de l'Etat en me nommant administrateur provisoire de la Snec s'exécutent conformément aux prescriptions du gouvernement tant en ce qui concerne le processus de privatisation que la continuité du service public de l'eau. Ainsi, s'agissant de ce dernier aspect, le service public de l'eau est assuré, aussi bien du point de vue du volume d'eau produit que celui de sa qualité.
La production nationale a même été améliorée, grâce aux travaux de réhabilitation des équipements entrepris depuis le début de mon mandat, dans les différents centres de production et sur l'ensemble du réseau de distribution.A ce jour, le volume d'eau produit est passé de 200 000 m3 par jour il y a deux ans à 300 000 m3.
D'autre part, la qualité de l'eau s'est nettement améliorée grâce à des soins particuliers qui sont désormais accordés à son traitement.
Bien entendu, beaucoup reste à faire pour satisfaire la demande sans cesse croissante en eau potable. Mais des efforts constants sont faits pour maintenir l'outil de production en état de fonctionnement optimal.
S'agissant du volet de la privatisation, le ministre de l'économie et des finances a déjà annoncé dans les médias qu'un nouvel appel d'offres sera lancé en novembre prochain. En ce moment des mesures sont prises dans ce sens par le gouvernement.
Question : A l'évidence, le processus de privatisation n'a pas beaucoup évolué au cours de la première année de votre mandat initial. Qu'est ce qui a fait problème ?
Sur cette question, je tiens à préciser que des négociations ont été menées normalement, mais les ultimes propositions faites par l'adjudicataire provisoire n'avaient pas permis aux deux parties d'aboutir à un accord satisfaisant. Le gouvernement a par conséquent déclaré infructueux l'appel d'offre initialement lancé pour la privatisation de la Snec, en même temps
qu'il a relancé le processus qui se poursuit aujourd'hui de concert avec les partenaires au développement
Question : Le ministre de l'économie et des finances, président du comité interministériel chargé des privatisations, a annoncé récemment le lancement de l'appel d'offre au plus tard en fin 2005. Ce délai est-il compatible avec l'état d'avancement actuel du dossier ? Quelle forme prendra finalement l'opération, au regard de l'échec du processus initial constaté en septembre 2003 par l'annulation des négociations avec l'adjudicataire provisoire ?
Le délai annoncé par le ministre de l'économie et des finances est fondé sur le programme économique, social et culturel du gouvernement. Au stade actuel, la partie camerounaise a réalisé les principales opérations contenues dans le plan d'action pour la privatisation arrêté de concert avec la Banque mondiale.
C'est ainsi que l'audit des comptes et des états financiers de la Snec déjà réalisé par le cabinet international KpmgAuditeurs associés servira de base de travail au consultant en voie derecrutement par le gouvernement. La mission du consultant consistera à proposer un nouveau schéma et à assister le gouvernement dans la définition et l'élaboration des termes de références de l'appel d'offres.
Question : Le service public de l'eau se poursuit certes. Mais l'on constate la persistance des difficultés d'approvisionnement pour la majorité des foyers camerounais, notamment les familles modestes aussi bien dans les centres urbains que les zones rurales. Quel est le problème ?
Le problème qui se pose est celui du vieillissement des ouvrages de production, de stockage et de transport de l'eau potable. Avec l'augmentation des besoins en eau, du fait de l'accroissement des populations, des efforts soutenus sont déployés pour relever le niveau des prestations de la Snec, et le gouvernement s'attèle également à développer l'hydraulique rurale pour satisfaire les zones rurales.
Dans l'ensemble, c'est un problème d'investissements lourds pour couvrir ces besoins. C'est d'ailleurs pour cette raison que le gouvernement a opté pour la privatisation de ce secteur qui apportera des investissements afin d'améliorer la qualité du service et le taux de desserte en eau des
populations.
Question : Certains évoquent un problème de gestion des réserves d'eau existantes, avec notamment le mauvais suivi des canalisations, le gaspillage d'eau par les laveries alors que les bornes fontaines publiques sont supprimées. Peut-on ainsi atteindre l'objectif de l'accès à l'eau pour au moins 50 % de la population à l'horizon 2015 si la tendance actuelle n'est pas radicalement inversée ?
A la Snec, les premières actions menées dans ce sens ont consisté à remplacer les canalisations cassées et les compteurs défectueux pour réduire les fuites de réseau et les cas de fraudes. Ensuite, les services techniques ont été dotés de l'outillage pour les réparations des casses et du matériel roulant afin de leur permettre d'assurer un meilleur suivi du réseau. Bien sûr que ces efforts ne peuvent être efficaces que par une consommation rationnelle de l'eau potable, en évitant des gaspillages.
L'accès de tous à l'eau potable étant une préoccupation permanente du gouvernement, je pense qu'à l'horizon 2015, la couverture des besoins en eau d'au moins 50% de la population sera largement atteinte.
Question : Une nécessité du développement de l'offre en eau potable se fait ressentir avec l'accroissement constant de la demande. Or le développement des infrastructures se limite, par exemple à Douala, la plus grosse demandeuse, à un programme minimum d'investissement d'urgence. Pourquoi ? Comment faire pour inverser la tendance ?
Le programme d'investissement minimum d'urgence en cours d'exécution est en
réalité, la continuité des travaux de remise à niveau de l'outil de production et du réseau de distribution, exécutés avec le concours du gouvernement, dès le début de mon mandat. Ce programme d'investissement minimum d'urgence ne se limite pas à la seule ville de Douala, mais concerne tous les centres de la Snec sur l'ensemble du territoire. Il a d'ailleurs à ce stade déjà été réalisé à plus de 50 %.
Mais il conviendrait de rappeler qu'il s'agit là d'une action ponctuelle visant à éviter toute rupture d'alimentation en eau potable des populations, avant l'aboutissement du processus de privatisation en cours. Pour l'instant, le gouvernement s'attèle à remettre en service toutes les infrastructures et à en créer de nouvelles.
C'est ainsi que le Premier ministre, chef du gouvernement, a inauguré le 22 mars dernier l'adduction d'eau potable reliant les localités de Mokolo à Mora. La nouvelle station de traitement ainsi implantée desservira cette partie du territoire caractérisée par une forte densité de la population et des activités pastorales et agricoles qui nécessitent la disponibilité de l'eau. Dans le même ordre d'idée, le Gouvernement envisage la remise en service de la station de la Mefou afin de sécuriser l'alimentation en eau potable de la ville de Yaoundé actuellement desservie par la seule usine d'Akomnyada. La réhabilitation de cet ouvrage permettra, à terme de produire 50.000 m3 d'eau supplémentaire par jour pour satisfaire la demande des populations de Yaoundé et des localités environnantes.
Question : Une délégation chinoise a visité récemment la Snec, en marge de la journée mondiale de l'eau. Quelle en est la signification exacte ? Quelles perspectives avec ce type de partenariats de l'Etat du Cameroun ? Y a-t-il d'autres ? Lesquels ?
Sur instructions du ministre de l'Energie et de l'eau, la Snec a reçu une délégation chinoise qui a manifesté beaucoup d'intérêt aux problèmes d'alimentation en eau potable dans les villes de Douala et de Yaoundé. Plusieurs séances de travail se sont déroulées dans les bureaux de la Snec à Douala et à Yaoundé entre les chinois, la Snec et des responsables du Minee au sein dudit département ministériel. Les perspectives de partenariat avec la Chine sont possibles dans la mesure où elle dispose des technologies et de l'expérience nécessaires dans le domaine hydraulique. Mais, le choix d'une telle option relève de la compétence du gouvernement, la Snec ayant simplement un avis technique à émettre.
Question : Au niveau de la gestion du personnel, la plus grande crainte des employés de la Snec aujourd'hui c'est leur statut précaire. Qu'entreprenez-vous pour que le futur repreneur ne laisse pas la plupart d'entre eux à la touche, malgré l'effort d'assainissement entrepris depuis trois ans ?
Le personnel de la Snec est parfaitement au courant des enjeux de la privatisation qui n'est plus, à mon humble avis, assimilée par eux comme une perte de leurs emplois Des mesures d'assainissement du climat social ont consisté dans un premier temps à redéployer le personnel dans le cadre d'un organigramme mieux adapté aux missions de la société, permettant de travailler selon son profil.
Ensuite, des mesures ont été prises pour le rétablissement de certains éléments de motivation du personnel telle que la prime de productivité. Les conditions de travail ont été améliorées grâce à l'aménagement et à l'équipement des bureaux, à l'acquisition du matériel de travail pour les stations de traitement, au renforcement du parc informatique et du parc automobile.
Un accent particulier a également été mis sur le volet formation à travers l'octroi des stages de formation continue et des séminaires de remise à niveau tant sur le plan national qu'à l'étranger.
Enfin, des mesures ont été engagées sur le plan de la carrière visant à assainir le fichier du personnel à travers un examen minutieux des problèmes d'avancement et de reclassement ; Cet ensemble de mesures a permis aujourd'hui de redonner confiance au personnel, en attendant l'aboutissement du processus de privatisation.
Question : Au niveau des comptes de la Snec, on a remarqué à votre arrivée, un endettement colossal. Quelle est la situation aujourd'hui ?
La situation de la dette de la Snec s'est nettement améliorée au cours de ces deux (02) dernières années, avec le règlement des engagements financiers vis-à-vis du personnel, des fournisseurs, de Camtel du fisc, etc. La Snec a pu s'acquitter de ces dettes grâce à la rationalisation des dépenses, à l'accroissement des recettes du fait de la sécurisation des encaissements et de l'amélioration de la production, suite aux travaux de réhabilitation de
l'outil de production.
En revanche, les créances de la Snec vis-à-vis de sa clientèle, personnes morales et physiques, publiques et privées, sont évaluées à près de vingt trois (23) milliards de Fcfa. Une campagne de recouvrement de ces créances a été lancée et la Snec compte sur le sens civique des consommateurs pour lui donner les moyens d'améliorer ses prestations.
Question : Quant au patrimoine de la compagnie publique, où en est-on avec l'évaluation pré privatisation ?
Plusieurs audits du patrimoine de la Snec ont été réalisés pour déterminer la valeur des biens meubles et immeubles de la société. A ce jour, la Snec dispose des données comptables et techniques lui permettant d'avoir une meilleure connaissance du patrimoine ainsi que sa valeur.