LE MONDE | 11.06.10 |
L'impact du recul des géants blancs du toit du monde, qui couvrent près de 60 000 km2,, a déjà fait l'objet de nombreux travaux. Ils soulignent combien les ressources en eau (donc les cultures irriguées et l'énergie produite par les barrages hydroélectriques) des 1,4 milliard d'habitants des bassins de l'Indus, du Gange, du Brahmapoutre, du Yang-Tsé et du fleuve Jaune sont tributaires de ces châteaux d'eau.
La nouvelle étude a le mérite de souligner la diversité des situations. La fonte des glaces et des neiges est loin d'être la seule - ni même la principale - source d'eau de ces régions qui, soumises au régime des moussons, sont surtout abreuvées par les pluies. Walter Immerzeel et ses collègues observent que les eaux de fonte jouent un rôle crucial pour l'Indus (dans la vallée, leur part dans le débit du fleuve est 1,5 fois supérieure à celle des précipitations) et, à un moindre degré, pour le Brahmapoutre (où le ratio est de 27 %). En revanche, la contribution des eaux de fonte au débit des autres grands fleuves ne dépasse pas 10 %.
Les chercheurs ont couplé un modèle hydrologique de fonte de neige et de ruissellement à un modèle de circulation générale, utilisé en climatologie, pour évaluer l'influence future du changement climatique (qui ne se réduit pas au réchauffement mais intègre les pluies, les nuages ou les vents) sur l'écoulement des fleuves.
Recul des glaciers
Sans tenir compte de précipitations plus abondantes (un air plus chaud est plus humide), les deux bassins les plus affectés, ceux de l'Indus et du Brahmapoutre, devraient connaître dans les années 2040 à 2060 une baisse de régime "régulière et considérable".
La raréfaction de l'eau menacerait alors la sécurité alimentaire de 34 millions d'habitants dans le bassin du Brahmapoutre, 26 millions dans celui de l'Indus, 7 millions dans celui du Yang-Tsé et 2,5 millions dans celui du Gange.
Cette modélisation ne convainc pas totalement Yves Arnaud, du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement de Grenoble. Il juge discutable le couplage des deux modèles, ainsi que l'assimilation de la neige et de la glace dans un même processus de fonte. Ce qui n'enlève rien à la réalité du recul des glaciers, ni au risque de tarissement des hautes sources himalayennes.