
A tel point que ce système en régie est à présent majoritaire dans le département. Certes, les trois grands opérateurs privés, Veolia (l'ancienne Générale des eaux), la Lyonnaise des eaux (filiale de Suez) et la Saur (filiale de Bouygues) gardent une très confortable avance à l'échelle nationale. Mais, sous la pression de collectivités désormais attentives, leurs marges financières pourraient se réduire. Et leurs parts de marchés suivre le mouvement.
Rébellion.
En matière d'eau, les années 1990 furent celles des scandales de corruption. Les années 2000 pourraient être celles de la rébellion. Pour Gabriel Garosi, président du syndicat intercommunal des eaux de Marsillon, «il est regrettable que des bénéfices puissent être faits sur une ressource aussi précieuse que l'eau. Il est normal que l'argent collecté soit réinvesti dans le service que l'on rend. Et puis, nous comptons réduire les délais d'intervention grâce à une petite structure de proximité». Au 1er janvier 2006, les vingt-quatre communes de son syndicat ne renouvelleront donc pas leur contrat avec la Saur. Elles passeront en régie, comme 56 % des communes du département.
Elles n'étaient pourtant que 35 % à avoir fait ce choix au milieu des années 1990, date à laquelle le conseil général, présidé par Henri Emmanuelli, a procédé à plusieurs études. «On s'est aperçu qu'il y avait un écart de 70 % sur le coût de l'eau entre la gestion en régie directe et la délégation du service public à une entreprise privée», explique son premier vice-président, Robert Cabé. Le conseil général décide alors de mettre en place un système de bonus-malus qui avantage les collectivités faisant le choix de la régie. Elles bénéficieront d'une subvention de 10 % supérieure aux autres.
A l'époque, le préfet attaque cette décision en justice. Mais, en décembre 2003, après huit années de bataille judiciaire, le conseil général obtient gain de cause devant le Conseil d'Etat. Fin des hostilités ? Pas tout à fait. Le sénateur du Cantal Pierre Jarlier (UMP), rapporteur à la Commission des lois, a récemment déposé un amendement au projet de loi sur l'eau pour empêcher la mise en oeuvre de ce genre de subvention. «Il faut préserver l'équité dans le choix des collectivités», soutient-il. Il ne manque pas de mettre en avant que lui-même, maire de Saint-Flour, a recours à une régie. «Mais soit on refuse de faire intervenir le privé dans la gestion de l'eau, soit on donne les mêmes chances à tout le monde. D'autant que le public n'a pas toujours les compétences nécessaires.»
«Fortunes».
Une analyse que rejoint forcément Bernard Guirkinger, PDG de la Lyonnaise des eaux, qui préside le syndicat professionnel regroupant les opérateurs privés : «L'important, c'est que la collectivité soit libre de choisir. Il n'est pas normal qu'il y ait une discrimination en fonction du mode de gestion. Cela brise les règles d'équité.» Au conseil général, Robert Cabé précise qu'«il ne s'agit pas d'exclure le privé. Le monopole du public pourrait aussi engendrer certaines dérives. Mais il faut mettre en concurrence les trois grands, qui ont bâti des fortunes sur le dos des usagers.»
Reste que si les compagnies privées ont tant prospéré, c'est aussi parce que pendant longtemps les communes n'ont pas voulu s'embarrasser de cette gestion. «Les maires redoutaient de faire apparaître un endettement excessif de leur commune et de voir des usagers manifester contre des redevances trop fortes, explique Yvan Stefanovitch, auteur de l'exhaustive enquête L'Empire de l'eau (1). Et puis les communes n'ont pas toujours les compétences.» Ce qui explique qu'en dehors de toute corruption certaines municipalités se sont fait berner par les juristes rodés des grandes compagnies. Pour pallier ce manque de connaissances, le conseil général des Landes a renforcé le Sidec (Syndicat mixte départemental d'équipement des communes), une structure à laquelle les communes peuvent transférer leurs prérogatives en matière d'eau.
Chute des prix .
Toutes ne le font pas. «Il y a des liens très anciens, des habitudes, explique Robert Cabé. Sans compter que souvent la compagnie d'eau participe historiquement à l'organisation d'événements culturels, ou sponsorise le club de foot local. Ce qui fait que certaines mairies rechignent. Mais même quand elles choisissent de poursuivre en délégation de service public, le fait que le Sidec concourt lors de l'appel d'offre fait considérablement chuter les prix.» L'écart, selon le conseil général, ne serait plus aujourd'hui que de 26 % dans les Landes (1,31 euro le mètre cube d'eau pour la régie, contre 1,56 au privé). Le conseil général espère le voir tomber à 5 %.
Les frondeurs des Landes vont-ils faire des petits partout en France ? Aujourd'hui, le privé distribue toujours 74 % de l'eau potable de l'Hexagone. Mais de nombreux contrats arrivent prochainement à échéance. De grandes villes ont déjà ou vont rejoindre ce système de régie (Cherbourg, Grenoble, Rouen, entre autres). Ce qui fait dire à Robert Cabé que le «rouleau compresseur est en marche».
(1) L'Empire de l'eau, Ed. Ramsay . - http://www.liberation.fr/page.php?Article=326088
Rébellion.
En matière d'eau, les années 1990 furent celles des scandales de corruption. Les années 2000 pourraient être celles de la rébellion. Pour Gabriel Garosi, président du syndicat intercommunal des eaux de Marsillon, «il est regrettable que des bénéfices puissent être faits sur une ressource aussi précieuse que l'eau. Il est normal que l'argent collecté soit réinvesti dans le service que l'on rend. Et puis, nous comptons réduire les délais d'intervention grâce à une petite structure de proximité». Au 1er janvier 2006, les vingt-quatre communes de son syndicat ne renouvelleront donc pas leur contrat avec la Saur. Elles passeront en régie, comme 56 % des communes du département.
Elles n'étaient pourtant que 35 % à avoir fait ce choix au milieu des années 1990, date à laquelle le conseil général, présidé par Henri Emmanuelli, a procédé à plusieurs études. «On s'est aperçu qu'il y avait un écart de 70 % sur le coût de l'eau entre la gestion en régie directe et la délégation du service public à une entreprise privée», explique son premier vice-président, Robert Cabé. Le conseil général décide alors de mettre en place un système de bonus-malus qui avantage les collectivités faisant le choix de la régie. Elles bénéficieront d'une subvention de 10 % supérieure aux autres.
A l'époque, le préfet attaque cette décision en justice. Mais, en décembre 2003, après huit années de bataille judiciaire, le conseil général obtient gain de cause devant le Conseil d'Etat. Fin des hostilités ? Pas tout à fait. Le sénateur du Cantal Pierre Jarlier (UMP), rapporteur à la Commission des lois, a récemment déposé un amendement au projet de loi sur l'eau pour empêcher la mise en oeuvre de ce genre de subvention. «Il faut préserver l'équité dans le choix des collectivités», soutient-il. Il ne manque pas de mettre en avant que lui-même, maire de Saint-Flour, a recours à une régie. «Mais soit on refuse de faire intervenir le privé dans la gestion de l'eau, soit on donne les mêmes chances à tout le monde. D'autant que le public n'a pas toujours les compétences nécessaires.»
«Fortunes».
Une analyse que rejoint forcément Bernard Guirkinger, PDG de la Lyonnaise des eaux, qui préside le syndicat professionnel regroupant les opérateurs privés : «L'important, c'est que la collectivité soit libre de choisir. Il n'est pas normal qu'il y ait une discrimination en fonction du mode de gestion. Cela brise les règles d'équité.» Au conseil général, Robert Cabé précise qu'«il ne s'agit pas d'exclure le privé. Le monopole du public pourrait aussi engendrer certaines dérives. Mais il faut mettre en concurrence les trois grands, qui ont bâti des fortunes sur le dos des usagers.»
Reste que si les compagnies privées ont tant prospéré, c'est aussi parce que pendant longtemps les communes n'ont pas voulu s'embarrasser de cette gestion. «Les maires redoutaient de faire apparaître un endettement excessif de leur commune et de voir des usagers manifester contre des redevances trop fortes, explique Yvan Stefanovitch, auteur de l'exhaustive enquête L'Empire de l'eau (1). Et puis les communes n'ont pas toujours les compétences.» Ce qui explique qu'en dehors de toute corruption certaines municipalités se sont fait berner par les juristes rodés des grandes compagnies. Pour pallier ce manque de connaissances, le conseil général des Landes a renforcé le Sidec (Syndicat mixte départemental d'équipement des communes), une structure à laquelle les communes peuvent transférer leurs prérogatives en matière d'eau.
Chute des prix .
Toutes ne le font pas. «Il y a des liens très anciens, des habitudes, explique Robert Cabé. Sans compter que souvent la compagnie d'eau participe historiquement à l'organisation d'événements culturels, ou sponsorise le club de foot local. Ce qui fait que certaines mairies rechignent. Mais même quand elles choisissent de poursuivre en délégation de service public, le fait que le Sidec concourt lors de l'appel d'offre fait considérablement chuter les prix.» L'écart, selon le conseil général, ne serait plus aujourd'hui que de 26 % dans les Landes (1,31 euro le mètre cube d'eau pour la régie, contre 1,56 au privé). Le conseil général espère le voir tomber à 5 %.
Les frondeurs des Landes vont-ils faire des petits partout en France ? Aujourd'hui, le privé distribue toujours 74 % de l'eau potable de l'Hexagone. Mais de nombreux contrats arrivent prochainement à échéance. De grandes villes ont déjà ou vont rejoindre ce système de régie (Cherbourg, Grenoble, Rouen, entre autres). Ce qui fait dire à Robert Cabé que le «rouleau compresseur est en marche».
(1) L'Empire de l'eau, Ed. Ramsay . - http://www.liberation.fr/page.php?Article=326088