
L’opposition à la privatisation de l’eau a rencontré, tout au long des exposés de ces trois journées, un consensus dont on ne peut que se réjouir. En revanche, la gestion publique de l’eau, proposée automatiquement comme alternative, n’a souvent fait – me semble-t-il – que reporter la question au lieu de nous acheminer vers une vraie solution.
Faut-il rappeler que, dans un certain nombre d’Etats, les citoyens sont victimes d’une mauvaise gouvernance, celle-ci étant elle-même soumise – particulièrement dans les pays du Sud – aux diktats des grandes puissances économiques ? Et que des populations entières souffrent de détournements et confiscation de leur eau en raison de la situation géostratégique d’Etats voisins, ou plus lointains, propriétaires et gestionnaires de l’eau… publique ?
Ce seul fait prouve que la gestion publique de l’eau ne coule pas de source… Et qu’elle n’offre, en soi, aucune garantie d’efficacité. Qu’elle n’est donc pas, à elle seule, une alternative à la « gestion privée de l’eau » dont nous ne voulons pas. J’ai d’ailleurs éprouvé de fortes inquiétudes en entendant les exposés de certains élus du Nord et du Sud étaler leurs mérites d’une gestion publique exemplaire, sans la moindre allusion à des faits pourtant avérés de corruption et de malversations dans leurs pays respectifs.
C’est aux droits des citoyens (de tous les « privés », en somme !) qu’il faut revenir. Une gestion publique de l’eau ne sera légitime et efficace que si cette gestion est réellement contrôlée par ses propriétaires et usagers que sont tous les citoyens du monde. Pas seulement d’un pays déterminé. Ou d’une région privilégiée de la planète.
Lors d’une intervention – trop courte – d’un participant, j’ai entendu évoquer avec raison cette forme sournoise de privatisation et de confiscation de l’eau des populations du Sud par notre mode de vie de citoyens du Nord. On sait, en effet, que chaque Européen consomme annuellement aujourd’hui dix kilos de légumes verts irrigués artificiellement dans le Sud. Autrement dit, nous qui, en Europe, disposons déjà d’une eau généralement abondante, nous réussissons encore à la pomper, à grand renfort de technologie, là où elle manque cruellement aux populations locales ! C’est ce que j’appelle « l’aqueduc transcontinental »…
Il faudrait étendre le même type de questionnement à la plupart des cultures de rente vouées à l’exportation et qui, en ce moment, contribuent à la destruction des dernières forêts humides, les transformant en zones désertiques après quelques années de culture intensive qui exige une irrigation désastreuse (comme c’est le cas au Brésil, au Paraguay et en Argentine avec l’extension des cultures de soja transgénique destiné à engraisser notre bétail). Il faut rappeler, en outre, que deux tiers des produits alimentaires importés par l’Europe proviennent de pays où sévit la famine, la privation d’eau et de nourriture étant étroitement liée.
Un autre participant a évoqué – là encore trop brièvement, à la suite d’une longue série d’exposés « non stop » – des détournements de rivière réalisés en Bolivie aux dépens des populations rurales. Il aurait pu citer également l’exploitation à outrance du plus grand lac tropical du monde, le lac Victoria, par une pêcherie industrielle cofinancée par des fonds européens au nom de « l’aide au développement » (les filets de perche sont pour nous, les arêtes pour les Tanzaniens). Ou les faits révélés par le récent documentaire « We feed the World » qui nous montre comment sont exploitées les réserves d’eau du Sud par l’agrobusiness multinational (dont nous sommes, nous, les clients solvables), qui provoquent l’exode des populations rurales vers les villes et, de là, vers les « eldorados » du Nord ! Comme quoi, tout est lié…
Les décisions de nombreux Etats, leur gestion publique des ressources naturelles, et donc de l’eau, ne m’inspirent pas une confiance excessive. Dans le Sud, ils ont du moins pour excuse à leur politique d’exportation de leurs richesses à tout prix (et le plus souvent à vil prix !) la nécessité de disposer de devises pour le « service de la dette ». Dans le Nord, nous n’en avons aucune, si ce n’est celle de la croissance perpétuelle !
Il me paraît impossible de traiter désormais la question de l’accès à l’eau potable – pas plus que n’importe quel problème majeur tels que la faim, les maladies, la pauvreté, etc. – sans s’attaquer aux différents secteurs de l’économie mondialisée.
Les échecs des grandes campagnes internationales (notamment celle des fameux Objectifs de Développement du Millénaire lançant une série d’opérations humanitaires parallèles, sans réel souci de cohérence) s’expliquent, le plus souvent, par notre manque de capacité ou de volonté de globaliser les problèmes issus de ce qu’on appelle pourtant bien la mondialisation !
Je comprends la nécessité de passer un certain temps à étudier certaines questions spécifiques, comme celle des modes de gestion de l’eau. Mais il me paraît tout aussi nécessaire que, dans le prolongement de ces journées, d’autres travaux soient entrepris qui élargissent le champ de nos recherches et favorisent l’accès à de véritables solutions.
Faut-il rappeler que, dans un certain nombre d’Etats, les citoyens sont victimes d’une mauvaise gouvernance, celle-ci étant elle-même soumise – particulièrement dans les pays du Sud – aux diktats des grandes puissances économiques ? Et que des populations entières souffrent de détournements et confiscation de leur eau en raison de la situation géostratégique d’Etats voisins, ou plus lointains, propriétaires et gestionnaires de l’eau… publique ?
Ce seul fait prouve que la gestion publique de l’eau ne coule pas de source… Et qu’elle n’offre, en soi, aucune garantie d’efficacité. Qu’elle n’est donc pas, à elle seule, une alternative à la « gestion privée de l’eau » dont nous ne voulons pas. J’ai d’ailleurs éprouvé de fortes inquiétudes en entendant les exposés de certains élus du Nord et du Sud étaler leurs mérites d’une gestion publique exemplaire, sans la moindre allusion à des faits pourtant avérés de corruption et de malversations dans leurs pays respectifs.
C’est aux droits des citoyens (de tous les « privés », en somme !) qu’il faut revenir. Une gestion publique de l’eau ne sera légitime et efficace que si cette gestion est réellement contrôlée par ses propriétaires et usagers que sont tous les citoyens du monde. Pas seulement d’un pays déterminé. Ou d’une région privilégiée de la planète.
Lors d’une intervention – trop courte – d’un participant, j’ai entendu évoquer avec raison cette forme sournoise de privatisation et de confiscation de l’eau des populations du Sud par notre mode de vie de citoyens du Nord. On sait, en effet, que chaque Européen consomme annuellement aujourd’hui dix kilos de légumes verts irrigués artificiellement dans le Sud. Autrement dit, nous qui, en Europe, disposons déjà d’une eau généralement abondante, nous réussissons encore à la pomper, à grand renfort de technologie, là où elle manque cruellement aux populations locales ! C’est ce que j’appelle « l’aqueduc transcontinental »…
Il faudrait étendre le même type de questionnement à la plupart des cultures de rente vouées à l’exportation et qui, en ce moment, contribuent à la destruction des dernières forêts humides, les transformant en zones désertiques après quelques années de culture intensive qui exige une irrigation désastreuse (comme c’est le cas au Brésil, au Paraguay et en Argentine avec l’extension des cultures de soja transgénique destiné à engraisser notre bétail). Il faut rappeler, en outre, que deux tiers des produits alimentaires importés par l’Europe proviennent de pays où sévit la famine, la privation d’eau et de nourriture étant étroitement liée.
Un autre participant a évoqué – là encore trop brièvement, à la suite d’une longue série d’exposés « non stop » – des détournements de rivière réalisés en Bolivie aux dépens des populations rurales. Il aurait pu citer également l’exploitation à outrance du plus grand lac tropical du monde, le lac Victoria, par une pêcherie industrielle cofinancée par des fonds européens au nom de « l’aide au développement » (les filets de perche sont pour nous, les arêtes pour les Tanzaniens). Ou les faits révélés par le récent documentaire « We feed the World » qui nous montre comment sont exploitées les réserves d’eau du Sud par l’agrobusiness multinational (dont nous sommes, nous, les clients solvables), qui provoquent l’exode des populations rurales vers les villes et, de là, vers les « eldorados » du Nord ! Comme quoi, tout est lié…
Les décisions de nombreux Etats, leur gestion publique des ressources naturelles, et donc de l’eau, ne m’inspirent pas une confiance excessive. Dans le Sud, ils ont du moins pour excuse à leur politique d’exportation de leurs richesses à tout prix (et le plus souvent à vil prix !) la nécessité de disposer de devises pour le « service de la dette ». Dans le Nord, nous n’en avons aucune, si ce n’est celle de la croissance perpétuelle !
Il me paraît impossible de traiter désormais la question de l’accès à l’eau potable – pas plus que n’importe quel problème majeur tels que la faim, les maladies, la pauvreté, etc. – sans s’attaquer aux différents secteurs de l’économie mondialisée.
Les échecs des grandes campagnes internationales (notamment celle des fameux Objectifs de Développement du Millénaire lançant une série d’opérations humanitaires parallèles, sans réel souci de cohérence) s’expliquent, le plus souvent, par notre manque de capacité ou de volonté de globaliser les problèmes issus de ce qu’on appelle pourtant bien la mondialisation !
Je comprends la nécessité de passer un certain temps à étudier certaines questions spécifiques, comme celle des modes de gestion de l’eau. Mais il me paraît tout aussi nécessaire que, dans le prolongement de ces journées, d’autres travaux soient entrepris qui élargissent le champ de nos recherches et favorisent l’accès à de véritables solutions.