
Par Marie Mazalto
L'hebdomadaire Pulsorelate le témoignage de certains hydrologues boliviens qui, le 10 juin dernier, sur invitations personnelles en provenance du Corps d'ingénieurs de l'US Army, ont été convoqués à une réunion au siège de l'ambassade américaine à La Paz. La rencontre était brève et surtout très pragmatique. Un courrier préalable enjoignait les participants à se prémunir des copies des documents dont ils disposaient concernant d'une part, les sources d'eau potable recensées mais aussi les recherches à envisager pour compléter cet état de l'eau. Cette lettre d'invitation rédigée par le département de la défense des Etats-Unis, co-signée par le Colonel des forces spéciales et le Commandant des forces militaires américaines en Bolivie mentionnait l'importance "d'identifier les besoins en eau du pays afin de servir de base pour la réalisation d'exercices civiques d'assistance humanitaire." Il était précisé que toutes ces informations concernant les eaux de surface, les aquifères, les régions problématiques ou les zones ayant déjà fait l'objet de recherches seraient répertoriées dans un document synthèse qui viendra compléter les cartes déjà produites par le Centre d'ingénierie topographique d'Alexandrie, en Virginie.
Le département américain précisait d'autre part que ces informations devraient par ailleurs faciliter de futurs investissements en Bolivie afin de favoriser "le développement des ressources en eau du pays". C'est à ce titre que le département a précisé avoir notamment besoin de recenser les aires d'irrigation dépendant d'intérêts privés et celles demeurant sous contrôle du gouvernement. A noter qu'aucun représentant du gouvernement de Bolivie n'aurait d'ailleurs été invité à la rencontre. Tout laisse à croire que ce recensement échappe à tout contrôle des autorités locales, à moins qu'un mandat ait été précédemment accordé par le gouvernement.
L'initiative met en tout cas en lumière l'importance stratégique que revêtent pour les Etats-Unis les ressources sud-américaines. L'objectif serait de s'assurer du contrôle des eaux continentales afin d'anticiper une éventuelle pénurie nationale, qui touche déjà gravement le sud du pays où se concentre une agro-industrie, grande consommatrice d'eau. L'eau des pays andins semble présenter un intérêt de premier ordre dans cette politique de moyen terme, dans la mesure ou les pays frontaliers des Etats-Unis sont des sources d'approvisionnement peu sécurisées.
Au sud, tout d'abord avec le Mexique, lié depuis 1944 par un accord d'approvisionnement mais qui du fait de dix années de sécheresse et aussi de la surexploitation du fleuve Colorado (ayant entraîné une augmentation de sa salinité) n'arrive plus à tenir ses engagements (avec la fourniture de 450 millions de m3 par an). Si les Mexicains avaient espérer quelques aménagements dans, en juin 2000, lors d'une une rencontre entre les présidents Zedillo et Clinton, ce fut peine perdue et la situation demeure tendue.
Mais aussi au nord, avec le Canada - dépositaire d'environ 20 % des ressources en eaux douces mondiales. Le pays s'est doté en 1999 d'un moratoire interdisant les prélèvements massifs d'eaux de surface et souterraines dans les portions canadiennes des principaux bassins hydrographiques. Le Conseil canadien des ministres de l'environnement (CCME) a permis la souscription de neufs gouvernements provinciaux à l'accord d'interdiction. Même si les Américains estiment que ce moratoire se heurte aux accords de l'Alena sur l'exportation et la vente de biens et services, le dispositif a jusqu'à présent permis aux Canadiens de conserver le contrôle sur ses ressources.
L'hebdomadaire Pulsorelate le témoignage de certains hydrologues boliviens qui, le 10 juin dernier, sur invitations personnelles en provenance du Corps d'ingénieurs de l'US Army, ont été convoqués à une réunion au siège de l'ambassade américaine à La Paz. La rencontre était brève et surtout très pragmatique. Un courrier préalable enjoignait les participants à se prémunir des copies des documents dont ils disposaient concernant d'une part, les sources d'eau potable recensées mais aussi les recherches à envisager pour compléter cet état de l'eau. Cette lettre d'invitation rédigée par le département de la défense des Etats-Unis, co-signée par le Colonel des forces spéciales et le Commandant des forces militaires américaines en Bolivie mentionnait l'importance "d'identifier les besoins en eau du pays afin de servir de base pour la réalisation d'exercices civiques d'assistance humanitaire." Il était précisé que toutes ces informations concernant les eaux de surface, les aquifères, les régions problématiques ou les zones ayant déjà fait l'objet de recherches seraient répertoriées dans un document synthèse qui viendra compléter les cartes déjà produites par le Centre d'ingénierie topographique d'Alexandrie, en Virginie.
Le département américain précisait d'autre part que ces informations devraient par ailleurs faciliter de futurs investissements en Bolivie afin de favoriser "le développement des ressources en eau du pays". C'est à ce titre que le département a précisé avoir notamment besoin de recenser les aires d'irrigation dépendant d'intérêts privés et celles demeurant sous contrôle du gouvernement. A noter qu'aucun représentant du gouvernement de Bolivie n'aurait d'ailleurs été invité à la rencontre. Tout laisse à croire que ce recensement échappe à tout contrôle des autorités locales, à moins qu'un mandat ait été précédemment accordé par le gouvernement.
L'initiative met en tout cas en lumière l'importance stratégique que revêtent pour les Etats-Unis les ressources sud-américaines. L'objectif serait de s'assurer du contrôle des eaux continentales afin d'anticiper une éventuelle pénurie nationale, qui touche déjà gravement le sud du pays où se concentre une agro-industrie, grande consommatrice d'eau. L'eau des pays andins semble présenter un intérêt de premier ordre dans cette politique de moyen terme, dans la mesure ou les pays frontaliers des Etats-Unis sont des sources d'approvisionnement peu sécurisées.
Au sud, tout d'abord avec le Mexique, lié depuis 1944 par un accord d'approvisionnement mais qui du fait de dix années de sécheresse et aussi de la surexploitation du fleuve Colorado (ayant entraîné une augmentation de sa salinité) n'arrive plus à tenir ses engagements (avec la fourniture de 450 millions de m3 par an). Si les Mexicains avaient espérer quelques aménagements dans, en juin 2000, lors d'une une rencontre entre les présidents Zedillo et Clinton, ce fut peine perdue et la situation demeure tendue.
Mais aussi au nord, avec le Canada - dépositaire d'environ 20 % des ressources en eaux douces mondiales. Le pays s'est doté en 1999 d'un moratoire interdisant les prélèvements massifs d'eaux de surface et souterraines dans les portions canadiennes des principaux bassins hydrographiques. Le Conseil canadien des ministres de l'environnement (CCME) a permis la souscription de neufs gouvernements provinciaux à l'accord d'interdiction. Même si les Américains estiment que ce moratoire se heurte aux accords de l'Alena sur l'exportation et la vente de biens et services, le dispositif a jusqu'à présent permis aux Canadiens de conserver le contrôle sur ses ressources.

Au regard de cette situation, il semble que les Etats-Unis n'aient donc d'autre choix que de prospecter vers les pays du sud du continent, pour certains dotés d'importantes ressources de grande qualité notamment du fait de la Cordillère des Andes qui agit comme réservoir et système filtrant . La future signature de Zone de libre échange des Amériques - prévue au plus tard pour l'année 2005 - devrait elle-même faciliter le libre accès aux sources d'eau potables continentales pour les pays les moins bien dotés mais les plus susceptibles financièrement d'envisager l'importation d'eau potable avec un cadre normatif "adapté".
Quelles seront les conséquences sociales et écologiques de telles politiques qui ouvrent la porte à la marchandisation et aux transferts inter-bassins, voire inter-continentaux ? Les pays andins, qui sont financièrement dépendants de l'aide internationale et peu compétitifs sur les marchés des biens et services, auront-ils les moyens de s'opposer à une éventuelle main mise nord-américaine sur leurs ressources en eau ? Depuis quelques années, la Bolivie a, au coup par coup et région par région, rendu son cadre législatif beaucoup plus flexible en vue de faciliter cette privatisation du contrôle et des services de l'eau. La dernière disposition en date - la loi de Potosi votée en 2000 - ouvrait la voie à l'exportation de l'eau en vrac vers les régions arides du Chili, compromettant directement le contrôle étatique sur les réserves et surtout la survie d'une vie sociale et d'un écosystème montagnards déjà largement sacrifiés par des siècles d'exploitation minière intensive. La mobilisation populaire a contraint le gouvernement, dans un premier temps à réduire la zone d'application de la loi à la région de Potosi, puis finalement à s'engager à suspendre toute nouvelle activité de recherche et tout projet d'exportation de la ressource vers le Chili. Mais en dépit de ces engagements "circonstanciels", la loi d'exportation de l'eau de la région de Potosi reste en vigueur. Aussi pour beaucoup d'opposant, la menace reste entière.
Alors aussi que la pénurie en eau potable qui sévit aux Etats-Unis qui est due, en grande partie, à un usage excessif et non viable de la ressource à des fins industrielles et agricoles, on peut aussi se demander en quelques termes les responsables envisagent une hiérarchisation des usages. Avant d'envisager d'éventuels transferts d'eau à grande échelle, ne serait-il pas plus raisonnable de repenser nos modes de consommation d'eau et de promouvoir les activités qui privilégient le respect et le rythme naturel de renouvellement naturel des ressources, la viabilité des écosystèmes et le droit d'accès pour chacun à une eau potable en quantité et qualité nécessaires à ses besoins vitaux ?
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Ressources
Quelles seront les conséquences sociales et écologiques de telles politiques qui ouvrent la porte à la marchandisation et aux transferts inter-bassins, voire inter-continentaux ? Les pays andins, qui sont financièrement dépendants de l'aide internationale et peu compétitifs sur les marchés des biens et services, auront-ils les moyens de s'opposer à une éventuelle main mise nord-américaine sur leurs ressources en eau ? Depuis quelques années, la Bolivie a, au coup par coup et région par région, rendu son cadre législatif beaucoup plus flexible en vue de faciliter cette privatisation du contrôle et des services de l'eau. La dernière disposition en date - la loi de Potosi votée en 2000 - ouvrait la voie à l'exportation de l'eau en vrac vers les régions arides du Chili, compromettant directement le contrôle étatique sur les réserves et surtout la survie d'une vie sociale et d'un écosystème montagnards déjà largement sacrifiés par des siècles d'exploitation minière intensive. La mobilisation populaire a contraint le gouvernement, dans un premier temps à réduire la zone d'application de la loi à la région de Potosi, puis finalement à s'engager à suspendre toute nouvelle activité de recherche et tout projet d'exportation de la ressource vers le Chili. Mais en dépit de ces engagements "circonstanciels", la loi d'exportation de l'eau de la région de Potosi reste en vigueur. Aussi pour beaucoup d'opposant, la menace reste entière.
Alors aussi que la pénurie en eau potable qui sévit aux Etats-Unis qui est due, en grande partie, à un usage excessif et non viable de la ressource à des fins industrielles et agricoles, on peut aussi se demander en quelques termes les responsables envisagent une hiérarchisation des usages. Avant d'envisager d'éventuels transferts d'eau à grande échelle, ne serait-il pas plus raisonnable de repenser nos modes de consommation d'eau et de promouvoir les activités qui privilégient le respect et le rythme naturel de renouvellement naturel des ressources, la viabilité des écosystèmes et le droit d'accès pour chacun à une eau potable en quantité et qualité nécessaires à ses besoins vitaux ?
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Ressources
- •Article "El comando Sur de EEUU tiene sed", Pulso, 21-27/06/2002. Voir aussi au sujet de l'accord entre le Mexique et les Etats-Unis, l'article de Anne Pelouas, publié dans Le Monde, 20 février 2001.
- •U.S. Geological Survey
- •Space Imagery of Lake Titicaca