
5,5 millions de dollars à Aisa, qui ne sont pas des indemnités mais plutôt «la reconnaissance de ses investissements» a précisé le chef de l'Etat, et 13 millions de dollars supplémentaires, qui correspondent à la dette de l'entreprise envers la Banque Mondiale et deux institutions financières sud-américaines.
Chez Suez, on semble content. Hélène Enginger, du service communication, explique : «Nous sommes arrivés à un accord à l'amiable. Les deux parties sont satisfaites, preuve que tout s'est bien passé.» Pourtant, cet été encore, rien ne laissait présager ce dénouement.
A genoux. Tout commence en 2003, à El Alto, faubourg de La Paz, où les premières manifestations contre la filiale de Suez éclatent. Sous la bannière «El Alto debout, jamais à genoux» l'association de riverains La Fejuve-El Alto et son leader, Abel Mamani, dénoncent hausse des tarifs et coûts de raccordement au réseau et critique le service rendu. 10 % des habitants d'El Alto n'ont toujours pas accès à l'eau potable. Par décret, le 11 janvier 2005, le président Carlos Mesa déclare mettre fin au contrat de concession à La Paz-El Alto. Deux mois après son investiture en décembre 2005, Evo Morales crée un ministère de l'Eau avec Abel Mamani à sa tête et s'engage à ce que Suez parte. Débutent alors des mois de négociations.
Pour Suez, les raisons sont idéologiques. Jean-Michel Desloges, responsable environnement zone Amériques chez Suez, se dit «fier du travail accompli», explique que l'entreprise a rempli son contrat avec la superintendance bolivienne, et qu'une analyse comparative réalisée par cette dernière a nommé Aisa meilleur opérateur d'eau. Le ministère de l'Eau, quant à lui, s'appuie sur un audit en juin et accuse Aisa de n'avoir pas rempli les objectifs du contrat et d'avoir dégradé l'environnement.
Quelques mois plus tard, un consensus est trouvé. Mais le gouvernement bolivien n'affiche pas le même enthousiasme que la multinationale. Il a dû revoir à la baisse ses exigences. Ainsi, le ministre Mamani regrette que «l'accord ne réponde pas à toutes les demandes de la population». En effet, rien n'a été dit des responsabilités des dégradations environnementales et des manquements au contrat. «Nous n'avons pas le temps de démontrer les anomalies dans la gestion de Aisa. Des milliers de personnes attendent», répond le ministre de l'Eau.
Le gouvernement a choisi la tempérance. L'exemple de sa voisine, l'Argentine, actuellement en procès contre Suez devant le Centre international des différends relatifs aux investissements (Cirdi), pour avoir rompu sa concession à Buenos Aires, impose d'agir avec discernement. L'accord de protection d'investissement entre la Bolivie et la France et la coopération financière bilatérale (France, Espagne) comme européenne, complexifiait aussi l'affaire.
Objectif. «L'un des objectifs, raconte le ministre de l'Eau, était de résoudre le problème pour conserver l'appui des bailleurs de fonds pour la future entreprise», avant de conclure «il faut choisir entre un grand et un moindre mal». La Paz dispose aujourd'hui de 5,5 millions de dollars, de l'UE et du Venezuela, pour créer «la nouvelle entreprise publique et sociale», Epsa, avec pour objectif de privilégier le service au profit avec la participation des riverains.
© Libération
QUOTIDIEN : vendredi 19 janvier 2007
Par Marjolaine NORMIER
Chez Suez, on semble content. Hélène Enginger, du service communication, explique : «Nous sommes arrivés à un accord à l'amiable. Les deux parties sont satisfaites, preuve que tout s'est bien passé.» Pourtant, cet été encore, rien ne laissait présager ce dénouement.
A genoux. Tout commence en 2003, à El Alto, faubourg de La Paz, où les premières manifestations contre la filiale de Suez éclatent. Sous la bannière «El Alto debout, jamais à genoux» l'association de riverains La Fejuve-El Alto et son leader, Abel Mamani, dénoncent hausse des tarifs et coûts de raccordement au réseau et critique le service rendu. 10 % des habitants d'El Alto n'ont toujours pas accès à l'eau potable. Par décret, le 11 janvier 2005, le président Carlos Mesa déclare mettre fin au contrat de concession à La Paz-El Alto. Deux mois après son investiture en décembre 2005, Evo Morales crée un ministère de l'Eau avec Abel Mamani à sa tête et s'engage à ce que Suez parte. Débutent alors des mois de négociations.
Pour Suez, les raisons sont idéologiques. Jean-Michel Desloges, responsable environnement zone Amériques chez Suez, se dit «fier du travail accompli», explique que l'entreprise a rempli son contrat avec la superintendance bolivienne, et qu'une analyse comparative réalisée par cette dernière a nommé Aisa meilleur opérateur d'eau. Le ministère de l'Eau, quant à lui, s'appuie sur un audit en juin et accuse Aisa de n'avoir pas rempli les objectifs du contrat et d'avoir dégradé l'environnement.
Quelques mois plus tard, un consensus est trouvé. Mais le gouvernement bolivien n'affiche pas le même enthousiasme que la multinationale. Il a dû revoir à la baisse ses exigences. Ainsi, le ministre Mamani regrette que «l'accord ne réponde pas à toutes les demandes de la population». En effet, rien n'a été dit des responsabilités des dégradations environnementales et des manquements au contrat. «Nous n'avons pas le temps de démontrer les anomalies dans la gestion de Aisa. Des milliers de personnes attendent», répond le ministre de l'Eau.
Le gouvernement a choisi la tempérance. L'exemple de sa voisine, l'Argentine, actuellement en procès contre Suez devant le Centre international des différends relatifs aux investissements (Cirdi), pour avoir rompu sa concession à Buenos Aires, impose d'agir avec discernement. L'accord de protection d'investissement entre la Bolivie et la France et la coopération financière bilatérale (France, Espagne) comme européenne, complexifiait aussi l'affaire.
Objectif. «L'un des objectifs, raconte le ministre de l'Eau, était de résoudre le problème pour conserver l'appui des bailleurs de fonds pour la future entreprise», avant de conclure «il faut choisir entre un grand et un moindre mal». La Paz dispose aujourd'hui de 5,5 millions de dollars, de l'UE et du Venezuela, pour créer «la nouvelle entreprise publique et sociale», Epsa, avec pour objectif de privilégier le service au profit avec la participation des riverains.
© Libération
QUOTIDIEN : vendredi 19 janvier 2007
Par Marjolaine NORMIER