Le prix de l’eau du robinet ne cesse de grimper

ALORS que l’or noir flambe avec fracas, le prix de l’or bleu, l’eau, continue lui de s’envoler en toute discrétion depuis des années. Et pourtant… Une récente étude de la société Nus Consulting sur l’évolution des prix (2004-2005) de fourniture de l’eau aux entreprises dans 14 pays industrialisés, dont la France, révèle une hausse généralisée. Et, nous prévient- on, cette « matière première » coûtera de plus en plus cher.
Ça va grimper en France. Selon Nus Consulting, le prix de l’eau a augmenté en France de 3,6 % en 2004, soit deux fois le prix de l’inflation. Une hausse équivalente à celle subie par les particuliers qui, selon l’Insee et le Bipe de juillet 2005, aura atteint l’augmentation record de 38 % en dix ans. Et ce n’est pas terminé. « Jusqu’à présent, on avait contenu les hausses, mais, oui, il y aura de nouvelles augmentations des prix de l’eau à Paris et certainement dans toute la France, avertit Myriam Constantin, adjointe à la mairie de Paris et en charge du dossier de l’eau. Bruxelles impose des normes drastiques pour les réseaux d’assainissement qu’il va falloir financer. » Les collectivités redoutent les augmentations à venir. Ainsi, mercredi prochain, les responsables du Siapp (Syndicat interdépartemental d’assainissement de l’agglomération parisienne) vont se pencher sur l’impact d’une hausse de vos factures…
Bras de fer avec les géants de l’eau. Depuis quelques années, des collectivités font pression sur les compagnies privées de l’eau (Veolia- Générale des eaux et la Lyonnaise- Suez pour les plus grandes) qui distribuent 80 % de l’eau en France. Selon l’Institut français de l’environnement, lorsque les municipalités ont fait appel à ces sociétés privées, les prix ont grimpé jusqu’à 22 %, en moyenne. Un marché captif, puisque 90 % des renouvellements de délégation (un millier de communes chaque année) se font toujours avec le même opérateur. Ce qui a fait dire à un responsable de la DGCCRF, Luc Valade, alors qu’il était entendu par une mission parlementaire, que la concurrence sur le marché de l’eau en France est « purement formelle ». En écho, le député PS, maire de Dourdan, Yves Tavernier, auteur d’un rapport sur le financement et la gestion de l’eau, réclame « plus de transparence sur les coûts de fonctionnement de ces sociétés». Jusqu’à présent, rares sont les collectivités qui ont réussi à faire baisser les prix ; l’équipe Delanoë a récupéré 160millions sous forme de travaux, Quimper a baissé ses tarifs de 15 % et Lyon a fait économiser 15 centimes d’euros aux abonnés.
Cafouillages en série. Les collectivités proposent aux usagers de poser des compteurs d’eau individuels (voir page 3), officiellement pour lutter contre le gaspillage, mais avec des tarifs hors de prix qui n’inciteront personne à changer de système. Autre anomalie, l’absence de prise en compte de la pollution. « L e prix de l’eau, c’est aussi le coût de la pollution des nitrates et pesticides, nous investissons 100 millions d’euros pour des usines de traitement des eaux souterraines », appuie Anne Le Strat, PDG des Eaux de Paris (ex-Sagep). « Si l’on stoppait ces infiltrations agricoles dans les nappes, ça coûterait moins cher à l’usager. » Enfin, l’Etat a ponctionné, sans publicité, 240 millions des coffres des agences de l’eau cette année alors que cet argent devait financer des travaux urgents. Le monde de l’or bleu manque singulièrement de limpidité sur le plan financier…
Jean Darriulat et Eric Giacometti