Le métier de l'eau est un métier de l'ombre

PAR CHRISTIAN FURLING
« Le métier de l'eau est un métier de l'ombre, note Philippe Dupraz, PDG de la Société des eaux du Nord. On ne peut pas garder cette discrétion. » La SEN est un établissement privé qui effectue un service public. « Tu te sens utile », savoure Serge Giertzar, délégué syndical CGT. Blessé, comme ses collègues, par l'injonction faite à la communauté urbaine par Eau Secours LMCU de se faire rembourser un trop-perçu par la SEN. « On s'est demandé pourquoi ça ressortait », souffle Pascal Delsaut, délégué CFDT.
L'anomalie avait été repérée dès 1994. « On avait courbé le dos. » Nul détournement, mais de trop fortes provisions. « Et un décalage en 1996-98 dans les travaux, qui avaient été programmés de façon linéaire », concède P. Dupraz.
Des avenants à la convention SEN-LMCU ont fixé des travaux de renouvellement du réseau de 369 ME, dont 160 ME réalisés. Côté technique et financier, « notre métier est le plus contrôlé », assure le PDG, ancien de la Lyonnaise. Les rapports d'activités ont été améliorés, dit la Cour des comptes.
« Notre CE nomme en plus son propre expert-comptable, soulignent les syndicats. Nous sommes au courant de tout. Et nous avons l'impression que notre directeur est en négociations permanentes avec LMCU. » L'excellence du service, c'est le but pointé par la SEN. Prestataire d'eau potable dont le gros client, depuis 1968, est LMCU, la société vise maintes améliorations. Elle crée deux usines de production. Chaque année, elle change 40 des 4 000 km de canalisations et des branchements en plomb. Selon un fin diagnostic : « Des tuyaux de trente ans sont malades, d'autres des années vingt, de très bonne qualité. » Elle réduit les fuites, par surveillance électronique. Et veut améliorer le goût d'une « eau dure » (puisée dans le calcaire). « Le traitement du nickel permettra aussi de faire baisser les carbonates. »
« Le métier de l'eau est un métier de l'ombre, note Philippe Dupraz, PDG de la Société des eaux du Nord. On ne peut pas garder cette discrétion. » La SEN est un établissement privé qui effectue un service public. « Tu te sens utile », savoure Serge Giertzar, délégué syndical CGT. Blessé, comme ses collègues, par l'injonction faite à la communauté urbaine par Eau Secours LMCU de se faire rembourser un trop-perçu par la SEN. « On s'est demandé pourquoi ça ressortait », souffle Pascal Delsaut, délégué CFDT.
L'anomalie avait été repérée dès 1994. « On avait courbé le dos. » Nul détournement, mais de trop fortes provisions. « Et un décalage en 1996-98 dans les travaux, qui avaient été programmés de façon linéaire », concède P. Dupraz.
Des avenants à la convention SEN-LMCU ont fixé des travaux de renouvellement du réseau de 369 ME, dont 160 ME réalisés. Côté technique et financier, « notre métier est le plus contrôlé », assure le PDG, ancien de la Lyonnaise. Les rapports d'activités ont été améliorés, dit la Cour des comptes.
« Notre CE nomme en plus son propre expert-comptable, soulignent les syndicats. Nous sommes au courant de tout. Et nous avons l'impression que notre directeur est en négociations permanentes avec LMCU. » L'excellence du service, c'est le but pointé par la SEN. Prestataire d'eau potable dont le gros client, depuis 1968, est LMCU, la société vise maintes améliorations. Elle crée deux usines de production. Chaque année, elle change 40 des 4 000 km de canalisations et des branchements en plomb. Selon un fin diagnostic : « Des tuyaux de trente ans sont malades, d'autres des années vingt, de très bonne qualité. » Elle réduit les fuites, par surveillance électronique. Et veut améliorer le goût d'une « eau dure » (puisée dans le calcaire). « Le traitement du nickel permettra aussi de faire baisser les carbonates. »
Quel prix ailleurs ?
L'eau « est un produit complexe », dont le coût est jugé juste par le PDG et les syndicalistes. « Ça fait 1 E par jour pour un foyer de quatre personnes, pour un produit disponible en permanence. 30 E par mois. Si on payait aussi peu pour l'essence. », relève P. Delsaut.
Selon un sondage Sofres, 73 % des clients jugent également ce prix juste. La moyenne régionale est de 3,71 E le m³. Le prix métropolitain (3,09 E) est « inférieur à la moyenne nationale, 3,3 E », sachant qu'on va de 1,9 E en Savoie à 3,8 E dans le Morbihan. Lyon et Marseille sont un poil en dessous de Lille.
Le plus cher, dans la production d'eau potable ? « Les nouvelles usines, avec des traitements élaborés, l'énergie et la main-d'oeuvre », résume le patron. « Les appareils de contrôle et un service d'astreinte 24 h sur 24, ajoute un délégué syndical. Vingt-cinq personnes, dans tous les métiers . »
Selon un sondage Sofres, 73 % des clients jugent également ce prix juste. La moyenne régionale est de 3,71 E le m³. Le prix métropolitain (3,09 E) est « inférieur à la moyenne nationale, 3,3 E », sachant qu'on va de 1,9 E en Savoie à 3,8 E dans le Morbihan. Lyon et Marseille sont un poil en dessous de Lille.
Le plus cher, dans la production d'eau potable ? « Les nouvelles usines, avec des traitements élaborés, l'énergie et la main-d'oeuvre », résume le patron. « Les appareils de contrôle et un service d'astreinte 24 h sur 24, ajoute un délégué syndical. Vingt-cinq personnes, dans tous les métiers . »
Une nouvelle source d'eau potable à Loos

L'usine de production d'eau potable de l'Arbrisseau, à Loos, sera mise en service courant décembre. Unique dans la région, elle débarrassera l'eau des nitrates, du nickel, des pesticides et du calcaire. Elle alimentera les robinets de 200 000 Lillois.
Ce ne sont pas moins de 25 000 m³ d'eau potable qui sortiront chaque jour de l'usine flambant neuve. Propriété de la communauté urbaine de Lille (LMCU) mais gérée par la Société des eaux du Nord, elle est unique dans la région. C'est la seule à additionner trois types de filtrages. « Ils luttent à la fois contre les nitrates, le nickel et les pesticides, explique Jean-François Allioux, responsable de production à la SEN. Fini donc le système de mélange d'eau à fort taux de nitrates avec une eau plus pure, qui prévalait jusqu'à présent. »
Moins de calcaire Entièrement automatisée, l'usine fonctionnera 24 h sur 24. À l'intérieur, c'est un véritable « parcours du combattant » pour l'eau tout droit arrivée des forages du secteur. Elle monte, descend, enchaîne les cuves, les tuyaux et les filtres.
Le premier retiendra les nitrates grâce à de petites bactéries inoffensives qui éliminent naturellement ces éléments indésirables. Le nickel, très présent naturellement dans l'eau du secteur, sera ensuite filtré grâce à la décarbonatation.
« Nous ajoutons de la chaux à l'eau, précise Vincent Gruncik, responsable d'exploitation. Cela provoque une réaction chimique qui sépare le calcaire de l'eau pure. Il se dépose au fond de la cuve sous forme de billes. » Et pas de gaspillage ! Les billes sont recyclées par des entreprises de BTP pour faire du béton.
Le dernier traitement permettra de barrer la route aux pesticides. L'eau, enfin potable, pourra rejoindre les robinets des consommateurs. Et même si son goût ne varie pas, les Lillois pourront apprécier quelques changements. Le calcaire au fond des bouilloires et sur les robinets ne devrait plus être qu'un mauvais souvenir.
ELSA GRENOUILLET
Ce ne sont pas moins de 25 000 m³ d'eau potable qui sortiront chaque jour de l'usine flambant neuve. Propriété de la communauté urbaine de Lille (LMCU) mais gérée par la Société des eaux du Nord, elle est unique dans la région. C'est la seule à additionner trois types de filtrages. « Ils luttent à la fois contre les nitrates, le nickel et les pesticides, explique Jean-François Allioux, responsable de production à la SEN. Fini donc le système de mélange d'eau à fort taux de nitrates avec une eau plus pure, qui prévalait jusqu'à présent. »
Moins de calcaire Entièrement automatisée, l'usine fonctionnera 24 h sur 24. À l'intérieur, c'est un véritable « parcours du combattant » pour l'eau tout droit arrivée des forages du secteur. Elle monte, descend, enchaîne les cuves, les tuyaux et les filtres.
Le premier retiendra les nitrates grâce à de petites bactéries inoffensives qui éliminent naturellement ces éléments indésirables. Le nickel, très présent naturellement dans l'eau du secteur, sera ensuite filtré grâce à la décarbonatation.
« Nous ajoutons de la chaux à l'eau, précise Vincent Gruncik, responsable d'exploitation. Cela provoque une réaction chimique qui sépare le calcaire de l'eau pure. Il se dépose au fond de la cuve sous forme de billes. » Et pas de gaspillage ! Les billes sont recyclées par des entreprises de BTP pour faire du béton.
Le dernier traitement permettra de barrer la route aux pesticides. L'eau, enfin potable, pourra rejoindre les robinets des consommateurs. Et même si son goût ne varie pas, les Lillois pourront apprécier quelques changements. Le calcaire au fond des bouilloires et sur les robinets ne devrait plus être qu'un mauvais souvenir.
ELSA GRENOUILLET
Gestion de la distribution d'eau : un traité de 1986... et 14 avenants
Lille Métropole Communauté urbaine a fait le choix de confier la gestion de la distribution de l'eau à une société privée, aujourd'hui la Société des eaux du Nord (SEN). Ce choix, par un traité de concession, date de 1986.
« Ce traité de concession court jusqu'à 2016. Or les matériaux évoluent, les lois et la qualité des nappes phréatiques aussi. Depuis 1986, nous avons créé 14 avenants, explique Francis Vercamer, vice-président de LMCU, chargé de l'eau. La SEN doit bâtir un équilibre entre les recettes (les factures d'eau) et la gestion de la distribution (le relevé des compteurs, les travaux). Notre rôle est de contrôler cet équilibre, que le prix de l'eau ne soit pas supérieur au service rendu. »
En 1994, un trop-perçu d'un milliard de francs est apparu. Un avenant de 1997 instaure depuis un contrôle accru de cet équilibre (un audit des comptes de la SEN tous les cinq ans). Il a aussi été décidé de baisser le prix du m³ et d'injecter une partie de ce trop-perçu dans des travaux (remplacement des branchements au plomb, renouvellement des réseaux, installation de compteurs individuels).
L'effort demandé à la SEN était de 57 ME en 1996, 90 ME en 1998, 7 ME en 2000. En 2005, un avenant a modifié l'indice du prix de l'eau. Il augmentait régulièrement en fonction du coût de la vie « mais ne correspondait pas à la réalité ici en métropole », souligne Stéphane Coudert, directeur général adjoint des services techniques à LMCU.
Le dernier avenant (mai 2006) définit un plan de renouvellement du réseau (190 ME de travaux estimés d'ici 2015). L'avenant indique aussi que chaque chantier devra faire l'objet d'une analyse précise « pour que sur 142 m de canalisations changées, on n'en facture pas 150 », explique M Vercamer. La SEN est enfin obligée de réduire les pertes (fuites d'eau, vols, sous-comptages, etc.). 26 % de l'eau est perdue aujourd'hui. Le traité impose de ramener ce chiffre à 19 % en 2006, 18 % en 2009, 17 % en 2013. Des pénalités sont prévues si la SEN ne réduit pas ces pertes. « Nous sommes exigeants, note F. Vercamer. Mais il faut que le prix de l'eau, 3,09 E le m³, corresponde à un service. » . ST. F.
« Ce traité de concession court jusqu'à 2016. Or les matériaux évoluent, les lois et la qualité des nappes phréatiques aussi. Depuis 1986, nous avons créé 14 avenants, explique Francis Vercamer, vice-président de LMCU, chargé de l'eau. La SEN doit bâtir un équilibre entre les recettes (les factures d'eau) et la gestion de la distribution (le relevé des compteurs, les travaux). Notre rôle est de contrôler cet équilibre, que le prix de l'eau ne soit pas supérieur au service rendu. »
En 1994, un trop-perçu d'un milliard de francs est apparu. Un avenant de 1997 instaure depuis un contrôle accru de cet équilibre (un audit des comptes de la SEN tous les cinq ans). Il a aussi été décidé de baisser le prix du m³ et d'injecter une partie de ce trop-perçu dans des travaux (remplacement des branchements au plomb, renouvellement des réseaux, installation de compteurs individuels).
L'effort demandé à la SEN était de 57 ME en 1996, 90 ME en 1998, 7 ME en 2000. En 2005, un avenant a modifié l'indice du prix de l'eau. Il augmentait régulièrement en fonction du coût de la vie « mais ne correspondait pas à la réalité ici en métropole », souligne Stéphane Coudert, directeur général adjoint des services techniques à LMCU.
Le dernier avenant (mai 2006) définit un plan de renouvellement du réseau (190 ME de travaux estimés d'ici 2015). L'avenant indique aussi que chaque chantier devra faire l'objet d'une analyse précise « pour que sur 142 m de canalisations changées, on n'en facture pas 150 », explique M Vercamer. La SEN est enfin obligée de réduire les pertes (fuites d'eau, vols, sous-comptages, etc.). 26 % de l'eau est perdue aujourd'hui. Le traité impose de ramener ce chiffre à 19 % en 2006, 18 % en 2009, 17 % en 2013. Des pénalités sont prévues si la SEN ne réduit pas ces pertes. « Nous sommes exigeants, note F. Vercamer. Mais il faut que le prix de l'eau, 3,09 E le m³, corresponde à un service. » . ST. F.
Il y a de quoi se poser des questions.

DELPHINE, 38 ans (Lille) : « Ce qui me frappe, c'est que la collecte et le traitement des eaux usées représentent un montant supérieur à celui de la consommation. Sur 210 E de facture, seulement 72 E sont imputés à la consommation, pour 15,67 E d'abonnement. Ça veut dire que si l'argent qu'on verse ne va pas aux travaux, il y a de quoi se poser des questions ! D'autant qu'on n'est pas assez informé : qui connaît vraiment le cycle de l'eau ? »
Nous avons dû acheter un adoucisseur.

MARIE-ANDRÉE, 43 ans (Mons-en-Baroeul) : « Ce n'est pas un sujet très fort à la maison... C'est mon mari qui paye la facture. L'eau est très calcaire dans notre ville, plus qu'à Lille, et nous avons dû acheter un adoucisseur. Le résultat est sensible pour la peau et pour notre électroménager. Mais l'investissement devrait être défiscalisé. Mon mari, d'ailleurs, ne veut plus boire l'eau du robinet, à cause du goût !
Elle est de plus en plus chère.

DORINA, 43 ans (Croix) : « Je trouve que l'eau est de plus en plus chère, spécialement depuis cinq ans. Et j'estime que depuis une dizaine d'années, ma facture a augmenté de 80 %. J'ai cru comprendre que c'était dû au traitement de l'eau, à l'épuration. Mais on manque d'information