L'octroi d'un régime fiscal dérogatoire à Vivendi Universal, le 26 août, suivi, mercredi 1er septembre, par l'annonce d'une prochaine baisse de l'impôt sur les sociétés de 3 % en deux ans, alimente le débat sur la politique fiscale du gouvernement Raffarin.
Tandis que le Syndicat national unifié des impôts (SNUI) y voit "le symbole éclairant d'une politique fiscale partisane", la gauche dénonce une succession de "cadeaux fiscaux" au Medef, créant un manque à gagner préjudiciable à la collectivité. Au contraire, prenant appui sur la contrepartie obtenue par l'Etat de la part de Vivendi, en échange de son nouveau statut fiscal - la création de 2 500 emplois en France sur cinq ans -, les représentants de la majorité en attendent des effets positifs sur l'économie.
Or, qu'en est-il ? Selon l'enquête réalisée par Le Monde, onze entreprises françaises bénéficient du régime fiscal favorable dit du bénéfice (mondial) consolidé, auquel sera désormais assujetti Vivendi Universal : neuf sont des groupes d'envergure internationale cotés à la Bourse de Paris (Total, Areva, Saint-Gobain, Thomson, NRJ, Sodhexo, Renault, Aventis et Lafarge) et deux des sociétés de plus petite taille, implantées dans le Nord de la France, qui ne sont pas cotées.
Celles-ci auraient expressément demandé à l'administration de ne pas dévoiler leur identité.
INTENTION DE RENONCER?
Au total, selon des estimations officielles, le coût pour l'Etat de ce système fiscal dérogatoire a atteint 847 millions d'euros en 2002.
Cette somme conséquente est cependant à rapprocher du total de l'impôt sur les sociétés perçu cette année-là, 37,5 milliards. Constatant que cette dépense fiscale croît d'année en année, plusieurs députés de l'opposition ont tenté, fin 2002, de plafonner l'avantage en impôt accordé aux multinationales françaises dans le cadre du régime du bénéfice consolidé, afin que celui-ci ne soit pas supérieur à 20 % de l'impôt qui serait normalement dû. Mais leur proposition a été rejetée lors de la discussion parlementaire.
Le chiffrage de cette dépense fiscale pour 2003 et de 2004 n'est pas encore connu, mais on sait que la situation va évoluer.
En effet, selon nos informations, Sodhexo, Renault, Aventis et Lafarge ont fait connaître au ministère des finances leur intention de renoncer à leur régime fiscal dérogatoire en 2004, considérant qu'ils n'en retirent plus assez d'avantages.
De fait, le régime du bénéfice consolidé, très compliqué à gérer, n'est pas forcément intéressant. Conçu en 1965 pour stimuler l'implantation à l'étranger des sociétés françaises et soutenir leur compétitivité, il consiste à consolider au niveau mondial les bénéfices et les pertes réalisées dans le monde entier - et ce, pour toutes les filiales ou succursales françaises et étrangères détenues à plus de 50 % -, à calculer l'impôt théorique au taux français puis à en soustraire les impôts déjà payés dans chaque pays par les filiales étrangères.
Ce mécanisme allège donc le coût d'une politique d'internationalisation, mais cet avantage s'atténue au fur et à mesure que les filiales étrangères deviennent rentables.
Dans le cas de Vivendi, l'intérêt de l'opération est évident : permettre au groupe de communication d'activer l'important crédit d'impôt (3,8 milliards d'euros) dont il dispose sur ses résultats à venir, en raison des pertes abyssales de 2001, 2002 et 2003. Alors que jusqu'ici, le groupe de Jean-René Fourtou ne dégageait pas suffisamment de bénéfices pour le faire, la possibilité de réaliser l'intégration fiscale de sa principale filiale bénéficiaire SFR - dans le cadre du nouveau régime - change la donne. Dans un entretien à La Tribune du 27 août, le directeur général de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, en attend un impact "positif d'environ 500 millions d'euros" sur les bénéfices, dès cette année.
Cette somme conséquente est cependant à rapprocher du total de l'impôt sur les sociétés perçu cette année-là, 37,5 milliards. Constatant que cette dépense fiscale croît d'année en année, plusieurs députés de l'opposition ont tenté, fin 2002, de plafonner l'avantage en impôt accordé aux multinationales françaises dans le cadre du régime du bénéfice consolidé, afin que celui-ci ne soit pas supérieur à 20 % de l'impôt qui serait normalement dû. Mais leur proposition a été rejetée lors de la discussion parlementaire.
Le chiffrage de cette dépense fiscale pour 2003 et de 2004 n'est pas encore connu, mais on sait que la situation va évoluer.
En effet, selon nos informations, Sodhexo, Renault, Aventis et Lafarge ont fait connaître au ministère des finances leur intention de renoncer à leur régime fiscal dérogatoire en 2004, considérant qu'ils n'en retirent plus assez d'avantages.
De fait, le régime du bénéfice consolidé, très compliqué à gérer, n'est pas forcément intéressant. Conçu en 1965 pour stimuler l'implantation à l'étranger des sociétés françaises et soutenir leur compétitivité, il consiste à consolider au niveau mondial les bénéfices et les pertes réalisées dans le monde entier - et ce, pour toutes les filiales ou succursales françaises et étrangères détenues à plus de 50 % -, à calculer l'impôt théorique au taux français puis à en soustraire les impôts déjà payés dans chaque pays par les filiales étrangères.
Ce mécanisme allège donc le coût d'une politique d'internationalisation, mais cet avantage s'atténue au fur et à mesure que les filiales étrangères deviennent rentables.
Dans le cas de Vivendi, l'intérêt de l'opération est évident : permettre au groupe de communication d'activer l'important crédit d'impôt (3,8 milliards d'euros) dont il dispose sur ses résultats à venir, en raison des pertes abyssales de 2001, 2002 et 2003. Alors que jusqu'ici, le groupe de Jean-René Fourtou ne dégageait pas suffisamment de bénéfices pour le faire, la possibilité de réaliser l'intégration fiscale de sa principale filiale bénéficiaire SFR - dans le cadre du nouveau régime - change la donne. Dans un entretien à La Tribune du 27 août, le directeur général de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, en attend un impact "positif d'environ 500 millions d'euros" sur les bénéfices, dès cette année.
DES CONTREPARTIES
Tous les groupes assujettis au bénéfice consolidé en ont-ils profité de la même manière ?
Les économies réalisées seraient "substantielles" mais "très variables" d'une entreprise à l'autre et d'une année sur l'autre, selon un expert des finances publiques. "Le régime a beaucoup profité à Synthélabo entre 1993 et 1997, indique-t-il, mais en 2002, plusieurs groupes ont payé plus d'impôts qu'ils n'auraient dû sous le régime général". "Demander le bénéfice consolidé ne correspond pas à une recherche désespérée de subventions, renchérit un proche de Bercy, ce n'est pas une aide d'Etat mais un avantage temporaire de trésorerie".
Total réfute la thèse selon laquelle, réalisant les plus gros bénéfices de France, il n'y acquitterait pas un centime d'impôt. "Au cours des dernières années, nous avons payé des impôts à l'Etat français au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle", affirme un porte-parole. "Total a payé au moins 33 % d'impôt sur l'ensemble de ses profits mais on peut quand même se demander si la répartition de l'impôt entre les différents pays est juste", commente un haut fonctionnaire.
Par ailleurs, l'Etat ne sort pas forcément perdant des contrats passés avec les multinationales, puisque l'agrément leur accordant le bénéfice consolidé a des contreparties censées profiter à l'économie (création ou maintien d'emplois, hausse des exportations, etc.). Cet impact reste cependant difficile à apprécier et il est arrivé que des groupes assujettis à ce régime suppriment des emplois. Bercy assure qu'en quarante ans, les dérives ont été rares, un seul agrément ayant été retiré.
An S'agissant de Vivendi, le cabinet de Nicolas Sarkozy estime qu'il n'entraîne "aucun manque à gagner pour l'Etat, car celui-ci aurait trouvé le moyen de valoriser sa créance fiscale ; les recettes supposées perdues pour l'Etat étaient en fait virtuelles". Le groupe de communication risquerait un retrait de son agrément en cas de non-respect de son engagement à créer des emplois.
Les économies réalisées seraient "substantielles" mais "très variables" d'une entreprise à l'autre et d'une année sur l'autre, selon un expert des finances publiques. "Le régime a beaucoup profité à Synthélabo entre 1993 et 1997, indique-t-il, mais en 2002, plusieurs groupes ont payé plus d'impôts qu'ils n'auraient dû sous le régime général". "Demander le bénéfice consolidé ne correspond pas à une recherche désespérée de subventions, renchérit un proche de Bercy, ce n'est pas une aide d'Etat mais un avantage temporaire de trésorerie".
Total réfute la thèse selon laquelle, réalisant les plus gros bénéfices de France, il n'y acquitterait pas un centime d'impôt. "Au cours des dernières années, nous avons payé des impôts à l'Etat français au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle", affirme un porte-parole. "Total a payé au moins 33 % d'impôt sur l'ensemble de ses profits mais on peut quand même se demander si la répartition de l'impôt entre les différents pays est juste", commente un haut fonctionnaire.
Par ailleurs, l'Etat ne sort pas forcément perdant des contrats passés avec les multinationales, puisque l'agrément leur accordant le bénéfice consolidé a des contreparties censées profiter à l'économie (création ou maintien d'emplois, hausse des exportations, etc.). Cet impact reste cependant difficile à apprécier et il est arrivé que des groupes assujettis à ce régime suppriment des emplois. Bercy assure qu'en quarante ans, les dérives ont été rares, un seul agrément ayant été retiré.
An S'agissant de Vivendi, le cabinet de Nicolas Sarkozy estime qu'il n'entraîne "aucun manque à gagner pour l'Etat, car celui-ci aurait trouvé le moyen de valoriser sa créance fiscale ; les recettes supposées perdues pour l'Etat étaient en fait virtuelles". Le groupe de communication risquerait un retrait de son agrément en cas de non-respect de son engagement à créer des emplois.