Il y avait une volonté d'opacité délibérée.

Jacques Drapier le répète volontiers il ira jusqu'au bout, le pot de terre contre le pot de fer jusqu'à la Cour européenne des droits de l' homme s'il le faut. Le petit, c'est la ville de Neufchâteau, une coquette bourgade vosgienne de 8 500 habitants, le gros est Veolia eau, premier opérateur mondial des services de I'eau, 67 800 collaborateurs dans 55 pays, et quelque I0 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel. A la suite d'une procédure entamée en septembre 2004, sa filiale Compagnie de l'eau et de l'ozone (CEO) réclame 7,5 millions d'euros à la ville pour le manque à gagner et la « perte d'image » occasionnée par la rupture unilatérale du contrat qui la liait à ce prestataire de services.
Pour Jacques Drapier, maire PS élu en 1989, la délégation de quinze ans qu'il accorde en 1993 a la CEO pour la gestion de I'eau était une opération de bon aloi : la ville qui dispose de peu de ressources, se délestait d'une activité peu valorisante et coûteuse, et empochait un « ticket d'entrée » de 300 000 mille euros investis dans la construction d'un aménagement routier. « Content de moi, mais naif 'Mes confrères m'ont fait comprendre que j'aurais pu obtenir dix fois plus » La pratique du ticket d'entrée était alors parfaitement légale, et ces contrats étaient peu contrôlés. Les relations se dégradent vite entre le maire et la compagnie. Les prix de l'eau augmentent, de quelque 30 % en une demi-décennie, l'affectation de fonds provisionnés pour l'entretien et le renouvellement reste confidentielle.
« Quand je demandais des explications, on me répondait :" passez nous voir au siège, à Metz, à 120 kilomètres, il y avait une volonté d'opacité délibérée."
Pour Jacques Drapier, maire PS élu en 1989, la délégation de quinze ans qu'il accorde en 1993 a la CEO pour la gestion de I'eau était une opération de bon aloi : la ville qui dispose de peu de ressources, se délestait d'une activité peu valorisante et coûteuse, et empochait un « ticket d'entrée » de 300 000 mille euros investis dans la construction d'un aménagement routier. « Content de moi, mais naif 'Mes confrères m'ont fait comprendre que j'aurais pu obtenir dix fois plus » La pratique du ticket d'entrée était alors parfaitement légale, et ces contrats étaient peu contrôlés. Les relations se dégradent vite entre le maire et la compagnie. Les prix de l'eau augmentent, de quelque 30 % en une demi-décennie, l'affectation de fonds provisionnés pour l'entretien et le renouvellement reste confidentielle.
« Quand je demandais des explications, on me répondait :" passez nous voir au siège, à Metz, à 120 kilomètres, il y avait une volonté d'opacité délibérée."
Ils prennent les élus pour gogos et prétendent regner sur la France

ville de Neufchâteau
En 2000, la ville décide alors de se payer un audit. Deux ans de travail d'un expert de haut vol, ex-cadre à la Lyonnaise des eaux, qui délivre son verdict : le prix de l'eau, qui a été facturé aux Neocasmens jusqu'à 4 euros environ le mètre cube pourrait être ramené à 2,90 euros, soit une reduction de près de 30%. Les tensions s'exacerbent et le maire, qui convient désormais que la délégation de service est une erreur dont il doit réparation à ses concitoyens, parle d'un retour en régie municipale.
La CEO ne l'entend pas de cette oreille, et, au nombre de ses pressions envoie un jour un émissaire proposer à Jacques Drapier un voyage d'agrément privé. Le vase déborde brutalement
"je l'ai mis à la porte". Ces gens-la sont d'un mépris total, ils prennent les élus pour gogos et prétendent regner sur la France'" .
Il entreprend dès le lendemain de résilier le contrat, décision entérinée par le conseil municipal malgré le refus de I'opposition. Une première nationale, en tout cas pour une petite municipalité comme Neufchâteau. Coup d'éclat, certes, mais monumentale erreur, jugent des édiles et des fonctionnaires du département - complexité technique, poids des investissements, etc. Au parti socialiste, on lui fait « des remarques » La régie, municipale fonctionne pourtant dès 2001. Atout précieux la municipalité est parvenue à embaucher une partie des techniciens qui travaillaient précédemment sur le réseau de Neufchâteau.
La CEO ne l'entend pas de cette oreille, et, au nombre de ses pressions envoie un jour un émissaire proposer à Jacques Drapier un voyage d'agrément privé. Le vase déborde brutalement
"je l'ai mis à la porte". Ces gens-la sont d'un mépris total, ils prennent les élus pour gogos et prétendent regner sur la France'" .
Il entreprend dès le lendemain de résilier le contrat, décision entérinée par le conseil municipal malgré le refus de I'opposition. Une première nationale, en tout cas pour une petite municipalité comme Neufchâteau. Coup d'éclat, certes, mais monumentale erreur, jugent des édiles et des fonctionnaires du département - complexité technique, poids des investissements, etc. Au parti socialiste, on lui fait « des remarques » La régie, municipale fonctionne pourtant dès 2001. Atout précieux la municipalité est parvenue à embaucher une partie des techniciens qui travaillaient précédemment sur le réseau de Neufchâteau.
Le pas est franchi

Pascal Cabley, Maire de Certilleux, directeur de la Reane
Mais pourquoi ne pas aller plus loin, suggère alors Joel Reisser, directeur général des services de la municipalité « C'est-à-dire détacher ces services pour en faire une "régie autonome", comme y oblige d'ailleurs une loi de 1927 »
Le pas est franchi en 2004, avec la création de la Régie Autonome des eaux et de l'Assainissement de Neufchâteau (Reane), qui a la charge de la production de l'eau potable, de sa distribution, de son assainissement ainsi que de la facturation. La première structure du genre en France, semble t-il. Elle possède son autonomie financière, et son conseil d'administration, comporte, aux côtés de six élus et d'un représentant des salariés, deux particuliers représentants de consommateurs, qui participent notamment à la fixation du prix de 1'eau.
Le prix est aujourd'hui de 3,13 euros le m3 (après être tombé à quelque 2,90 euros), et les investissements engagés, des fonds dégagés par les recettes, ont permis de réduire de 500 m3 par jour les fuites du réseau - 20 % de la consommation journalière. Quant aux dépenses globales de fonctionnement, elles ont chuté de 35 % « Et sur la transparence des comptes, c'est le jour et la nuit», s'exclame Pascal Cabley, directeur de la Reane. Dernière touche, un contraste spectaculaire, qui déprécie sérieusement les prestations de la CEO : Depuis le retour en régie, Neufchateau a pratiqué trois forages pour se doter de prises d'eau supplémentaires, sécurisant un approvisionnement qui ne reposait jusque là que sur une seule source, qui avait connu en 1997 une pollution accidentelle obligeant à l'arrêt de la production pendant plusieurs jours.
«Je n'imagine pas qu'il s'agisse d'incompétence de la part de ces puissantes entreprises", commente le maire. "Dans le domaine de I'eau, ce sont les despotes des temps modernes »
Le pas est franchi en 2004, avec la création de la Régie Autonome des eaux et de l'Assainissement de Neufchâteau (Reane), qui a la charge de la production de l'eau potable, de sa distribution, de son assainissement ainsi que de la facturation. La première structure du genre en France, semble t-il. Elle possède son autonomie financière, et son conseil d'administration, comporte, aux côtés de six élus et d'un représentant des salariés, deux particuliers représentants de consommateurs, qui participent notamment à la fixation du prix de 1'eau.
Le prix est aujourd'hui de 3,13 euros le m3 (après être tombé à quelque 2,90 euros), et les investissements engagés, des fonds dégagés par les recettes, ont permis de réduire de 500 m3 par jour les fuites du réseau - 20 % de la consommation journalière. Quant aux dépenses globales de fonctionnement, elles ont chuté de 35 % « Et sur la transparence des comptes, c'est le jour et la nuit», s'exclame Pascal Cabley, directeur de la Reane. Dernière touche, un contraste spectaculaire, qui déprécie sérieusement les prestations de la CEO : Depuis le retour en régie, Neufchateau a pratiqué trois forages pour se doter de prises d'eau supplémentaires, sécurisant un approvisionnement qui ne reposait jusque là que sur une seule source, qui avait connu en 1997 une pollution accidentelle obligeant à l'arrêt de la production pendant plusieurs jours.
«Je n'imagine pas qu'il s'agisse d'incompétence de la part de ces puissantes entreprises", commente le maire. "Dans le domaine de I'eau, ce sont les despotes des temps modernes »
Le principe de l'intérêt public : la jurisprudence Neufchâteau

Reste la plainte de la CEO, qui le laisse « relativement serein ». II a fait voter un budget municipal 2006 où n'apparait aucune provision pour couvrir le risque d'une éventuelle condamnation.
«C'est cohérent avec notre défense, nous nous battons pour démontrer que le principe de l'intérêt public, auquel nous avons oeuvré aujourd'hui, est supérieur à l'intérêt particulier d'une entreprise."
Aujourd'hui, après les sarcasmes, la petite ville qui a osé refuser la tutelle de Veolia et briser le tabou de I'impossible indépendance suscite un intérêt grandissant « Je reçois des appels de toute la France, des maires de droite comme de gauche » , souligne Jacques Drapier, fortement soutenu par sa population. Les pouvoirs publics sont un moment restés perplexes devant la « colle » que leur posait la Reane, objet mal identifié. Une instruction du ministère des Finances est désormais en train de constituer une «jurisprudence Neufchateau» , reprenant point par point 1'expérience de la commune pour décrire l'art et la manière de créer une régie autonome.
«C'est cohérent avec notre défense, nous nous battons pour démontrer que le principe de l'intérêt public, auquel nous avons oeuvré aujourd'hui, est supérieur à l'intérêt particulier d'une entreprise."
Aujourd'hui, après les sarcasmes, la petite ville qui a osé refuser la tutelle de Veolia et briser le tabou de I'impossible indépendance suscite un intérêt grandissant « Je reçois des appels de toute la France, des maires de droite comme de gauche » , souligne Jacques Drapier, fortement soutenu par sa population. Les pouvoirs publics sont un moment restés perplexes devant la « colle » que leur posait la Reane, objet mal identifié. Une instruction du ministère des Finances est désormais en train de constituer une «jurisprudence Neufchateau» , reprenant point par point 1'expérience de la commune pour décrire l'art et la manière de créer une régie autonome.
