
Le défi le plus important, c’est la directive cadre européenne, qui nous donne trois objectifs en même temps: atteindre le bon état écologique des eaux en 15 ans, faire financer les services rendus par l’eau par leurs bénéficiaires, et enfin, assurer la transparence vis-à-vis du public. Cela pose beaucoup de problèmes. Par exemple, il n’est pas du tout évident d’atteindre le bon état écologique , dans un milieu déjà très anthropoïsé. On aura besoin de délais, et d’aides.
La loi sur l’eau donne-t-elle les moyens de relever ces défis?
La loi sur l’eau actuellement en discussion est une loi de dupes, mise au point par des gens qui veulent se persuader que l’on pourra baisser le prix de l’eau. Pourtant, les objectifs de la directive cadre auront forcément des effets sur le service public de l’eau, qu’il faut effectivement assurer à des prix abordables. Mais le niveau des dépenses est déjà insuffisant pour entretenir, à long terme, les équipements existants. Le renouvellement des infrastructures, qui arrivent maintenant en fin de course, pourrait atteindre 200 milliards d’euros! Si on y ajoute les objectifs européens, la note sera forcément importante. Or, les agences de l’eau, petits galions chargés d’or au milieu des corsaires, risquent de se faire piller à chaque instant. Et le risque augmente avec la fiscalisation de leurs recettes stipulée dans la loi. Le Parlement nous promet qu’il ne le fera pas, mais quelles garanties avons-nous pour demain?
La loi sur l’eau donne-t-elle les moyens de relever ces défis?
La loi sur l’eau actuellement en discussion est une loi de dupes, mise au point par des gens qui veulent se persuader que l’on pourra baisser le prix de l’eau. Pourtant, les objectifs de la directive cadre auront forcément des effets sur le service public de l’eau, qu’il faut effectivement assurer à des prix abordables. Mais le niveau des dépenses est déjà insuffisant pour entretenir, à long terme, les équipements existants. Le renouvellement des infrastructures, qui arrivent maintenant en fin de course, pourrait atteindre 200 milliards d’euros! Si on y ajoute les objectifs européens, la note sera forcément importante. Or, les agences de l’eau, petits galions chargés d’or au milieu des corsaires, risquent de se faire piller à chaque instant. Et le risque augmente avec la fiscalisation de leurs recettes stipulée dans la loi. Le Parlement nous promet qu’il ne le fera pas, mais quelles garanties avons-nous pour demain?

Qu’aurait-il fallu faire?
Cette loi est très inquiétante, même si tout n’y est pas mauvais. Je pense par exemple à la redevance phytosanitaire, qui permet une avancée quant à la transparence autour des effluents agricoles, à défaut de redevance sur les nitrates. Mais il y a aussi beaucoup de ratés. Par exemple, dans le projet précédent, il était question de faire payer les collectivités, plutôt que les usagers domestiques. Ce serait plus légitime. En Allemagne, par exemple, ce sont les villes qui polluent, ce sont donc elles qui paient. Mais en France, le citoyen paie, puis les collectivités sont aidées! Le système de redevance de collecte identique dans tout le bassin, quel que soit l’état du réseau, c’est une prime au plus sale.
Derrière cette loi, on sent un parfum général démagogique, comme si on n’était pas assez solidaire, et qu’il fallait une eau «de France», offerte au niveau national. Ce n’est pas bon. Il faut un service public de l’eau à un échelon plus local et absolument instaurer la mutualisation, pas seulement des moyens financiers, mais aussi de la gestion et du fonctionnement. Aujourd’hui, ces compétences sont trop éparpillées et je ne suis pas certain que la loi en cours progresse sur ce point.
Vous sembliez redouter un déficit structurel de la gestion de l’eau?
Dans les grandes collectivités, on recouvre les coûts -en oubliant peut-être quelques vieux tuyaux… Mais cela ne pourra continuer que si on n’affaiblit pas les agences. Si celles-ci aident moins, le prix de l’eau augmentera encore, ce qui deviendra de moins en moins acceptable socialement.
De toute façon, il faut mettre à profit les nouvelles règles de comptabilité publique, qui permettent aux collectivités de faire des provisions, afin d’assurer l’amortissement de leurs investissements. La vraie inquiétude, c’est que l’on ne parvienne plus à faire de telles économies, pour disposer d’argent pas cher au moment des investissements.
Où en est-on dans le volet information/participation du public ?
La participation du public, c’est d’abord et avant tout l’ensemble des institutions de l’eau dans lesquelles les usagers sont représentés de façon permanente. Ce système est très ancien en France, important et bien installé, et permet une participation qualifiée. Mais cela ne règle en rien la question de la place du grand public. La consultation organisée récemment était sans aucun intérêt. Poser ainsi des questions brutalement aux gens, ça ne sert pas à grand chose. Pourquoi ne pas développer, par exemple, des sites web où l’on réponde au public et où celui-ci puisse s’exprimer? Certains grands services de l’eau le font déjà. On a effectivement répondu à la directive européenne mais, depuis 2000, on aurait pu mieux se préparer…
Pensez-vous que l’on entre dans une nouvelle phase de la gestion de l’eau en France?
On arrive effectivement à ce que j’appelle le «troisième âge» de la politique de l’eau. La première phase consistait à aller chercher de l’eau plus propre, plus loin. Ce fut l’âge du développement du réseau. La seconde phase fut celle de la dépollution des eaux, avec l’équipement en capacités de traitement. La troisième phase s’attaque à la pollution diffuse, qui apparaît lorsqu’il n’y a plus de gros points noirs, mais lorsque tout est devenu gris. Là, on a besoin de génie environnemental, de nouveaux profils d’ingénieurs de l’eau. Il s’agit d’une gestion différente, attentive aux milieux naturels, qui privilégie la prévention. Par exemple, dédommager les agriculteurs qui réduisent leur consommation de nitrates plutôt que financer la dépollution. Cette logique émerge des 9e programmes en cours de définition dans les agences. Mais, là encore, on est confronté au même problème. Plus les agences sont faibles, exposées aux critiques, moins elles pourront être audacieuses. Elles risquent de se replier sur le service minimum de gestion, les seules stations d’épuration. Autre problème: le manque de prestataires pour ce genre de métier. Les entreprises privées de l’eau ne sont pas légitimes pour faire de l’aménagement du territoire. L’idéal, ce serait des entreprises privées gérées par la collectivité. Ce genre de statut n’existe pas en France, mais aux Pays-Bas par exemple, il est très efficace.
Laure Pollez
Cette loi est très inquiétante, même si tout n’y est pas mauvais. Je pense par exemple à la redevance phytosanitaire, qui permet une avancée quant à la transparence autour des effluents agricoles, à défaut de redevance sur les nitrates. Mais il y a aussi beaucoup de ratés. Par exemple, dans le projet précédent, il était question de faire payer les collectivités, plutôt que les usagers domestiques. Ce serait plus légitime. En Allemagne, par exemple, ce sont les villes qui polluent, ce sont donc elles qui paient. Mais en France, le citoyen paie, puis les collectivités sont aidées! Le système de redevance de collecte identique dans tout le bassin, quel que soit l’état du réseau, c’est une prime au plus sale.
Derrière cette loi, on sent un parfum général démagogique, comme si on n’était pas assez solidaire, et qu’il fallait une eau «de France», offerte au niveau national. Ce n’est pas bon. Il faut un service public de l’eau à un échelon plus local et absolument instaurer la mutualisation, pas seulement des moyens financiers, mais aussi de la gestion et du fonctionnement. Aujourd’hui, ces compétences sont trop éparpillées et je ne suis pas certain que la loi en cours progresse sur ce point.
Vous sembliez redouter un déficit structurel de la gestion de l’eau?
Dans les grandes collectivités, on recouvre les coûts -en oubliant peut-être quelques vieux tuyaux… Mais cela ne pourra continuer que si on n’affaiblit pas les agences. Si celles-ci aident moins, le prix de l’eau augmentera encore, ce qui deviendra de moins en moins acceptable socialement.
De toute façon, il faut mettre à profit les nouvelles règles de comptabilité publique, qui permettent aux collectivités de faire des provisions, afin d’assurer l’amortissement de leurs investissements. La vraie inquiétude, c’est que l’on ne parvienne plus à faire de telles économies, pour disposer d’argent pas cher au moment des investissements.
Où en est-on dans le volet information/participation du public ?
La participation du public, c’est d’abord et avant tout l’ensemble des institutions de l’eau dans lesquelles les usagers sont représentés de façon permanente. Ce système est très ancien en France, important et bien installé, et permet une participation qualifiée. Mais cela ne règle en rien la question de la place du grand public. La consultation organisée récemment était sans aucun intérêt. Poser ainsi des questions brutalement aux gens, ça ne sert pas à grand chose. Pourquoi ne pas développer, par exemple, des sites web où l’on réponde au public et où celui-ci puisse s’exprimer? Certains grands services de l’eau le font déjà. On a effectivement répondu à la directive européenne mais, depuis 2000, on aurait pu mieux se préparer…
Pensez-vous que l’on entre dans une nouvelle phase de la gestion de l’eau en France?
On arrive effectivement à ce que j’appelle le «troisième âge» de la politique de l’eau. La première phase consistait à aller chercher de l’eau plus propre, plus loin. Ce fut l’âge du développement du réseau. La seconde phase fut celle de la dépollution des eaux, avec l’équipement en capacités de traitement. La troisième phase s’attaque à la pollution diffuse, qui apparaît lorsqu’il n’y a plus de gros points noirs, mais lorsque tout est devenu gris. Là, on a besoin de génie environnemental, de nouveaux profils d’ingénieurs de l’eau. Il s’agit d’une gestion différente, attentive aux milieux naturels, qui privilégie la prévention. Par exemple, dédommager les agriculteurs qui réduisent leur consommation de nitrates plutôt que financer la dépollution. Cette logique émerge des 9e programmes en cours de définition dans les agences. Mais, là encore, on est confronté au même problème. Plus les agences sont faibles, exposées aux critiques, moins elles pourront être audacieuses. Elles risquent de se replier sur le service minimum de gestion, les seules stations d’épuration. Autre problème: le manque de prestataires pour ce genre de métier. Les entreprises privées de l’eau ne sont pas légitimes pour faire de l’aménagement du territoire. L’idéal, ce serait des entreprises privées gérées par la collectivité. Ce genre de statut n’existe pas en France, mais aux Pays-Bas par exemple, il est très efficace.
Laure Pollez