Veolia bat en retraite face à la réaction de Vinci et des marchés
Henri Proglio, le PDG de Veolia Environnement, a été contraint de renoncer à son projet de mariage avec Vinci trois jours à peine après avoir dévoilé ses intentions. Le titre Veolia a dévissé de 14,7 % la semaine dernière.
Nouvel échec cuisant pour Henri Proglio, le PDG de Veolia Environnement. Cinq mois après sa tentative avortée d'offensive sur Suez en collaboration avec l'italien Enel, Veolia a dû renoncer à son projet de mariage avec Vinci. Samedi matin, trois jours à peine après avoir confirmé son intérêt pour Vinci, Veolia a fait savoir qu'il renonçait au projet, considérant que les conditions n'étaient pas réunies pour sa mise en oeuvre, "au regard des positions prises par la direction de Vinci".
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Xavier Huillard, le directeur général de Vinci, était vent debout face à cette tentative de prise de contrôle du groupe de BTP, rendu vulnérable par l'éviction mouvementée de son ancien président Antoine Zacharias. Dès mercredi soir, Vinci avait sèchement rejeté les avances de Veolia. Or Xavier Huillard, qui avait le soutien du nouveau président de Vinci, Yves-Thibault de Silguy, pouvait parvenir à faire bloc autour de lui au sein du conseil d'administration. À la majorité de neuf administrateurs contre sept, le conseil de Vinci l'avait confirmé dans ses fonctions le 1er juin, poussant Antoine Zacharias à la démission. Les mêmes qui avaient voté hier en sa faveur étaient susceptibles de s'opposer aujourd'hui au projet Veolia.
Secteurs très différents. Au reste, dès jeudi après-midi, la réaction très négative des marchés avait commencé, semble-t-il, à faire vaciller la résolution de Veolia. Le titre du groupe de services à l'environnement a plongé de 7,97 % dès mercredi avant de céder à nouveau du terrain jeudi et vendredi. Au total, l'action accusait vendredi soir à la clôture un repli sur la semaine de 14,7 % à 36,82 euros. Dans ces conditions, la capitalisation boursière de Veolia étant revenue à 15 milliards d'euros alors que celle de Vinci est montée en parallèle à plus de 18 milliards, faire une offre attrayante devenait beaucoup plus difficile, d'autant que l'endettement de Veolia représente plus de deux fois ses fonds propres.
Sur le fond, l'opération envisagée semblait dépourvue de sens industriel à bon nombre d'analystes. Ses détracteurs faisaient valoir que les deux groupes opèrent sur des secteurs très différents (l'eau, la propreté, l'énergie et les transports pour Veolia, la construction et la gestion de concessions pour Vinci), mettant en oeuvre des savoir-faire bien distincts. Veolia avait bien tenté de mettre en avant des synergies (700 millions d'euros). Mais celles-ci, notait un banquier, n'avaient pas fait l'objet d'un examen contradictoire, ce qui en affaiblissait la portée. Le groupe de services à l'environnement donnait surtout le sentiment de vouloir mettre la main sur la machine à cash qu'est pour Vinci Autoroutes du Sud de la France, rachetées en décembre.
Le faux pas de Veolia ne risque-t-il pas de se retourner contre lui ? La démarche même d'Henri Proglio semble témoigner d'une certaine fébrilité, sans réel travail d'approche auprès des instances dirigeantes de Vinci. La révélation de ses intentions par la presse, la semaine dernière, aurait pris de court Veolia, l'empêchant de nouer un dialogue discret avec sa cible.
Croissance en hausse. Au-delà, la volte-face de Veolia amène à s'interroger sur ses perspectives de croissance, les possibilités d'étoffer son périmètre n'étant pas légion, d'après un banquier. Une autre source bancaire avance que le groupe va devoir renouveler d'ici deux à trois ans ses concessions d'eau en France. Samedi matin, Veolia a cherché à rassurer les marchés : au détour de son communiqué sur Vinci, l'entreprise indique qu'elle revoit à la hausse ses perspectives pour 2006, en tablant sur une croissance de son chiffre d'affaires supérieure à 10 % et sur une augmentation plus rapide de son résultat opérationnel.
Sophie Sanchez et Marie-Caroline Lopez
Approche qualifiée d'hostile

Faute d'avoir pu mener à bien pour des raisons politico-économiques son raid conjoint avec Enel sur Suez durant l'hiver, Veolia Environnement tente bel et bien désormais de s'attaquer à une autre proie, pourtant à peine moins digeste et de surcroît hors de son domaine de prédilection : Vinci. Seulement, le leader mondial du BTP, encore très secoué par l'affaire de l'éviction de son ex-PDG, Antoine Zacharias, se déclare opposé à toute fusion, fût-elle présentée comme « amicale » par Henri Proglio, le patron de Veolia. Car de l'avis de la nouvelle direction de Vinci, l'opération serait en effet ni dans l'intérêt de ses actionnaires, ni porteuse sur le plan industriel, quand bien même Veolia plaide pour la constitution du futur « numéro un mondial de l'environnement urbain et de l'aménagement du territoire » en mettant en exergue « la convergence des métiers et la complémentarité des savoir-faire ». De sorte qu'in fine l'approche a été qualifiée « d'hostile » jeudi matin. Ce que Veolia a aussitôt « déploré ».
Après ce premier tour de piste où chacun des deux protagonistes a pu dévoiler une partie de son jeu, Veolia se retrouve en fait confronté à trois possibilités : primo, abandonner purement et simplement faute d'avoir obtenu l'accord de sa proie ; secundo, lancer malgré tout une offre inamicale ; tertio, se montrer plus persuasif en revalorisant sa proposition. Du côté des marchés, on semble s'orienter pour l'instant vers la première option. « Parce que pour une firme qui présente un mix industriel construction/concessions (autoroutes, parking…) comme c'est le cas pour Vinci), il ne saurait y avoir d'OPA/OPE inamicale. Ce serait trop risqué. Dans ces conditions, son refus sonne comme une fin de non recevoir définitive. Il n'y a aucune ouverture possible», confie un spécialiste parisien de la valeur. A Paris, l'action Vinci glissait de 3,5% jeudi après avoir bondi de 8,2% la veille. Le titre Veolia perdait encore 1,6% après ses 8% d'hier.
Maintenant, Henri Proglio et son staff auront-ils les moyens de leurs ambitions, lesquelles finalement visent à reformer ni plus ni moins feu la Générale des Eaux (Nexity mis à part), puisque Vinci n'est autre qu'une émanation de cet ancien conglomérat ? Pourront-ils former à prix raisonnable un leader mondial doté de 47 milliards d'euros de chiffre d'affaires et de 34 milliards de capitalisation boursière, sachant que l'ex-Vivendi Environnement est déjà plombé par une dette de 14 milliards ? Rien n'est moins sûr… Ceci étant, l'offensive avortée de Veolia jette à nouveau une lumière crue sur la faiblesse structurelle du capital de Vinci, dont le flottant se monte à près de 90%. Ce qui le rend par conséquent à la merci d'un éventuel poids-lourd étranger, bien que les Abertis et autres Ferrovial soient déjà bien accaparés, l'un par l'italien Autostrade et l'autre par le britannique BAA.
Après ce premier tour de piste où chacun des deux protagonistes a pu dévoiler une partie de son jeu, Veolia se retrouve en fait confronté à trois possibilités : primo, abandonner purement et simplement faute d'avoir obtenu l'accord de sa proie ; secundo, lancer malgré tout une offre inamicale ; tertio, se montrer plus persuasif en revalorisant sa proposition. Du côté des marchés, on semble s'orienter pour l'instant vers la première option. « Parce que pour une firme qui présente un mix industriel construction/concessions (autoroutes, parking…) comme c'est le cas pour Vinci), il ne saurait y avoir d'OPA/OPE inamicale. Ce serait trop risqué. Dans ces conditions, son refus sonne comme une fin de non recevoir définitive. Il n'y a aucune ouverture possible», confie un spécialiste parisien de la valeur. A Paris, l'action Vinci glissait de 3,5% jeudi après avoir bondi de 8,2% la veille. Le titre Veolia perdait encore 1,6% après ses 8% d'hier.
Maintenant, Henri Proglio et son staff auront-ils les moyens de leurs ambitions, lesquelles finalement visent à reformer ni plus ni moins feu la Générale des Eaux (Nexity mis à part), puisque Vinci n'est autre qu'une émanation de cet ancien conglomérat ? Pourront-ils former à prix raisonnable un leader mondial doté de 47 milliards d'euros de chiffre d'affaires et de 34 milliards de capitalisation boursière, sachant que l'ex-Vivendi Environnement est déjà plombé par une dette de 14 milliards ? Rien n'est moins sûr… Ceci étant, l'offensive avortée de Veolia jette à nouveau une lumière crue sur la faiblesse structurelle du capital de Vinci, dont le flottant se monte à près de 90%. Ce qui le rend par conséquent à la merci d'un éventuel poids-lourd étranger, bien que les Abertis et autres Ferrovial soient déjà bien accaparés, l'un par l'italien Autostrade et l'autre par le britannique BAA.