Antibiotiques ou les anti-cancéreux : on les retrouve dans les égouts

Une personne malade ne pense pas à ce que vont devenir les antibiotiques ou les anti-cancéreux qu’elle absorbe. En effet, certaines molécules sont dégradées par notre organisme, mais d’autres sont éliminées dans nos urines sans être totalement modifiées. Conséquence: elles se retrouvent dans les égouts où elles côtoient les autres polluants provenant des détergents, des produits ménagers ou des cosmétiques. Elles suivent donc un long parcours, des urines d’un patient à l’eau potable, en passant par les rivières.
Dans les hôpitaux, les urines contenant des médicaments ne reçoivent pas de traitement spécifique. Les substances radioactives font toutefois l’objet d’une circulaire et d’un arrêté (1) visant à limiter leur diffusion dans l’environnement. Mais les effluents des hôpitaux se mélangent de toute façon à ceux des habitations qui contiennent aussi parfois des médicaments.
A leur arrivée en station d’épuration (Step), les molécules empruntent chacune un chemin différent: en fonction de leurs caractéristiques chimiques (volatilité, affinité pour l’eau, biodégradabilité…). Par exemple, si l’ibuprofen passe à travers les Step et se retrouve à environ 0,07 microgramme par litre dans l’eau de sortie, le diclofenac y est retenu. D’une manière générale, selon Jean Duchemin, ingénieur sanitaire à l’Agence de l’eau Seine-Normandie, les Step sont équipées pour éliminer la matière organique, les matières en suspension, l'azote et le phosphore qui sont présents à des concentrations de l’ordre du milligramme par litre. L’élimination des médicaments, présents à des concentrations de 10 à 100 nanogrammes par litre n’est, elle, pas totale.
Après rejet dans les rivières, les substances sont diluées dans de grandes quantités d’eau. Si elles parviennent à l’usine d’eau potable, les opérations de floculation, précipitation, oxydation à l’ozone et fixation sur charbon actif les retiennent. Au bout du compte, le constat est rassurant dans notre pays où les Step et usines d’eau potable sont bien équipées et constituent des barrières efficaces contre les substances polluantes. «Il n’a pas été décelé de médicaments dans l’eau potable en France», note Yves Lévi, professeur à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry (Université Paris XI).
Pour le moment, le thème des médicaments dans l’eau est peu présent dans les programmes de recherche français. Mais dans le cadre du Plan national santé environnement, les agences de l’eau sont amenées à faire un état des lieux des médicaments dans l’eau. Pour Yves Lévi, il faudrait déterminer quelles molécules résistent le plus aux traitements de l’eau et surtout, instaurer un véritable programme toxico-pharmacologique permettant une analyse des risques.
Finalement, la priorité du moment en ce qui concerne les médicaments est de savoir si leur présence dans l’eau des rivières constitue un véritable risque pour la faune et la flore, voire pour la santé humaine en cas d’exposition des populations. «Le traitement de l’eau par membrane nécessite une dépense importante en énergie. Il conviendrait donc, dans un souci de développement durable, de ne l’appliquer que pour les eaux à risque», a indiqué Jean Duchemin.
(1) Circulaire DGS/SD 7 D/DHOS/E 4 n° 2001-323 du 9 juillet 2001 relative à la gestion des effluents et des déchets d'activités de soin contaminés par des radionucléides, et arrêté du 21 janvier 2004 relatif à l'information des personnes exposées aux rayonnements ionisants lors d'un acte de médecine nucléaire (J.O. du 6 février 2004)
(2) Résultats de l’ étude menée dans le cadre du programme français Enimed
pour aller plus loin
Vers la circulaire de juillet 2001
Vers l’arrêté de janvier 2004Vers l’étude d’Enimed
Dans les hôpitaux, les urines contenant des médicaments ne reçoivent pas de traitement spécifique. Les substances radioactives font toutefois l’objet d’une circulaire et d’un arrêté (1) visant à limiter leur diffusion dans l’environnement. Mais les effluents des hôpitaux se mélangent de toute façon à ceux des habitations qui contiennent aussi parfois des médicaments.
A leur arrivée en station d’épuration (Step), les molécules empruntent chacune un chemin différent: en fonction de leurs caractéristiques chimiques (volatilité, affinité pour l’eau, biodégradabilité…). Par exemple, si l’ibuprofen passe à travers les Step et se retrouve à environ 0,07 microgramme par litre dans l’eau de sortie, le diclofenac y est retenu. D’une manière générale, selon Jean Duchemin, ingénieur sanitaire à l’Agence de l’eau Seine-Normandie, les Step sont équipées pour éliminer la matière organique, les matières en suspension, l'azote et le phosphore qui sont présents à des concentrations de l’ordre du milligramme par litre. L’élimination des médicaments, présents à des concentrations de 10 à 100 nanogrammes par litre n’est, elle, pas totale.
Après rejet dans les rivières, les substances sont diluées dans de grandes quantités d’eau. Si elles parviennent à l’usine d’eau potable, les opérations de floculation, précipitation, oxydation à l’ozone et fixation sur charbon actif les retiennent. Au bout du compte, le constat est rassurant dans notre pays où les Step et usines d’eau potable sont bien équipées et constituent des barrières efficaces contre les substances polluantes. «Il n’a pas été décelé de médicaments dans l’eau potable en France», note Yves Lévi, professeur à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry (Université Paris XI).
Pour le moment, le thème des médicaments dans l’eau est peu présent dans les programmes de recherche français. Mais dans le cadre du Plan national santé environnement, les agences de l’eau sont amenées à faire un état des lieux des médicaments dans l’eau. Pour Yves Lévi, il faudrait déterminer quelles molécules résistent le plus aux traitements de l’eau et surtout, instaurer un véritable programme toxico-pharmacologique permettant une analyse des risques.
Finalement, la priorité du moment en ce qui concerne les médicaments est de savoir si leur présence dans l’eau des rivières constitue un véritable risque pour la faune et la flore, voire pour la santé humaine en cas d’exposition des populations. «Le traitement de l’eau par membrane nécessite une dépense importante en énergie. Il conviendrait donc, dans un souci de développement durable, de ne l’appliquer que pour les eaux à risque», a indiqué Jean Duchemin.
(1) Circulaire DGS/SD 7 D/DHOS/E 4 n° 2001-323 du 9 juillet 2001 relative à la gestion des effluents et des déchets d'activités de soin contaminés par des radionucléides, et arrêté du 21 janvier 2004 relatif à l'information des personnes exposées aux rayonnements ionisants lors d'un acte de médecine nucléaire (J.O. du 6 février 2004)
(2) Résultats de l’ étude menée dans le cadre du programme français Enimed
pour aller plus loin
Vers la circulaire de juillet 2001
Vers l’arrêté de janvier 2004Vers l’étude d’Enimed
Autre théorie du Docteur Danglot

L’eau, voie royale pour les gènes résistants
Selon une étude récente, l’eau de boisson pourrait être une voie majeure de diffusion des gènes de résistance aux antibiotiques.
Il s’en défend, mais Claude Danglot, du laboratoire de biotechnologie du Centre de recherche et de contrôle des eaux de Paris (CRECEP), vient d’apporter une contribution qui pourrait être majeure à la compréhension des mécanismes de diffusion des bactéries comportant des gènes résistant aux antibiotiques. Dans une étude présentée lors du symposium de médecine agricole de Tours, en juin 2002, passée alors inaperçue et diffusée par le CRECEP mardi 2 septembre 2003, il formule l’hypothèse que l’eau de boisson est le vecteur direct de distribution des gènes résistants à certains antibiotiques aux humains sains.
Toutes les eaux de la planète seraient concernées
Pour ses recherches, le Dr Danglot s’est intéressé aux eaux de la région parisienne ainsi qu’aux eaux minérales embouteillées provenant de France et de pays étrangers. La résistance à huit antibiotiques a été testée. Quatre concernent la thérapeutique humaine et quatre autres étaient utilisés dans l’élevage des animaux comme activateurs de croissance, jusqu’à leur interdiction par la CEE en janvier 1999 (ils restent cependant autorisés comme agents anti-infectieux). Les résultats, selon les mots de Claude Danglot, sont " très surprenants ". Selon son étude, les eaux superficielles de la région parisienne testées contiendraient des bactéries " Gram - ", résistantes à six antibiotiques sur huit, ainsi que des bactéries " Gram + " résistantes à deux ou trois antibiotiques, dont l’ampicilline, l’un des plus utilisés en thérapeutique humaine. Dans les usines de production d’eau potable (Joinville et Ivry), l’étude relève que, même après un traitement par chloration, des spores de bactéries " Gram + " se retrouveraient intacts dans les eaux refoulées. Même chose pour les aqueducs transportant l’eau collectée dans des régions d’élevage. Le traitement par chloration semble insuffisant à détruire les bactéries " Gram - " qui " arrivent à survivre dans le réseau d’eau potable parisien et dont plus de 75 % résistent en moyenne à cinq à six antibiotiques ".
" Ces analyses sont à prendre avec précaution ", tempère Claude Danglot, car " pour être fiables elles demandent encore un grand nombre de tests qui n’ont pas pu être encore réalisés ". Plus étonnant, si ces analyses s’avéraient exactes, ce type de contamination pourraient toucher également les eaux embouteillées, minérales ou naturelles. Ainsi, certaines eaux commercialisées au Cameroun, en Égypte, mais aussi en France pourraient, selon le chercheur, contenir des bactéries dont les gènes résisteraient aux antibiotiques testés.
Les dangers des gènes résistants
En soi, la présence de ce type de bactéries n’est pas dangereuse pour l’homme, car ces bactéries ne sont pas pathogènes, c’est-à-dire qu’elles n’engendrent aucune maladie. Le danger, c’est que ces gènes résistants soient communiqués à des bactéries pathogènes qu’il serait ensuite beaucoup plus difficile, voire impossible, de combattre. Des transferts d’éléments génétiques résistants entre bactéries ont déjà été mis en lumière par des études précédentes. Le scénario catastrophe consisterait pour une bactérie inoffensive mais multirésistante à transmettre ses propriétés à une autre beaucoup plus dangereuse, comme le staphylocoque doré (bactérie virulente responsable de la plupart des infections nosocomiales). Il n’y aurait plus alors d’antibiotique disponible pour le traiter et l’infection développée ne pourrait être guérie.
Tout l’intérêt de cette étude est d’évaluer qualitativement et quantitativement la contamination induite par l’eau de boisson. Car jusqu’à présent, les scientifiques comprenaient mal les phénomènes de dissémination de ces gènes aux humains et aux animaux. Selon Claude Danglot, l’eau serait l’un des vecteurs majeurs de la prolifération de ce type de bactéries, bien davantage que la nourriture (légumes, viande crue) que le toucher ou l’air que l’on respire. Si les résultats de cette étude devaient être confirmés, il faudra revoir rapidement notre système de production d’eau potable et traiter efficacement les eaux usées, notamment celles provenant des hôpitaux, grands colporteurs de gènes résistants aux antibiotiques, et des élevages intensifs. " Nos normes de qualités de l’eau ne prennent pas en compte ce type de contamination et ont globalement vingt ans de retard par rapport aux connaissances scientifiques ", déplore le chercheur.
article de Cyrille Poy dans l'humanité
Selon une étude récente, l’eau de boisson pourrait être une voie majeure de diffusion des gènes de résistance aux antibiotiques.
Il s’en défend, mais Claude Danglot, du laboratoire de biotechnologie du Centre de recherche et de contrôle des eaux de Paris (CRECEP), vient d’apporter une contribution qui pourrait être majeure à la compréhension des mécanismes de diffusion des bactéries comportant des gènes résistant aux antibiotiques. Dans une étude présentée lors du symposium de médecine agricole de Tours, en juin 2002, passée alors inaperçue et diffusée par le CRECEP mardi 2 septembre 2003, il formule l’hypothèse que l’eau de boisson est le vecteur direct de distribution des gènes résistants à certains antibiotiques aux humains sains.
Toutes les eaux de la planète seraient concernées
Pour ses recherches, le Dr Danglot s’est intéressé aux eaux de la région parisienne ainsi qu’aux eaux minérales embouteillées provenant de France et de pays étrangers. La résistance à huit antibiotiques a été testée. Quatre concernent la thérapeutique humaine et quatre autres étaient utilisés dans l’élevage des animaux comme activateurs de croissance, jusqu’à leur interdiction par la CEE en janvier 1999 (ils restent cependant autorisés comme agents anti-infectieux). Les résultats, selon les mots de Claude Danglot, sont " très surprenants ". Selon son étude, les eaux superficielles de la région parisienne testées contiendraient des bactéries " Gram - ", résistantes à six antibiotiques sur huit, ainsi que des bactéries " Gram + " résistantes à deux ou trois antibiotiques, dont l’ampicilline, l’un des plus utilisés en thérapeutique humaine. Dans les usines de production d’eau potable (Joinville et Ivry), l’étude relève que, même après un traitement par chloration, des spores de bactéries " Gram + " se retrouveraient intacts dans les eaux refoulées. Même chose pour les aqueducs transportant l’eau collectée dans des régions d’élevage. Le traitement par chloration semble insuffisant à détruire les bactéries " Gram - " qui " arrivent à survivre dans le réseau d’eau potable parisien et dont plus de 75 % résistent en moyenne à cinq à six antibiotiques ".
" Ces analyses sont à prendre avec précaution ", tempère Claude Danglot, car " pour être fiables elles demandent encore un grand nombre de tests qui n’ont pas pu être encore réalisés ". Plus étonnant, si ces analyses s’avéraient exactes, ce type de contamination pourraient toucher également les eaux embouteillées, minérales ou naturelles. Ainsi, certaines eaux commercialisées au Cameroun, en Égypte, mais aussi en France pourraient, selon le chercheur, contenir des bactéries dont les gènes résisteraient aux antibiotiques testés.
Les dangers des gènes résistants
En soi, la présence de ce type de bactéries n’est pas dangereuse pour l’homme, car ces bactéries ne sont pas pathogènes, c’est-à-dire qu’elles n’engendrent aucune maladie. Le danger, c’est que ces gènes résistants soient communiqués à des bactéries pathogènes qu’il serait ensuite beaucoup plus difficile, voire impossible, de combattre. Des transferts d’éléments génétiques résistants entre bactéries ont déjà été mis en lumière par des études précédentes. Le scénario catastrophe consisterait pour une bactérie inoffensive mais multirésistante à transmettre ses propriétés à une autre beaucoup plus dangereuse, comme le staphylocoque doré (bactérie virulente responsable de la plupart des infections nosocomiales). Il n’y aurait plus alors d’antibiotique disponible pour le traiter et l’infection développée ne pourrait être guérie.
Tout l’intérêt de cette étude est d’évaluer qualitativement et quantitativement la contamination induite par l’eau de boisson. Car jusqu’à présent, les scientifiques comprenaient mal les phénomènes de dissémination de ces gènes aux humains et aux animaux. Selon Claude Danglot, l’eau serait l’un des vecteurs majeurs de la prolifération de ce type de bactéries, bien davantage que la nourriture (légumes, viande crue) que le toucher ou l’air que l’on respire. Si les résultats de cette étude devaient être confirmés, il faudra revoir rapidement notre système de production d’eau potable et traiter efficacement les eaux usées, notamment celles provenant des hôpitaux, grands colporteurs de gènes résistants aux antibiotiques, et des élevages intensifs. " Nos normes de qualités de l’eau ne prennent pas en compte ce type de contamination et ont globalement vingt ans de retard par rapport aux connaissances scientifiques ", déplore le chercheur.
article de Cyrille Poy dans l'humanité
Des bactéries en résistance

Eaux polluées et pharmacovigilance :
urgence pour la médecine à soigner son environnement !
Nos ressources en eau n'ont pas fini de souffrir des pollutions diffuses. Au banc des accusés :
antibiotiques, médicaments et pesticides à effets oestrogéniques disséminés via les effluents urbains et agricoles.
Ces molécules aux concentrations apparemment anodines contaminent insidieusement eaux et sols, avec des effets inquiétants : résistance bactérienne, perturbations sexuelles chez certains poissons et crustacés, altération de la fécondité.
Un ennemi discret
La présence de résidus d'antibiotiques et de médicaments usuels est de plus en plus souvent détectée dans les stations d'épuration comme dans les eaux brutes destinées à l'alimentation en eau potable. Leur élimination par les dispositifs de traitement des eaux résiduaires urbaines est au mieux très partielle voire le plus couramment inexistante. Ces molécules se retrouvent donc librement dans les eaux de surface (rivières et lacs), certaines nappes phréatiques peu profondes pouvant également être contaminées.
Les rejets hospitaliers, de surcroît nettement plus concentrés en produits potentiellement actifs que les effluents domestiques, sont également montrés du doigt puisqu'ils rejoignent eux aussi les stations d'épuration sans pré-traitement spécifique.
Or, si les molécules les plus fragiles peuvent être rapidement dégradées lors du cycle d'assainissement, les autres sont éliminées soit par fixation dans les boues, leur présence pouvant alors se révéler problématique en cas de valorisation sous forme d'épandage agricole, soit par relargage direct dans l'environnement via les effluents rejetés en sortie de station.
A cela s'ajoute une autre source de contamination, et non des moindres notamment dans certaines régions comme la Bretagne, celle liée à l'élevage. Les antibiotiques vétérinaires administrés au bétail, souvent massivement, se retrouvent dans les lisiers, sous forme intacte ou métabolisée.
Ces molécules peuvent alors être disséminées dans le milieu naturel soit de façon directe (lors du pâturage), soit de façon indirecte (épandage) puis entraînées vers les cours d'eau ou les nappes, par ruissellement ou infiltration.
Enfin, signalons une autre source de pollution possible : celle liée aux industries pharmaceutiques et chimiques, par leurs effluents de production ou des déversements accidentels.
En définitive, tous les milieux aquatiques, qu'ils soient continentaux, littoraux ou marins, sont ainsi largement abreuvés de cocktails chimiques en tous genres. Les sols sont vraisemblablement aussi contaminés. Comment connaître la proportion de principes actifs ainsi mis en circulation dans les milieux, déterminer leur impact individuel en fonction de leur degré de concentration, identifier les synergies possibles entre composés ? Autant de questions qui restent pour l'instant sans véritables réponses...
De quoi raisonnablement s'inquiéter quand on sait, par exemple, que la pollution environnementale liée aux antibiotiques dans le monde est estimée à plusieurs milliers de tonnes sur les 12500 consommées en moyenne chaque année, et que les ressources en eau les plus exposées, à savoir les eaux douces de surface, sont utilisées pour la fabrication d'eau potable.
urgence pour la médecine à soigner son environnement !
antibiotiques, médicaments et pesticides à effets oestrogéniques disséminés via les effluents urbains et agricoles.
Ces molécules aux concentrations apparemment anodines contaminent insidieusement eaux et sols, avec des effets inquiétants : résistance bactérienne, perturbations sexuelles chez certains poissons et crustacés, altération de la fécondité.
La présence de résidus d'antibiotiques et de médicaments usuels est de plus en plus souvent détectée dans les stations d'épuration comme dans les eaux brutes destinées à l'alimentation en eau potable. Leur élimination par les dispositifs de traitement des eaux résiduaires urbaines est au mieux très partielle voire le plus couramment inexistante. Ces molécules se retrouvent donc librement dans les eaux de surface (rivières et lacs), certaines nappes phréatiques peu profondes pouvant également être contaminées.
Les rejets hospitaliers, de surcroît nettement plus concentrés en produits potentiellement actifs que les effluents domestiques, sont également montrés du doigt puisqu'ils rejoignent eux aussi les stations d'épuration sans pré-traitement spécifique.
Or, si les molécules les plus fragiles peuvent être rapidement dégradées lors du cycle d'assainissement, les autres sont éliminées soit par fixation dans les boues, leur présence pouvant alors se révéler problématique en cas de valorisation sous forme d'épandage agricole, soit par relargage direct dans l'environnement via les effluents rejetés en sortie de station.
A cela s'ajoute une autre source de contamination, et non des moindres notamment dans certaines régions comme la Bretagne, celle liée à l'élevage. Les antibiotiques vétérinaires administrés au bétail, souvent massivement, se retrouvent dans les lisiers, sous forme intacte ou métabolisée.
Ces molécules peuvent alors être disséminées dans le milieu naturel soit de façon directe (lors du pâturage), soit de façon indirecte (épandage) puis entraînées vers les cours d'eau ou les nappes, par ruissellement ou infiltration.
Enfin, signalons une autre source de pollution possible : celle liée aux industries pharmaceutiques et chimiques, par leurs effluents de production ou des déversements accidentels.
En définitive, tous les milieux aquatiques, qu'ils soient continentaux, littoraux ou marins, sont ainsi largement abreuvés de cocktails chimiques en tous genres. Les sols sont vraisemblablement aussi contaminés. Comment connaître la proportion de principes actifs ainsi mis en circulation dans les milieux, déterminer leur impact individuel en fonction de leur degré de concentration, identifier les synergies possibles entre composés ? Autant de questions qui restent pour l'instant sans véritables réponses...
De quoi raisonnablement s'inquiéter quand on sait, par exemple, que la pollution environnementale liée aux antibiotiques dans le monde est estimée à plusieurs milliers de tonnes sur les 12500 consommées en moyenne chaque année, et que les ressources en eau les plus exposées, à savoir les eaux douces de surface, sont utilisées pour la fabrication d'eau potable.

La France à la traîne
Aucune donnée précise n'est actuellement disponible sur le territoire français. Pourtant, il suffit de se tourner vers nos voisins européens pour prendre la mesure du problème : une étude allemande a r é cemment mis en évidence la présence d'une quarantaine de produits pharmaceutiques différents dans les effluents de 49 stations d'épuration ! (1)
Autre exemple spectaculaire : l'acide clofibrique, anti-cholestérol usuel, est présent par dizaines de tonnes en mer du Nord, le Pô et le Danube sont contaminés et on en trouve jusque dans l'eau potable de la ville de Berlin !
Ainsi, malgré l'ampleur du phénomène, dont les premières observations remontent à 1976 aux Etats-Unis et 1992 en Allemagne, ce n'est qu'en 2002 que deux programmes de recherche (2) ont été lancés par le Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable, mettant enfin un terme à des années d'une étonnante politique de l'autruche en la matière... Avec 3000 molécules pharmaceutiques commercialisées, dont un millier sous forme liposoluble, donc susceptibles de dissémination environnementale, et des dizaines de tonnes de composés prescrits chaque année, il y avait pourtant peu de chances pour que notre pays soit épargné ! Sans compter que les premières analyses semblent montrer qu'aucun organisme vivant n'est véritablement à l'abri des effets secondaires.
Aucune donnée précise n'est actuellement disponible sur le territoire français. Pourtant, il suffit de se tourner vers nos voisins européens pour prendre la mesure du problème : une étude allemande a r é cemment mis en évidence la présence d'une quarantaine de produits pharmaceutiques différents dans les effluents de 49 stations d'épuration ! (1)
Autre exemple spectaculaire : l'acide clofibrique, anti-cholestérol usuel, est présent par dizaines de tonnes en mer du Nord, le Pô et le Danube sont contaminés et on en trouve jusque dans l'eau potable de la ville de Berlin !
Ainsi, malgré l'ampleur du phénomène, dont les premières observations remontent à 1976 aux Etats-Unis et 1992 en Allemagne, ce n'est qu'en 2002 que deux programmes de recherche (2) ont été lancés par le Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable, mettant enfin un terme à des années d'une étonnante politique de l'autruche en la matière... Avec 3000 molécules pharmaceutiques commercialisées, dont un millier sous forme liposoluble, donc susceptibles de dissémination environnementale, et des dizaines de tonnes de composés prescrits chaque année, il y avait pourtant peu de chances pour que notre pays soit épargné ! Sans compter que les premières analyses semblent montrer qu'aucun organisme vivant n'est véritablement à l'abri des effets secondaires.

Des bactéries en résistance
L'usage massif d'antibiotiques tant humains que vétérinaires constitue un risque à part en matière de pollution "pharmaceutique". Dans une interview au Quotidien Du Médecin, le Dr. Danglot (3) explique que le problème ne vient pas directement de la présence d'antibiotiques dans les eaux de surface, mais plutôt de l'eau elle-même, en tant que "bouillon de culture" favorisant la rencontre de milliards de bactéries, qu'elles soient pathogènes ou non.
En effet, l'absorption de ces produits sélectionne, au niveau intestinal, les populations bactériennes les plus résistantes, certaines d'entre elles pouvant même devenir complètement insensibles aux antibiotiques les plus courants. Ces bactéries sont alors capables de transmettre leurs gènes de résistance à la flore intestinale de l'organisme qui les abrite, mais également à tous les autres germes présents dans les milieux aquatiques une fois rejetées hors de l'organisme avec les excréments.
A terme, la propagation massive de tels gènes de résistance pourrait avoir des conséquences dramatiques. Pour s'en prémunir, plusieurs axes d'intervention sont envisageables : par exemple, l imiter l'utilisation des antibiotiques et désinfecter les rejets des sujets traités. Reste que l’application de cette dernière proposition, si elle semble relativement facile à mettre en oeuvre pour l'homme (désinfection des toilettes pour empêcher la propagation via les réseaux d'assainissement et les stations d'épuration), s'annonce bien plus compliquée pour le bétail notamment les élevages en plein air.
Faune aquatique : reproduction en péril
Les organismes aquatiques, en particulier les crustacés et poissons, sont depuis longtemps utilisés comme indicateurs de l'état des milieux, la fonction "reproduction" étant généralement la plus sensible aux pol luants. Les changements de morphologie sexuelle sont même aujourd'hui directement utilisés comme indicateur de pollution, à l'image du pourpre (4) par exemple.
L'usage massif d'antibiotiques tant humains que vétérinaires constitue un risque à part en matière de pollution "pharmaceutique". Dans une interview au Quotidien Du Médecin, le Dr. Danglot (3) explique que le problème ne vient pas directement de la présence d'antibiotiques dans les eaux de surface, mais plutôt de l'eau elle-même, en tant que "bouillon de culture" favorisant la rencontre de milliards de bactéries, qu'elles soient pathogènes ou non.
En effet, l'absorption de ces produits sélectionne, au niveau intestinal, les populations bactériennes les plus résistantes, certaines d'entre elles pouvant même devenir complètement insensibles aux antibiotiques les plus courants. Ces bactéries sont alors capables de transmettre leurs gènes de résistance à la flore intestinale de l'organisme qui les abrite, mais également à tous les autres germes présents dans les milieux aquatiques une fois rejetées hors de l'organisme avec les excréments.
A terme, la propagation massive de tels gènes de résistance pourrait avoir des conséquences dramatiques. Pour s'en prémunir, plusieurs axes d'intervention sont envisageables : par exemple, l imiter l'utilisation des antibiotiques et désinfecter les rejets des sujets traités. Reste que l’application de cette dernière proposition, si elle semble relativement facile à mettre en oeuvre pour l'homme (désinfection des toilettes pour empêcher la propagation via les réseaux d'assainissement et les stations d'épuration), s'annonce bien plus compliquée pour le bétail notamment les élevages en plein air.
Faune aquatique : reproduction en péril
Les organismes aquatiques, en particulier les crustacés et poissons, sont depuis longtemps utilisés comme indicateurs de l'état des milieux, la fonction "reproduction" étant généralement la plus sensible aux pol luants. Les changements de morphologie sexuelle sont même aujourd'hui directement utilisés comme indicateur de pollution, à l'image du pourpre (4) par exemple.

Que la pollution perturbe la sexualité de la faune aquatique n'est
donc pas une nouveauté. Ce qui devient inquiétant, c'est que les
exemples se multiplient, dans les eaux marines comme douces :
changement de sexe chez des gastéropodes du Pacifique, malformations
des testicules et du pénis chez des alligators et tortues de Floride,
fragilité des oeufs de certains oiseaux, etc. (5)
En outre, les désordres morphologiques affectant les organes sexuels des espèces touchées perturbent significativement leur reproduction. Si la proportion atteinte par rapport à la population totale devenait trop importante, la survie des espèces concernées pourrait ne plus être assurée. La multiplication des dysfonctionnements reproducteurs chez un nombre toujours plus important d'espèces n'incite donc pas franchement à l'optimisme... d'où l'importance de se préoccuper enfin sérieusement de la question.
Au premier rang des molécules mises en cause, on trouve d'une part, les hormones naturelles (estradiol) et de synthèse (éthinylestradiol, issues des pilules contraceptives féminines) rejetées via les urines dans les eaux usées et non traitées en station d'épuration, et d'autre part, des composés chimiques mimant les effets des oestrogènes naturels (matières plastiques, détergents, pesticides organo-chlorés, hydrocarbures aromatiques, métaux notamment) résultant d'usages domestique, agricoles ou de pollutions industrielles, par déversement accidentel ou non, dans le milieu naturel. L'existence de synergies entre ces différentes molécules, potentiellement perturbantes pour la biologie de la reproduction des espèces concernées, n'est en outre pas exclue.
En outre, les désordres morphologiques affectant les organes sexuels des espèces touchées perturbent significativement leur reproduction. Si la proportion atteinte par rapport à la population totale devenait trop importante, la survie des espèces concernées pourrait ne plus être assurée. La multiplication des dysfonctionnements reproducteurs chez un nombre toujours plus important d'espèces n'incite donc pas franchement à l'optimisme... d'où l'importance de se préoccuper enfin sérieusement de la question.
Au premier rang des molécules mises en cause, on trouve d'une part, les hormones naturelles (estradiol) et de synthèse (éthinylestradiol, issues des pilules contraceptives féminines) rejetées via les urines dans les eaux usées et non traitées en station d'épuration, et d'autre part, des composés chimiques mimant les effets des oestrogènes naturels (matières plastiques, détergents, pesticides organo-chlorés, hydrocarbures aromatiques, métaux notamment) résultant d'usages domestique, agricoles ou de pollutions industrielles, par déversement accidentel ou non, dans le milieu naturel. L'existence de synergies entre ces différentes molécules, potentiellement perturbantes pour la biologie de la reproduction des espèces concernées, n'est en outre pas exclue.

Pilule amère pour les poissons
Les substances à effets endocriniens, aussi appelées hormones environnementales ou xéno-oestrogènes, ont une action similaire à celle des hormones sexuelles féminines et sont notamment responsables de la féminisation des mâles de certaines espèces de poissons, en particulier le gardon (6) et la truite arc-en-ciel (7).
Malgré des concentrations très faibles, ces composés semblent en effet perturber de façon significative le fonctionnement du système endocrinien de ces animaux. Ainsi, la généralisation des pollutions pharmaceutiques serait, d'après le Conseil Supérieur de la Pêche (8), à l'origine de la féminisation de 40 % des gardons mâles de la Seine.
Les travaux conduits par les laboratoires d'éco-toxicologie de l'université du Havre en collaboration avec le Centre d'études environnementales de l'université de Sussex sur des populations de gardons en Haute-Normandie et en Angleterre (6) ont montré que le niveau d'inter-sexualisation des gardons semblait directement relié à la qualité des effluents des stations d'épuration rejetés en rivière (pollution urbaine et industrielle).
D'autres pathologies ont été observées sur ces mêmes populations, parmi lesquelles des infections parasitaires mettant en évidence une fragilisation de l'état sanitaire des poissons. En outre, ces infections étant responsables d'inflammations du système immunitaire et de dégénérescences de l'appareil reproducteur des gardons, elles pourraient masquer le phénomène d'inter-sexualisation précédemment détecté, faussant les estimations du nombre de gardons mâles atteints.
Les travaux conduits sur des populations de truites arc-en-ciel maintenues dans les effluents d'une station d'épuration suisse, en comparaison avec une population test en amont de la station, ont quant à eux permis de montrer que les hormones humaines naturelles et artificielles ne suffisaient pas, à elles seules, à expliquer l'ensemble des mutations sexuelles observées et que d'autres produits chimiques devaient être co-responsables des perturbations endocriniennes mises en évidence.
Pas forcément plus rassurant : des signes de féminisation ont été observés jusqu'en baie de Seine sur des populations p i s c i c o l e s p o u r t a n t p ê chées en mer (flets), alors que la dilution des polluants y est très importante. Même si la contamination de cette espèce a pu se produire en eaux douces, puisqu'elle ne fréquente le milieu marin qu'au moment de sa reproduction, des recherches complémentaires sur des poissons spécifiquement marins comme la limande sont envisagées.
Des souris et des hommes
Et l'homme dans tout ça ? Quels sont les risques pour la santé humaine ? Les investigations sont pour l'instant lacunaires et aucune conclusion formelle n'est encore disponible mais parmi les effets négatifs suspectés et donc plus précisément étudiés, on trouve l'altération de la fertilité masculine (dégradation de la qualité du sperme), ou l'exposition accrue aux cancers liés aux organes reproducteurs (testicules et seins).
Il semble en effet que l'impact de ces perturbateurs endocriniens ne se limite pas uniquement au système reproducteur mais puisse également affecter le système nerveux et intervenir dans les mécanismes de cancérisation.
En matière de perturbation des capacités reproductrices, les travaux de recherche conduits dans ce domaine ne concernent pas directement l'être humain mais les conclusions de certaines études menées chez la souris apportent des éléments d'interrogation pour ne pas dire d'inquiétude quant aux parallèles potentiels chez l'Homme.
Ainsi, une étude (9) différents courants sur la qualité du sperme de souris (oestrogènes naturels et environnementaux, rencontrés dans les légumes, le soja, le houblon, les produits nettoyants, peintures, herbicides et pesticides) a montré que tous les oestrogènes accéléraient le développement spermatique, en terme de stimulation de la mobilité et d'acquisition de fonctionnalité.
A première vue donc, rien de bien méchant, voire même une s t imulation de la fertilité... à ceci près que les hormones e n v i r o n nementales stimulent en plus la libération de l'enzyme permettant la pénétration de l'ovule. Or l'activation trop précoce de cette réaction risque de perturber voire d'empêcher la fécondation si elle se produit avant la rencontre avec l'ovule.
Une autre étude (10) sur un oestrogène chimique utilisé pour la fabrication de bouteilles plastiques a montré que l'exposition in utero à des doses proportionnellement équivalentes à celles rencontrées dans notre environnement entraînait une précocité sexuelle et un poids supérieur des souriceaux femelles n'ayant pas été en contact avec des souriceaux mâles pendant la durée de la gestation (11).
Cette découverte vient renforcer la suspicion pesant sur les oestrogènes environnementaux dans la fréquence de plus en plus élevée de précocité sexuelle constatée chez l'homme (puberté avancée des filles).
Sachant qu'il existe plus de 80000 produits chimiques répertoriés, en libre circulation ou presque, parmi lesquels l'Union Européenne a déjà identifié plus de 550 substances potentiellement perturbatrices du système hormonal humain et animal, personne n'ose plus aujourd'hui nier l'urgence à agir dans ce domaine !
Reste qu'il faudra aussi aller au-delà des rapports d'experts, pour mettre en place des modes de gestion des ressources à la hauteur des enjeux... Un "bon" exercice pratique de développement durable en perspective ?
Delphine Grelat
Chargée de mission
Pôle Ressources en Eau et Milieux Naturels Aquatiques
France Nature Environnement
1 - Gardon ( Rutilus rutilus ) c E.Vigneux
2 - Flet ( Platichthys flesus ) c E.Vigneux
(1)Entre autres : analgésiques, bétabloquants, tranquilisants, anti-épileptiques, antibiotiques, contraceptifs. Source : Le Quotidien du Médecin "les médicaments aussi risquent de polluer l'eau du robinet" D. Chardon, mars 2002.
(2) PNETOX : programme national d'écotoxicologie et ENIMED : effets non intentionnels des médicaments.
(3) Médecin chercheur au Centre de Recherche et de Contrôle des Eaux de Paris.
(4) Mollusque gastéropode.
(5) Le Quotidien du Médecin "la pollution modifie le sexe des poissons" S. de Jacquelot, avril 1999.