Le communiqué de QUE CHOISIR : Les résultats de l'enquête

"Les prix de l'eau pratiqués dans les grandes agglomérations urbaines sont souvent très abusifs", dénonce l'association de consommateurs dans sa deuxième étude sur le sujet, étendue à neuf nouveaux syndicats des eaux.
Palmes de la surfacturation selon l'UFC:
- le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif),
- la presqu'île de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), qui sont gérés en délégation privée pour la distribution et en régie pour l'assainissement, et
- Marseille, qui est géré en délégation privée.
Le taux de marge du Sedif est, selon l'UFC, de 58,7, c'est à dire que sur 100 euros facturés au consommateur, 58,7 euros constituent le profit du Syndicat des Eaux. Il est de 56,1% à Marseille et de 55% sur la presqu'île de Gennevilliers
Des niveaux "proprement astronomiques", fustige l'association.
Selon la méthode de calcul de l'UFC, Lyon, Toulouse, Montpellier (gestions privées) et Reims (municipale) arrivent juste derrière avec des taux de marge compris entre 40 et 50%. Bordeaux, Nice (gestions privées), Paris (mixte) et Strasbourg (municipale) ont des taux "beaucoup trop élevés" entre 30 et 39%, et Angers, Nantes (municipales), Lille et Nancy (privées) "trop élevés" entre 25 et 30%. "
A l'inverse,
Chambéry, Clermont-Ferrand, Annecy et Grenoble, qui sont gérées en régie municipale, présentent des prix facturés assez proches de notre calcul de coût", soit des marges entre 10 et 15%, note l'association.
"Ces résultats mettent en lumière les bénéfices faramineux réalisés par les deux entreprises, Veolia et Suez, qui se partagent l'essentiel du marché, et témoignent des inefficiences du service", dénonce-t-elle.
"La facture est aussi tirée à la hausse par des pratiques budgétaires irrégulières. Par exemple, dans plusieurs syndicats d'assainissement, tels que le SIAAP (syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne, ndlr), la coûteuse gestion des eaux pluviales est financée par la facture d'eau alors que, selon la Cour des comptes, ce poste relève du budget général des collectivités locales", ajoute-t-elle.
"La clé d'une meilleure gouvernance de l'eau reste dans les mains des élus locaux" qui "lors de la renégociation de leur contrat (...) doivent envisager sérieusement l'opportunité d'un retour en régie publique", conseille l'UFC. "La menace de ce retour reste en effet le seul moyen immédiat d'accroître l'intensité de la concurrence", juge-t-elle.
Palmes de la surfacturation selon l'UFC:
- le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif),
- la presqu'île de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), qui sont gérés en délégation privée pour la distribution et en régie pour l'assainissement, et
- Marseille, qui est géré en délégation privée.
Le taux de marge du Sedif est, selon l'UFC, de 58,7, c'est à dire que sur 100 euros facturés au consommateur, 58,7 euros constituent le profit du Syndicat des Eaux. Il est de 56,1% à Marseille et de 55% sur la presqu'île de Gennevilliers
Des niveaux "proprement astronomiques", fustige l'association.
Selon la méthode de calcul de l'UFC, Lyon, Toulouse, Montpellier (gestions privées) et Reims (municipale) arrivent juste derrière avec des taux de marge compris entre 40 et 50%. Bordeaux, Nice (gestions privées), Paris (mixte) et Strasbourg (municipale) ont des taux "beaucoup trop élevés" entre 30 et 39%, et Angers, Nantes (municipales), Lille et Nancy (privées) "trop élevés" entre 25 et 30%. "
A l'inverse,
Chambéry, Clermont-Ferrand, Annecy et Grenoble, qui sont gérées en régie municipale, présentent des prix facturés assez proches de notre calcul de coût", soit des marges entre 10 et 15%, note l'association.
"Ces résultats mettent en lumière les bénéfices faramineux réalisés par les deux entreprises, Veolia et Suez, qui se partagent l'essentiel du marché, et témoignent des inefficiences du service", dénonce-t-elle.
"La facture est aussi tirée à la hausse par des pratiques budgétaires irrégulières. Par exemple, dans plusieurs syndicats d'assainissement, tels que le SIAAP (syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne, ndlr), la coûteuse gestion des eaux pluviales est financée par la facture d'eau alors que, selon la Cour des comptes, ce poste relève du budget général des collectivités locales", ajoute-t-elle.
"La clé d'une meilleure gouvernance de l'eau reste dans les mains des élus locaux" qui "lors de la renégociation de leur contrat (...) doivent envisager sérieusement l'opportunité d'un retour en régie publique", conseille l'UFC. "La menace de ce retour reste en effet le seul moyen immédiat d'accroître l'intensité de la concurrence", juge-t-elle.
Factures d'eau : la décrue générale n'est pas en vue selon l'UFC

Après la polémique provoquée début 2006 par notre étude sur le prix de l'eau, retour sur le sujet avec une nouvelle liste de grandes villes analysées. Verdict : des prix justes dans certaines, une surfacturation phénoménale dans d'autres.
Le prix de l'eau facturé au consommateur fait la culbute d'une agglomération à une autre :
Ces disparités sont-elles fondées ? L'UFC-Que Choisir remet le couvert.
On s'en souvient, la première expertise du prix de l'eau publiée début 2006 avait provoqué un beau tollé. Des élus locaux aux distributeurs d'eau en passant par la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), ils avaient été nombreux à dénoncer un procès d'intention, des approximations, voire des erreurs grossières. Le syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) était même décidé à « donner la suite judiciaire qui s'impose face aux allégations mensongères de cet article ». En fait, aucun procès n'a été intenté contre Que Choisir. Le président du Sedif, André Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux (92), s'est contenté d'un droit de réponse que nous avons largement commenté.
D'autres élus ont, heureusement, adopté une démarche plus constructive. Rencontres avec des représentants de la Ville de Paris et d'Angers, qui ont permis de confronter arguments, chiffres et modes de calcul, échanges avec Annecy. Certains semblent donc prêts au débat et à la transparence sur le prix de l'eau. L'UFC-Que Choisir, qui poursuit le même objectif, s'en félicite.
Dommage que la FNCCR, organisation qui représente de nombreuses collectivités locales, ait snobé l'offre qui lui avait été faite de confronter les expertises dans le détail. Elle a préféré publier un communiqué de reproches tout en annonçant, « à échéance de quelques mois, une initiative en vue d'un dialogue plus constructif avec les associations de consommateurs, en proposant un outil d'évaluation des coûts des services d'eau et d'assainissement. » C'était en mars 2006. À ce jour, dix-huit mois plus tard, cet outil n'existe pas.
Des explications incohérentes
Pour sa part, la fédération professionnelle des entreprises du secteur, la FP2E, qui représente notamment Veolia eau (ex-Générale des eaux) et la Lyonnaise des eaux, a parlé « d'erreurs de raisonnement et d'inexactitudes », malheureusement sans fournir de chiffres ni d'arguments techniques de contre-expertise. Reconnaissons toutefois à ce syndicat des distributeurs d'eau un sérieux sens de l'humour. Il reproche en effet à l'UFC-Que Choisir de ne pas intégrer « l'extrême variabilité des conditions locales qui compromet largement l'utilisation de modèles généraux » ou « le niveau de performances des services » et « d'ignorer les spécificités de certaines collectivités locales ». Or, dans le même temps, il compare le prix de l'eau dans une cinquantaine de villes européennes et en tire une moyenne par pays, concluant qu'« avec un prix moyen de 2,92 euros/m3 la France se situe au cinquième rang ». On cherche vainement la prise en compte des « conditions locales », du « niveau de performances » ou des « spécificités » dans ce travail de la FP2E. En somme, comparer les villes européennes serait pertinent mais comparer les villes françaises aberrant ! Un discours assez paradoxal, un peu de cohérence ne nuirait pas.
Tarifs entourés de mystère
En réalité, si l'étude a suscité tant d'hostilité, c'est que le prix de l'eau baigne dans une opacité dont beaucoup se satisfont. Les pouvoirs publics, qui se désintéressent de la question, portent une lourde part de responsabilité. Si le ministère de la Santé s'occupe des enjeux sanitaires de l'eau, celui de l'Écologie de la qualité de la ressource, aucun ne travaille sur les enjeux financiers de la distribution de l'eau et de l'assainissement.
Certes, il existe des obligations réglementaires qui imposent aux maires de publier un rapport annuel sur ces services. Le principe est excellent, mais la réalité très disparate. Les données fondamentales qui structurent le prix de l'eau y figurent rarement. Longueur et taux de renouvellement du réseau font souvent défaut alors qu'il s'agit d'indicateurs essentiels. Le rapport annuel informatif reste l'exception alors qu'il devrait être la règle.
Les élus locaux pourraient utilement s'inspirer de celui de Clermont-Ferrand, impressionnant de rigueur et de précision. Tout y est détaillé, jusqu'à la longueur de réseau renouvelée chaque année depuis 1981. Clermont-Ferrand se classe parmi les villes où le prix de l'eau facturé à l'usager paraît juste. Ce n'est sûrement pas un hasard. Cela dit, les collectivités locales ont des excuses. Elles ont longtemps manqué d'experts pour négocier à armes égales avec les multinationales de l'eau. Corsetés dans des contrats signés pour vingt ans, voire trente, certains élus semblent préférer défendre des tarifs exorbitants plutôt que de reconnaître la surfacturation historique dont les usagers sont victimes. Un choix d'autant plus discutable qu'ils disposent depuis des années d'une structure d'expertise créée par l'Association des maires de France.
C'est d'ailleurs en confrontant les données issues des expertises, des rapports et des études qu'il est possible de reconstituer le coût de tous les éléments qui composent, au final, le prix du mètre cube facturé aux consommateurs. C'est la méthode retenue par notre étude. Contrairement aux critiques lues et entendues en 2006, tous les éléments de chiffrage proviennent de documents validés. Ceux des agences de l'eau fournissent les éléments de coûts sur tous les postes qu'elles subventionnent, les stations d'épuration, le renouvellement du réseau, les branchements en plomb.
Les enquêtes de l'Ifen (Institut français de l'environnement) donnent de précieuses informations sur les taux de renouvellement des réseaux de distribution et d'assainissement. Des rapports du ministère de l'Écologie et du Conseil général des Ponts et Chaussées portent sur les coûts de l'assainissement. C'est à partir de ces sources qu'ont été établis les modèles de calcul ville par ville. Affinés grâce aux échanges qui ont suivi la première étude, ils sont appliqués aux grosses communes déjà expertisées en 2006.
Branchements
Quand le plomb fait fondre les prix
En 2006, Que Choisir dénonçait le prix prohibitif auquel le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) payait le remplacement des branchements en plomb 2 500 euros par branchement, en dépit de l'importance du marché]l, quand Nantes obtenait un coût unitaire de 850 euros, pour 1 485 renouvellements, et Landerneau 925 euros, pour seulement 73 branchements.
Des travaux manifestement facturés trop cher, notamment par la Sade, une entreprise filiale de Veolia eau, la société qui gère le service de l'eau du Sedif. L'argent peut ainsi entrer dans les caisses du groupe sans apparaître comme un bénéfice dans les comptes du gestionnaire de l'eau. Au moment, André Santini, président du Sedif, avait contesté le côté abusif du montant : « S'agissant du coût du renouvellement des branchements issu des appels d'offres, la comparaison n'a de sens que pour des prestations identiques. » Mais, bien qu'il soit aussi président de son comité de bassin, l'Agence de l'eau Seine-Normandie l'avait aussitôt contredit. Le 7 avril 2006, deux mois après la publication de notre article, elle fixait à 1 740 euros le coût maximal du branchement pouvant donner droit à une subvention de sa part. Depuis, les entreprises qui répondent aux appels d'offres du Sedif proposent des prix unitaires compris entre 1 600 et 1 700 euros ! Un aveu des surfacturations passées.
Marges exorbitantes
Avec la deuxième liste de villes, l'étude porte désormais sur 19 communes et syndicats de communes. Commençons par la bonne nouvelle. Certaines collectivités locales facturent l'eau au juste prix. C'est le cas d'Annecy, Chambéry, Clermont-Ferrand et Grenoble. Leur marge se situe entre 10 et 19 %, ce qui n'a rien d'excessif même si le coût de l'assainissement facturé à Grenoble et Annecy paraît un peu élevé. Cette tête de classement pourrait chagriner les multinationales de l'eau. Ces quatre villes ont en effet un point commun : elles gèrent le service de l'eau en direct, sans recourir au privé.
La régie municipale semble donc plus intéressante pour les usagers. Cette constatation rejoint d'ailleurs les conclusions d'une étude récente de l'Ifen, selon laquelle le prix de l'eau est en moyenne de 2,19 euros le m3 quand le service est assuré par une régie communale, mais de 2,93 euros quand il est délégué à un opérateur privé, Veolia eau ou la Lyonnaise des eaux le plus souvent. Des différences qui s'expliquent « parce qu'on nous confie les services les plus difficiles à gérer », assurent ces entreprises. Une affirmation confortée par une étude de l'Inra (Institut national de la recherche agricole) sur les petites communes, mais qu'aucun fait objectif n'explique sur les villes. En témoigne le cas de Grenoble, où le retour à la régie municipale a été voté en 2000, après le long feuilleton judiciaire de l'ère Carignon, au plus grand bénéfice des usagers. Une municipalité peut néanmoins s'occuper du service de l'eau en direct sans être exemplaire. Parmi les villes qui facturent au prix fort figurent, par exemple, Strasbourg et Reims, deux collectivités locales en régie. Toutefois, la palme des excès tarifaires revient au Sedif, au syndicat des eaux de la presqu'île de Gennevilliers (92) et à Marseille, qui ont confié la distribution à un délégataire privé. 60 % de marge sur ce service, c'est exorbitant.
Certes, les élus locaux avancent des explications. Une eau de très mauvaise qualité qui nécessite des traitements coûteux, par exemple. C'est vrai et c'est le cas pour le Sedif, qui puise 95 % de son eau dans la Marne, la Seine et l'Oise. Mais la grille de calcul tient compte de cette diversité de la ressource. Certains contestent les économies d'échelle. Au risque de leur déplaire, notre étude les maintient car elles existent. Que l'on alimente 50 000 ou 500 000 habitants, il faut traiter l'eau si elle est contaminée, l'acheminer via des canalisations, la collecter après usage et l'envoyer vers la station d'épuration. Malgré les différences de capacités des usines, une partie des coûts est fixe. L'impact sur le prix du mètre cube est moins élevé quand on répartit la charge sur de gros débits. Idem pour le coût du réseau. Et quand il faut 20 à 40 mètres de canalisation pour desservir un abonné en zone rurale, 1 ou 2 mètres suffisent dans une grande ville. Même si le coût de la canalisation y est supérieur, puisqu'il faut intervenir sur la chaussée et non sur le sol à l'état brut, la différence sur le prix du mètre cube reste importante.
Gestion de l'eau
Un processus complexe
La gestion de l'eau, c'est complexe. Il faut la capter en rivière ou en nappe souterraine, puis la traiter pour la rendre potable, notamment la débarrasser des nitrates et des pesticides ou, dans le meilleur des cas, si elle n'est pas contaminée par des polluants, s'assurer de sa qualité avant de l'envoyer dans le réseau de distribution jusque chez l'usager. Une fois l'eau consommée, c'est le service de l'assainissement qui entre en jeu. En effet, les usagers polluent l'eau qu'ils utilisent au quotidien pour la vaisselle, la toilette, l'entretien. La renvoyer telle quelle dans le milieu naturel serait néfaste pour les rivières et les nappes. Aussi est-elle collectée dans un réseau d'évacuation qui l'achemine vers la station d'épuration avant son rejet dans le milieu naturel. Distribution et assainissement sont donc deux activités complémentaires mais très différentes. Les communes ou syndicats intercommunaux peuvent décider de tout gérer ou de tout confier au privé, ou encore de faire appel à deux structures bien distinctes, avec un service en régie communale, et l'autre en délégation au privé.
Surcapacité non justifiée
Le grand écart entre le prix calculé et la surfacturation que subit l'usager s'explique aussi par les surcapacités. Pour sécuriser l'approvisionnement, les plus grandes collectivités ont choisi de stocker plus, de créer de nouveaux réservoirs, de doubler certains équipements, d'interconnecter les réseaux pour continuer à alimenter la population en cas de gros pépins sur une usine. Sécuriser pour deux millions d'usagers comme c'est le cas à Paris ou pour quatre millions au Sedif coûterait très cher. A priori, il paraîtrait incongru de contester ce louable souci, surtout de la part de l'UFC-Que Choisir qui milite sans relâche pour la sécurité des consommateurs. Mais dans son rapport 2003 sur « la gestion des services publics d'eau et d'assainissement », la Cour des comptes s'est interrogée sur la pertinence de ces investissements. « En matière de production d'eau potable, il arrive que la capacité de potabilisation soit largement supérieure aux besoins de la collectivité, sans que l'argument de la sécurité d'approvisionnement soit recevable. » Et de citer l'exemple de Paris, où la capacité de production s'élève à 1 270 000 m3/jour pour des volumes distribués de 650 000 m3/jour « malgré la sécurité de l'approvisionnement qu'apportent par ailleurs les nombreuses interconnexions de réseaux avec les distributions d'eau voisines ».
Le Sedif, de son côté, n'est pas épargné par la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France pour avoir investi dans la surcapacité et réalisé des interconnexions entre ses usines. « Le surcoût induit peut paraître élevé au regard d'une organisation qui aurait prioritairement choisi une mutualisation des secours, plutôt que des marges de sécurité (capacités des usines, interconnexions) propres à chaque décideur politique. » La sécurisation des approvisionnements telle qu'elle est pratiquée alourdit donc inutilement le prix de l'eau. Et cet argument ne saurait justifier le coût prohibitif du mètre cube du Sedif.
Autre élément qui peut expliquer les divergences, le niveau de consommation. Notre étude ayant pour but de calculer le coût réel du mètre cube facturé, c'est celle des usagers domestiques qui est prise en compte. Ce choix a contrarié des élus, il devrait au contraire les réjouir. Si les volumes fournis aux administrations ou aux industriels étaient intégrés, le coût de revient calculé du mètre cube serait inférieur, donc les marges encore plus explosives ! Plusieurs villes ou communautés de communes, comme Marseille ou Montpellier, affichent en revanche des niveaux de consommation très supérieurs à la moyenne nationale de 50 m3 par an et par habitant. Ces énormes débits devraient conduire à un prix du mètre cube raisonnable, ce n'est pas le cas. C'est en partie ce qui explique la marge record calculée pour Marseille (56 %).
Malgré ces tentatives d'explication, la différence entre le prix calculé et celui facturé est parfois tellement phénoménale qu'elle paraît injustifiable. Alors comment l'expliquer ? Par des profits démentiels des distributeurs ? Ils le nient, bien entendu. Par une gestion inefficace ? Ce serait faire injure aux services. Par un financement du budget général de la commune sur le service de l'eau ? C'est interdit par la loi.
www.quechoisir.org
Le prix de l'eau facturé au consommateur fait la culbute d'une agglomération à une autre :
- - 1,98 euros TTC le m3 à Clermont-Ferrand,
- - 2,23 euros à Grenoble, 2,69 euros à Paris,
- - 3,38 euros à Bordeaux,
- - 3,77 euros en proche banlieue parisienne.
Ces disparités sont-elles fondées ? L'UFC-Que Choisir remet le couvert.
On s'en souvient, la première expertise du prix de l'eau publiée début 2006 avait provoqué un beau tollé. Des élus locaux aux distributeurs d'eau en passant par la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), ils avaient été nombreux à dénoncer un procès d'intention, des approximations, voire des erreurs grossières. Le syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) était même décidé à « donner la suite judiciaire qui s'impose face aux allégations mensongères de cet article ». En fait, aucun procès n'a été intenté contre Que Choisir. Le président du Sedif, André Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux (92), s'est contenté d'un droit de réponse que nous avons largement commenté.
D'autres élus ont, heureusement, adopté une démarche plus constructive. Rencontres avec des représentants de la Ville de Paris et d'Angers, qui ont permis de confronter arguments, chiffres et modes de calcul, échanges avec Annecy. Certains semblent donc prêts au débat et à la transparence sur le prix de l'eau. L'UFC-Que Choisir, qui poursuit le même objectif, s'en félicite.
Dommage que la FNCCR, organisation qui représente de nombreuses collectivités locales, ait snobé l'offre qui lui avait été faite de confronter les expertises dans le détail. Elle a préféré publier un communiqué de reproches tout en annonçant, « à échéance de quelques mois, une initiative en vue d'un dialogue plus constructif avec les associations de consommateurs, en proposant un outil d'évaluation des coûts des services d'eau et d'assainissement. » C'était en mars 2006. À ce jour, dix-huit mois plus tard, cet outil n'existe pas.
Des explications incohérentes
Pour sa part, la fédération professionnelle des entreprises du secteur, la FP2E, qui représente notamment Veolia eau (ex-Générale des eaux) et la Lyonnaise des eaux, a parlé « d'erreurs de raisonnement et d'inexactitudes », malheureusement sans fournir de chiffres ni d'arguments techniques de contre-expertise. Reconnaissons toutefois à ce syndicat des distributeurs d'eau un sérieux sens de l'humour. Il reproche en effet à l'UFC-Que Choisir de ne pas intégrer « l'extrême variabilité des conditions locales qui compromet largement l'utilisation de modèles généraux » ou « le niveau de performances des services » et « d'ignorer les spécificités de certaines collectivités locales ». Or, dans le même temps, il compare le prix de l'eau dans une cinquantaine de villes européennes et en tire une moyenne par pays, concluant qu'« avec un prix moyen de 2,92 euros/m3 la France se situe au cinquième rang ». On cherche vainement la prise en compte des « conditions locales », du « niveau de performances » ou des « spécificités » dans ce travail de la FP2E. En somme, comparer les villes européennes serait pertinent mais comparer les villes françaises aberrant ! Un discours assez paradoxal, un peu de cohérence ne nuirait pas.
Tarifs entourés de mystère
En réalité, si l'étude a suscité tant d'hostilité, c'est que le prix de l'eau baigne dans une opacité dont beaucoup se satisfont. Les pouvoirs publics, qui se désintéressent de la question, portent une lourde part de responsabilité. Si le ministère de la Santé s'occupe des enjeux sanitaires de l'eau, celui de l'Écologie de la qualité de la ressource, aucun ne travaille sur les enjeux financiers de la distribution de l'eau et de l'assainissement.
Certes, il existe des obligations réglementaires qui imposent aux maires de publier un rapport annuel sur ces services. Le principe est excellent, mais la réalité très disparate. Les données fondamentales qui structurent le prix de l'eau y figurent rarement. Longueur et taux de renouvellement du réseau font souvent défaut alors qu'il s'agit d'indicateurs essentiels. Le rapport annuel informatif reste l'exception alors qu'il devrait être la règle.
Les élus locaux pourraient utilement s'inspirer de celui de Clermont-Ferrand, impressionnant de rigueur et de précision. Tout y est détaillé, jusqu'à la longueur de réseau renouvelée chaque année depuis 1981. Clermont-Ferrand se classe parmi les villes où le prix de l'eau facturé à l'usager paraît juste. Ce n'est sûrement pas un hasard. Cela dit, les collectivités locales ont des excuses. Elles ont longtemps manqué d'experts pour négocier à armes égales avec les multinationales de l'eau. Corsetés dans des contrats signés pour vingt ans, voire trente, certains élus semblent préférer défendre des tarifs exorbitants plutôt que de reconnaître la surfacturation historique dont les usagers sont victimes. Un choix d'autant plus discutable qu'ils disposent depuis des années d'une structure d'expertise créée par l'Association des maires de France.
C'est d'ailleurs en confrontant les données issues des expertises, des rapports et des études qu'il est possible de reconstituer le coût de tous les éléments qui composent, au final, le prix du mètre cube facturé aux consommateurs. C'est la méthode retenue par notre étude. Contrairement aux critiques lues et entendues en 2006, tous les éléments de chiffrage proviennent de documents validés. Ceux des agences de l'eau fournissent les éléments de coûts sur tous les postes qu'elles subventionnent, les stations d'épuration, le renouvellement du réseau, les branchements en plomb.
Les enquêtes de l'Ifen (Institut français de l'environnement) donnent de précieuses informations sur les taux de renouvellement des réseaux de distribution et d'assainissement. Des rapports du ministère de l'Écologie et du Conseil général des Ponts et Chaussées portent sur les coûts de l'assainissement. C'est à partir de ces sources qu'ont été établis les modèles de calcul ville par ville. Affinés grâce aux échanges qui ont suivi la première étude, ils sont appliqués aux grosses communes déjà expertisées en 2006.
Branchements
Quand le plomb fait fondre les prix
En 2006, Que Choisir dénonçait le prix prohibitif auquel le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) payait le remplacement des branchements en plomb 2 500 euros par branchement, en dépit de l'importance du marché]l, quand Nantes obtenait un coût unitaire de 850 euros, pour 1 485 renouvellements, et Landerneau 925 euros, pour seulement 73 branchements.
Des travaux manifestement facturés trop cher, notamment par la Sade, une entreprise filiale de Veolia eau, la société qui gère le service de l'eau du Sedif. L'argent peut ainsi entrer dans les caisses du groupe sans apparaître comme un bénéfice dans les comptes du gestionnaire de l'eau. Au moment, André Santini, président du Sedif, avait contesté le côté abusif du montant : « S'agissant du coût du renouvellement des branchements issu des appels d'offres, la comparaison n'a de sens que pour des prestations identiques. » Mais, bien qu'il soit aussi président de son comité de bassin, l'Agence de l'eau Seine-Normandie l'avait aussitôt contredit. Le 7 avril 2006, deux mois après la publication de notre article, elle fixait à 1 740 euros le coût maximal du branchement pouvant donner droit à une subvention de sa part. Depuis, les entreprises qui répondent aux appels d'offres du Sedif proposent des prix unitaires compris entre 1 600 et 1 700 euros ! Un aveu des surfacturations passées.
- SEDIF : 2 500 euros par branchement
- Nantes : de 850 euros par branchement, pour 1 485 renouvellements
- Landerneau 925 euros, pour seulement 73 branchements
Marges exorbitantes
Avec la deuxième liste de villes, l'étude porte désormais sur 19 communes et syndicats de communes. Commençons par la bonne nouvelle. Certaines collectivités locales facturent l'eau au juste prix. C'est le cas d'Annecy, Chambéry, Clermont-Ferrand et Grenoble. Leur marge se situe entre 10 et 19 %, ce qui n'a rien d'excessif même si le coût de l'assainissement facturé à Grenoble et Annecy paraît un peu élevé. Cette tête de classement pourrait chagriner les multinationales de l'eau. Ces quatre villes ont en effet un point commun : elles gèrent le service de l'eau en direct, sans recourir au privé.
La régie municipale semble donc plus intéressante pour les usagers. Cette constatation rejoint d'ailleurs les conclusions d'une étude récente de l'Ifen, selon laquelle le prix de l'eau est en moyenne de 2,19 euros le m3 quand le service est assuré par une régie communale, mais de 2,93 euros quand il est délégué à un opérateur privé, Veolia eau ou la Lyonnaise des eaux le plus souvent. Des différences qui s'expliquent « parce qu'on nous confie les services les plus difficiles à gérer », assurent ces entreprises. Une affirmation confortée par une étude de l'Inra (Institut national de la recherche agricole) sur les petites communes, mais qu'aucun fait objectif n'explique sur les villes. En témoigne le cas de Grenoble, où le retour à la régie municipale a été voté en 2000, après le long feuilleton judiciaire de l'ère Carignon, au plus grand bénéfice des usagers. Une municipalité peut néanmoins s'occuper du service de l'eau en direct sans être exemplaire. Parmi les villes qui facturent au prix fort figurent, par exemple, Strasbourg et Reims, deux collectivités locales en régie. Toutefois, la palme des excès tarifaires revient au Sedif, au syndicat des eaux de la presqu'île de Gennevilliers (92) et à Marseille, qui ont confié la distribution à un délégataire privé. 60 % de marge sur ce service, c'est exorbitant.
Certes, les élus locaux avancent des explications. Une eau de très mauvaise qualité qui nécessite des traitements coûteux, par exemple. C'est vrai et c'est le cas pour le Sedif, qui puise 95 % de son eau dans la Marne, la Seine et l'Oise. Mais la grille de calcul tient compte de cette diversité de la ressource. Certains contestent les économies d'échelle. Au risque de leur déplaire, notre étude les maintient car elles existent. Que l'on alimente 50 000 ou 500 000 habitants, il faut traiter l'eau si elle est contaminée, l'acheminer via des canalisations, la collecter après usage et l'envoyer vers la station d'épuration. Malgré les différences de capacités des usines, une partie des coûts est fixe. L'impact sur le prix du mètre cube est moins élevé quand on répartit la charge sur de gros débits. Idem pour le coût du réseau. Et quand il faut 20 à 40 mètres de canalisation pour desservir un abonné en zone rurale, 1 ou 2 mètres suffisent dans une grande ville. Même si le coût de la canalisation y est supérieur, puisqu'il faut intervenir sur la chaussée et non sur le sol à l'état brut, la différence sur le prix du mètre cube reste importante.
Gestion de l'eau
Un processus complexe
La gestion de l'eau, c'est complexe. Il faut la capter en rivière ou en nappe souterraine, puis la traiter pour la rendre potable, notamment la débarrasser des nitrates et des pesticides ou, dans le meilleur des cas, si elle n'est pas contaminée par des polluants, s'assurer de sa qualité avant de l'envoyer dans le réseau de distribution jusque chez l'usager. Une fois l'eau consommée, c'est le service de l'assainissement qui entre en jeu. En effet, les usagers polluent l'eau qu'ils utilisent au quotidien pour la vaisselle, la toilette, l'entretien. La renvoyer telle quelle dans le milieu naturel serait néfaste pour les rivières et les nappes. Aussi est-elle collectée dans un réseau d'évacuation qui l'achemine vers la station d'épuration avant son rejet dans le milieu naturel. Distribution et assainissement sont donc deux activités complémentaires mais très différentes. Les communes ou syndicats intercommunaux peuvent décider de tout gérer ou de tout confier au privé, ou encore de faire appel à deux structures bien distinctes, avec un service en régie communale, et l'autre en délégation au privé.
Surcapacité non justifiée
Le grand écart entre le prix calculé et la surfacturation que subit l'usager s'explique aussi par les surcapacités. Pour sécuriser l'approvisionnement, les plus grandes collectivités ont choisi de stocker plus, de créer de nouveaux réservoirs, de doubler certains équipements, d'interconnecter les réseaux pour continuer à alimenter la population en cas de gros pépins sur une usine. Sécuriser pour deux millions d'usagers comme c'est le cas à Paris ou pour quatre millions au Sedif coûterait très cher. A priori, il paraîtrait incongru de contester ce louable souci, surtout de la part de l'UFC-Que Choisir qui milite sans relâche pour la sécurité des consommateurs. Mais dans son rapport 2003 sur « la gestion des services publics d'eau et d'assainissement », la Cour des comptes s'est interrogée sur la pertinence de ces investissements. « En matière de production d'eau potable, il arrive que la capacité de potabilisation soit largement supérieure aux besoins de la collectivité, sans que l'argument de la sécurité d'approvisionnement soit recevable. » Et de citer l'exemple de Paris, où la capacité de production s'élève à 1 270 000 m3/jour pour des volumes distribués de 650 000 m3/jour « malgré la sécurité de l'approvisionnement qu'apportent par ailleurs les nombreuses interconnexions de réseaux avec les distributions d'eau voisines ».
Le Sedif, de son côté, n'est pas épargné par la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France pour avoir investi dans la surcapacité et réalisé des interconnexions entre ses usines. « Le surcoût induit peut paraître élevé au regard d'une organisation qui aurait prioritairement choisi une mutualisation des secours, plutôt que des marges de sécurité (capacités des usines, interconnexions) propres à chaque décideur politique. » La sécurisation des approvisionnements telle qu'elle est pratiquée alourdit donc inutilement le prix de l'eau. Et cet argument ne saurait justifier le coût prohibitif du mètre cube du Sedif.
Autre élément qui peut expliquer les divergences, le niveau de consommation. Notre étude ayant pour but de calculer le coût réel du mètre cube facturé, c'est celle des usagers domestiques qui est prise en compte. Ce choix a contrarié des élus, il devrait au contraire les réjouir. Si les volumes fournis aux administrations ou aux industriels étaient intégrés, le coût de revient calculé du mètre cube serait inférieur, donc les marges encore plus explosives ! Plusieurs villes ou communautés de communes, comme Marseille ou Montpellier, affichent en revanche des niveaux de consommation très supérieurs à la moyenne nationale de 50 m3 par an et par habitant. Ces énormes débits devraient conduire à un prix du mètre cube raisonnable, ce n'est pas le cas. C'est en partie ce qui explique la marge record calculée pour Marseille (56 %).
Malgré ces tentatives d'explication, la différence entre le prix calculé et celui facturé est parfois tellement phénoménale qu'elle paraît injustifiable. Alors comment l'expliquer ? Par des profits démentiels des distributeurs ? Ils le nient, bien entendu. Par une gestion inefficace ? Ce serait faire injure aux services. Par un financement du budget général de la commune sur le service de l'eau ? C'est interdit par la loi.
www.quechoisir.org
Drôles de pratiques
Les renégociations de contrats et les rapports des chambres régionales des comptes mettent cependant en lumière de drôles de pratiques. Si les délégataires privés font des marges raisonnables, leurs filiales peuvent facturer les travaux ou prestations qu'elles réalisent à un prix exorbitant. Le cas des branchements du Sedif est, à cet égard, éloquent (voir encadré ci-dessous). La surfacturation des travaux par les prestataires peut expliquer de gros écarts entre les coûts de revient calculés et le prix du mètre cube facturé à l'usager.
Quant aux transferts entre budget de l'eau et budget général, s'ils n'existent plus sur le plan comptable, ils peuvent subsister dans les compétences attribuées aux services, notamment pour la gestion des eaux pluviales.
En zone urbaine bitumée, elles ruissellent en se chargeant de polluants au lieu de s'infiltrer dans le sol. Du coup, il faut les épurer pour éviter de contaminer rivières et nappes souterraines. Comme il s'agit d'eau, les syndicats chargés de l'assainissement s'y collent. Le surcoût alourdit la facture d'eau. Or la Cour des comptes l'a rappelé, « ces dépenses ne font pas partie du strict service de l'assainissement et relèvent du budget principal des communes. » Elles devraient donc être retirées des factures d'eau.
Le SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne) traite, par exemple, les eaux usées de Paris et du territoire du Sedif, mais aussi les eaux pluviales, le tout financé par la partie assainissement des factures. Cette situation devrait évoluer puisque la loi sur l'eau de décembre 2006 a créé une taxe sur les eaux pluviales. Encore faudra-t-il que sa mise en place s'accompagne d'une baisse équivalente de la part assainissement de la facture.
Les résultats de notre étude
Des prix corrects aux abus les plus criants
Les prix du tableau s'entendent hors TVA et hors redevances. La distribution et l'assainissement sont gérés par des services distincts. L'un peut facturer à un prix correct, l'autre à un tarif excessif pour une même commune. Les modèles de calcul ont été affinés pour cette deuxième étude, avec un taux d'endettement revu à la baisse et un coût du traitement à la hausse.
Dans un souci de transparence, ce modèle révisé est appliqué aux dix grandes villes ou syndicats intercommunaux expertisés début 2006. Globalement, ces ajustements confortent la pertinence de notre première expertise. Quand les marges varient, c'est souvent dans de faibles proportions. Le prix reste correct à Chambéry et Annecy, exorbitant au Sedif. Nantes se classe mieux grâce à la diminution de sa redevance assainissement conjuguée à l'ajuste- ment de la grille UFC-Que Choisir. La marge distribution d'Angers est revue à la baisse, la deuxième étude ayant réévalué la longueur du réseau pour tenir compte de la faible densité urbaine. Au final, seule la marge élevée de Paris est susceptible de discussion. La capitale présente en effet une particularité. Ses galeries sont visitables, ce qui augmente le coût de remplacement des tuyaux. En l'absence de prix de référence, l'étude pourrait l'avoir sous-évalué.
Renégociations en cours
Enfin, certains investissements laissent perplexes. Le SIAAP a financé l'aménagement de la Cité de l'eau à Colombes (92), un projet à l'origine pédagogique et scientifique, sans aucun doute pertinent. Mais la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France soulignait dans son rapport 2003 que « la Cité de l'eau ne concourt pas, stricto sensu, à la réalisation de l'objet de l'établissement ». En le finançant, le SIAPP « pourrait donc faire peser sur l'usager du service public de l'eau et de l'assainissement (...) une charge non strictement rattachable au financement de la mission d'assainissement des eaux usées ». Du coup, le SIAAP a quelque peu modifié la fonction du lieu, qui sert aussi à la formation de ses agents. Des dépenses de ce type, affectées au prix du mètre cube d'eau, expliquent aussi l'écart entre le coût assainissement calculé et celui qui est facturé.
Il reste donc du grain à moudre pour les collectivités locales soucieuses de facturer le mètre cube au prix le plus juste. Certaines ont déjà engagé des renégociations de contrat. C'est le cas de la communauté urbaine de Bordeaux, qui a obtenu 233 millions d'euros d'engagements supplémentaires de la part de la Lyonnaise des eaux fin 2006, ou du Grand Lyon, en pleine négociation avec Veolia eau pour obtenir une baisse du prix de l'eau. Point commun de ces deux métropoles, elles sont pieds et poings liés à leur délégataire privé par des contrats de... trente ans, ce qui ne facilite pas la tâche d'élus tenus par la signature de leurs prédécesseurs. De son côté, Paris renégocie par étapes, depuis 2003, en attendant la remise à plat des contrats en 2009. Des efforts louables qui doivent être amplifiés tant les marges s'avèrent élevées. Aucun vent de renégociation ne semble, en revanche, souffler là où notre étude détecte les plus gros excès tarifaires. Inquiétant pour les usagers.
Les renégociations de contrats et les rapports des chambres régionales des comptes mettent cependant en lumière de drôles de pratiques. Si les délégataires privés font des marges raisonnables, leurs filiales peuvent facturer les travaux ou prestations qu'elles réalisent à un prix exorbitant. Le cas des branchements du Sedif est, à cet égard, éloquent (voir encadré ci-dessous). La surfacturation des travaux par les prestataires peut expliquer de gros écarts entre les coûts de revient calculés et le prix du mètre cube facturé à l'usager.
Quant aux transferts entre budget de l'eau et budget général, s'ils n'existent plus sur le plan comptable, ils peuvent subsister dans les compétences attribuées aux services, notamment pour la gestion des eaux pluviales.
En zone urbaine bitumée, elles ruissellent en se chargeant de polluants au lieu de s'infiltrer dans le sol. Du coup, il faut les épurer pour éviter de contaminer rivières et nappes souterraines. Comme il s'agit d'eau, les syndicats chargés de l'assainissement s'y collent. Le surcoût alourdit la facture d'eau. Or la Cour des comptes l'a rappelé, « ces dépenses ne font pas partie du strict service de l'assainissement et relèvent du budget principal des communes. » Elles devraient donc être retirées des factures d'eau.
Le SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne) traite, par exemple, les eaux usées de Paris et du territoire du Sedif, mais aussi les eaux pluviales, le tout financé par la partie assainissement des factures. Cette situation devrait évoluer puisque la loi sur l'eau de décembre 2006 a créé une taxe sur les eaux pluviales. Encore faudra-t-il que sa mise en place s'accompagne d'une baisse équivalente de la part assainissement de la facture.
Les résultats de notre étude
Des prix corrects aux abus les plus criants
Les prix du tableau s'entendent hors TVA et hors redevances. La distribution et l'assainissement sont gérés par des services distincts. L'un peut facturer à un prix correct, l'autre à un tarif excessif pour une même commune. Les modèles de calcul ont été affinés pour cette deuxième étude, avec un taux d'endettement revu à la baisse et un coût du traitement à la hausse.
Dans un souci de transparence, ce modèle révisé est appliqué aux dix grandes villes ou syndicats intercommunaux expertisés début 2006. Globalement, ces ajustements confortent la pertinence de notre première expertise. Quand les marges varient, c'est souvent dans de faibles proportions. Le prix reste correct à Chambéry et Annecy, exorbitant au Sedif. Nantes se classe mieux grâce à la diminution de sa redevance assainissement conjuguée à l'ajuste- ment de la grille UFC-Que Choisir. La marge distribution d'Angers est revue à la baisse, la deuxième étude ayant réévalué la longueur du réseau pour tenir compte de la faible densité urbaine. Au final, seule la marge élevée de Paris est susceptible de discussion. La capitale présente en effet une particularité. Ses galeries sont visitables, ce qui augmente le coût de remplacement des tuyaux. En l'absence de prix de référence, l'étude pourrait l'avoir sous-évalué.
Renégociations en cours
Enfin, certains investissements laissent perplexes. Le SIAAP a financé l'aménagement de la Cité de l'eau à Colombes (92), un projet à l'origine pédagogique et scientifique, sans aucun doute pertinent. Mais la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France soulignait dans son rapport 2003 que « la Cité de l'eau ne concourt pas, stricto sensu, à la réalisation de l'objet de l'établissement ». En le finançant, le SIAPP « pourrait donc faire peser sur l'usager du service public de l'eau et de l'assainissement (...) une charge non strictement rattachable au financement de la mission d'assainissement des eaux usées ». Du coup, le SIAAP a quelque peu modifié la fonction du lieu, qui sert aussi à la formation de ses agents. Des dépenses de ce type, affectées au prix du mètre cube d'eau, expliquent aussi l'écart entre le coût assainissement calculé et celui qui est facturé.
Il reste donc du grain à moudre pour les collectivités locales soucieuses de facturer le mètre cube au prix le plus juste. Certaines ont déjà engagé des renégociations de contrat. C'est le cas de la communauté urbaine de Bordeaux, qui a obtenu 233 millions d'euros d'engagements supplémentaires de la part de la Lyonnaise des eaux fin 2006, ou du Grand Lyon, en pleine négociation avec Veolia eau pour obtenir une baisse du prix de l'eau. Point commun de ces deux métropoles, elles sont pieds et poings liés à leur délégataire privé par des contrats de... trente ans, ce qui ne facilite pas la tâche d'élus tenus par la signature de leurs prédécesseurs. De son côté, Paris renégocie par étapes, depuis 2003, en attendant la remise à plat des contrats en 2009. Des efforts louables qui doivent être amplifiés tant les marges s'avèrent élevées. Aucun vent de renégociation ne semble, en revanche, souffler là où notre étude détecte les plus gros excès tarifaires. Inquiétant pour les usagers.
Revue de Presse
Le prix de l'eau est abusif dans les grandes villes, selon l'UFC ...Le Monde -
Prix de l'eau : une «surfacturation phénoménale» Libération
Prix de l'eau : l'UFC-Que Choisir dénonce des "bénéfices faramineux" Le Figaro
Prix de l'eau : les consommateurs trinquent TF1
Challenges
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