L’eau à prix d’or à Liévin avec Veolia : 5 fois plus élevé dans le budget d’un ménage qu’à Paris

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Ecrit par cocostar

Paradoxe local : alors que la consommation d’eau est parmi les plus basses de France, la facture reste salée, à cause d’un prix au mètre-cube rédhibitoire. A Liévin, la facture d’eau pèse 5 fois plus dans le budget d’un ménage qu’à Paris.

L'eau à prix d'or à Liévin avec Veolia : 5 fois plus élevé dans le budget d'un ménage qu'à Paris

Selon les résultats d’une récente enquête publiée par l’Institut Français de l’Environnement (IFEN), la consommation domestique atteignait en France (en 2004) 165 litres par habitant et par jour (soit 60 m3 par an), progressant de 1% par an depuis 2001.(1)

Le Nord Pas-de-Calais reste toutefois la région la plus économe avec une moyenne quotidienne de 122 litres (44 m3 par an), contre près du double en Provence Alpes Côte d’Azur. Le mètre-cube d’eau (1.000 litres) coûte en moyenne 3,01 € en France. De 2001 à 2004, le tarif moyen a augmenté de 2,4 % par an, c’est plus que la hausse des prix sur la même période (2%).

Dans le département du Pas-de-Calais, la moyenne se situe autour de 3,60 €, plaçant le secteur parmi les plus chers du pays. En cause, le traitement des eaux usées, qui représente par exemple 43% de la facture liévinoise (1,61 € par mètre-cube).

Liévin et Veolia, une longue histoire.
La distribution de l’eau a été confiée, depuis de nombreuses années, à la Compagnie Générale des Eaux (répondant depuis au doux nom de Veolia Environnement, depuis la noyade de Vivendi). Comme pour tout secteur dont la distribution fait l’objet d’un contrat de délégation, le mètre-cube y est logiquement beaucoup plus cher (3,69 €) que lorsque la distribution de l’eau est gérée en régie par la commune (2,19 € en moyenne). Seul aspect positif : le prix de l’abonnement à Liévin se situe dans la fourchette basse (52,56 € TTC par an), pour une moyenne nationale de 56 €.

L’eau, un produit de luxe à Liévin ?
Pour un couple avec un enfant, avec une consommation « dans la moyenne régionale » (122 litres par jour et par habitant), la facture annuelle s’élèvera à 543 € (dont 490 € correspondants à une consommation de 133 mètres-cubes). Avec une consommation similaire, un couple parisien avec enfant (2) ne paiera que 379 € (164 € de moins)

Selon l’INSEE, le revenu annuel moyen par foyer liévinois est de 10.698 €. La facture d’eau représente donc à elle-seule plus de 5 % des dépenses du foyer (contre 1 % sur Paris, compte-tenu d’un revenu moyen de plus de 25.948 € et d’une facture moins élevée). Le budget « eau » pèse donc 5 fois plus lourdement sur un foyer liévinois qu’un couple parisien avec enfant.


les nitrates : un combat inégal
L’activité humaine est à l’origine de la pollution par les nitrates des différentes nappes phréatiques, à des degrés plus ou moins importants : certains sites dépassent le seuil des 50 milligrammes par litre, et atteignent parfois 100 milligrammmes par endroit. Pendant longtemps, les industries ont été montrées du doigt, mais il semble que l’origine de ces taux élevés en nitrates soit essentiellement liée aux rejets sauvages des eaux usées par les habitants eux-mêmes (absence de tout-à-l’égout et surtout de stations d’épuration).

D’avril 2003 à juin 2004, huit unités de dénitratation avaient été mises en place autour des sites de production, pour un coût estimé à 10 millions d’Euros : le coût des unités était pris en charge par la Compagnie générale des Eaux (6 millions d’euros), tandis que l’intercommunalité prenait à sa charge le fonctionnement et le raccordement (4 millions). Ces installations ont occasionné depuis 2004 pour les habitants de l’agglomération une hausse de 0,17 € par mètre-cube sur leur facture, déjà bien salée. A Liévin, le site des Equipages a été le premier à bénéficier de ces unités annoncées comme « révolutionnaires », mais « provisoires ». Au fait, qu’entend-on par « provisoire » ?

les usines de dénitratation : de l’eau… ou du vent ?
L’eau distribuée à Liévin résulte depuis des décennies d’un mélange entre l’eau de la nappe de Rollencourt (plus profonde et naturellement moins nitratée) et l’eau de la nappe des Equipages (qui passe par l’usine de dénitratation). En février et mars de cette année, les analyses au robinet ont montré un taux de nitrates variant de 26 à 38 milligramme par litre (inférieur à la norme de 50 mg/l). Pas si mal, me direz-vous. Mais nous avons retrouvé une analyse datant de 1989 (alors qu’on ne connaissait pas encore les usines de dénitratation) émise par l’Institut Pasteur de Lille. On y découvre que les nitrates de l’eau livrée à Liévin étaient présents à hauteur de… 38,4 mg/litre. Le même chiffre que l’analyse de la DDASS du 13 février 2007. On peut mettre en doute l’efficacité actuelle de l’usine de dénitratation, alors que les liévinois continuent de la payer « plein pot »…

On l’a bien compris, le miracle n’existe pas. Il faudra attendre des décennies pour que les traces de ces nitrates, conséquences de notre laxisme passé, disparaissent. A condition de mieux gérer nos rejets. Aujourd’hui, Certains habitants de l’ex bassin minier ne sont toujours pas reliés au réseau d’égouts, et continuent de rejeter impunément dans la nature leurs eaux usées. Nous ne sommes pas encore totalement sortis du cercle vicieux de la pollution, et devrons encore en subir les conséquences, faute de pouvoir maîtriser les causes. Ce qui continuera à faire la fortune de ceux qui prétendent détenir « la solution miracle » pour venir à bout des encombrants nitrates…

Daniel Ludwikowski, adjoint et élu Vert : Un choix politique

Daniel Ludwikowski est adjoint au développement durable du territoire à la ville de Liévin et élu du parti des Verts.

Vincent Pihen :

  • Peut-on vraiment boire l’eau du robinet à Liévin ?

D.L. : Oui, si l’on s’en réfère aux dernières analyses qui sont conformes aux normes en vigueur. La qualité de l’eau a longtemps été un véritable problème sur le territoire mais également sur l’ensemble du bassin minier. Il y a dix à vingt ans, on trouvait encore du gasoil ou même du cyanure dans les eaux souterraines, et je ne parle même pas de l’état de l’eau des rivières. Depuis, la ville et la communauté d’agglomération ont pris pas mal de mesures pour protéger les différents points d’eau mais aussi pour assainir le réseau de l’eau de distribution. La Communaupole de Lens-Liévin a même embauché un hydrogéologue, ce qui n’est pas chose courante, dans le but de trouver de nouvelles sources.

  • V.P : Le rapport qualité-prix de l’eau potable semble assez déséquilibré. Pour vous, quelle en est la raison ?

D.L. : Trois acteurs entrent en compte dans la gestion de l’eau à Liévin : la ville, la communauté d’agglomération et le distributeur, Véolia, premier opérateur mondial des services de l’eau. La qualité n’est pas le but premier recherché par le groupe privé mais bel et bien le profit. Véolia considère l’eau comme une marchandise et ne prône pas vraiment la transparence lorsqu’il s’agit de parler de qualité et de coût d’entretien.

  • V.P : Ce débat sur la gestion cache en fait un vrai problème de société…

D.L. :La vision que nous défendons, chez les Verts, est de considérer l’eau comme un droit. C’est un réel choix politique. La gestion du réseau d’ eau potable doit être administrée par un vrai service public. Je trouve étrange que la question de la gestion de l’électricité donne part à de nombreux débats et pas celle de l’eau. On vit pourtant plus longtemps sans électricité que sans eau. C’est un enjeu primordial, notamment pour les années à venir.

  • V.P : Comment voyez-vous justement le futur de la gestion de l’eau à Liévin et ses environs ?

D.L. : Le premier combat sera de faire comprendre à mes collègues le danger d’une telle situation. Aujourd’hui, la précarité touche de plus en plus de monde dans notre région. Les gens devraient payer deux fois moins cher une eau de meilleure qualité. La Communauté d’agglomération a toutes les cartes en main car elle doit renouveler dans deux ans les contrats d’ assainissement et dans huit ans tous les contrats avec Véolia. Certaines agglomérations comme Grenoble ou Bordeaux ont fait marche arrière et sont revenues vers un service public. Pourquoi pas nous ?

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