La question de l’assainissement non collectif ne fait pas la une des médias, pourtant elle touche la vie quotidienne de milliers de Français. La Terre fait le point sur ce dossier sensible avec Jean-Louis Linossier, président de la Coordination nati

Jean-Louis Linossier : Ces usagers et leurs élus, ruraux ou périurbains, savent depuis toujours qu’ils ont la responsabilité du devenir de leurs eaux usées et des rejets dans le milieu, de manière à ne polluer ni la ressource en eau ni leur voisinage direct. Jusqu’à l’adoption des dernières lois sur l’eau, les collectivités locales avaient différé l’application de la réglementation. Elles ont été rappelées à l’ordre, notamment pour ce qui concerne la mise à jour du zonage - c’est-à-dire pour déterminer les zones qui sont sans assainissement, en assainissement collectif ou en assainissement non collectif, avec toutes les contraintes réglementaires qui en découlent. La Coordination des associations de consommateurs d’eau (CACE) partage le principe de cette réglementation, puisque sont but est de protéger la ressource en eau et d’éradiquer les pollutions engendrées par les activités humaines, quelles qu’elles soient.
Pourtant l’application de cette réglementation pose problème...
En effet. En fixant l’échéance de 2012 pour le contrôle de toutes les installations concernées par un SPANC (Service public d’assainissement non collectif), elle a provoqué une grande pagaille. Et le manque de précision, voire l’absence des décrets d’application de la loi n’a fait qu’aggraver la situation. D’autant que - c’est malheureusement souvent le cas - les collectivités locales ont cru bon de se défausser de leurs responsabilités en délégant la gestion de leur SPANC au privé. D’où un éventail de prix exorbitants pour un service qui, en outre, est souvent perçu par les usagers comme une violation de leur domaine privé. Du coup, ils contestent à la fois le coût de l’intervention, et l’agrément des intervenants. On leur dit que tout cela relève d’une législation de 1996 : mais quid de ceux dont l’installation est antérieure à cette date ? Que va-t-il arriver lorsque les décrets manquants - notamment ceux fixant les normes des installations et la qualification des contrôleurs agréés - vont être publiés ? Comment expliquer les disparités de prix pour des prestations similaires ? On a même vu des gens sommés de payer avant que le contrôle ait lieu - voire même avant la création du SPANC ! Je signale que dans de tels cas, des procès ont été gagnés. La confusion règne aussi du côté des usagers. Beaucoup de ceux qui relèvent de l’assainissement collectif ne savent pas qu’ils s’acquittent d’une facture en contrepartie de ce service ; facture que les usagers de l’assainissement non collectif ne paient pas, parce qu’ils ne bénéficient pas de ce service. En revanche la collectivité publique est responsable de l’efficacité de leur installation ; elle doit donc assumer cette responsabilité en organisant des contrôles... qui ne sont pas gratuits.
Est-ce le seul domaine dans lequel la CACE intervient ?
Non. Nous sommes nés dans les régions Rhône-Alpes et PACA, suite à des affaires d’abus sur le service public de l’eau, comme à Grenoble. L’idée était d’établir des synergies entre les expériences d’associations locales en lutte, sur les augmentations abusives des tarifs des distributeurs privés ou sur la tarification binomiale - c’est-à-dire le fait que la facture d’eau comprenne à la fois une partie fixe et une partie variable. La partie fixe (abonnement) entraîne un prix du m3 plus élevé pour ceux qui consomment moins, ce qui est un non-sens du point de vue de la préservation de la ressource. Nous regroupons entre 100 et 200 associations sur toute la France. Nous assurons également du conseil, par Internet ou par téléphone (linosse@wanadoo.fr ou 04.78.83.47.73). Notre audience réelle dépasse de fait la place que nous accordent en général les médias... Beaucoup d’organismes publics et officiels nous connaissent et nous respectent. Nos associations ont largement participé aux actions qui ont amené le retour de la gestion de l’eau et de l’assainissement en régie publique à Grenoble, à Tournon dans la Drôme, à Fraisse dans la Loire... A Lyon, l’ACER (Association des consommateurs d’eau du Rhône) est pour beaucoup dans la lutte qui a permis d’obtenir une baisse significative du tarif de l’eau (0,285 euro par m3), et la bataille se poursuit pour le retour en régie publique. A Saint-Etienne, nous avons gagné une baisse d’un euro par m3 avec effet rétroactif, et la condamnation à rembourser les usagers victimes de la facturation de « droits d’entrée » illégaux.
Vous ne vous intéressez donc pas seulement aux SPANC ?
Nous nous intéressons à la défense des usagers des services publics de distribution d’eau potable, de collecte et de traitement des eaux usées, de gestion et de protection de la ressource. Pour nous, l’eau n’est pas une marchandise mais un bien inaliénable de l’Humanité, dont l’accès doit être garanti à chacun comme un droit de l’Homme. En conséquence, nous affirmons que la régie publique est le mode de gestion le plus favorable aux usagers de l’eau, en privilégiant les régies à autonomie financière, car elles permettent la représentation des usagers dans les conseils d’administration ou d’exploitation. Une autre de nos revendications est d’obliger à la mise en place de commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL) dans toutes les collectivités locales, quelle que soit leur taille. Cela va de pair avec l’exigence de transparence, et notamment la possibilité pour les usagers d’avoir accès librement aux documents publics de gestion, dont aujourd’hui la rétention est malheureusement la règle. Bien sûr, on peut me dire qu’il y a la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs), mais son existence même constitue la preuve du manque de transparence des gestions publiques !
Le 6 juin vous avez organisé une « Aquarévolte » à Ternay (Rhône), sur le thème de « la justice pour défendre les usagers de l’eau ». Quel en était le but ?
L’Aquarévolte est une manifestation que nous organisons tous les ans depuis 1995. Il s’agissait, cette fois, d’informer nos adhérents des possibilités qu’offrent les tribunaux pour faire valoir leurs droits. Il faut bien choisir la juridiction, respecter un formalisme pas toujours facile à saisir, entre les tribunaux d’instance, les tribunaux administratifs, les appels, rédiger une requête, la procédure, les audiences, prendre un avocat ou non... Il faut savoir qu’aussi bien les collectivités locales que les délégataires, et souvent les deux ensemble dans des ententes contre nature, tentent de plus en plus d’éviter les jugements sur le fond en plaidant l’irrecevabilité des requêtes pour des motifs tels que le contenu des statuts de l’association plaignante... C’est une lutte du pot de terre contre le pot de fer, pour combattre les conséquences néfastes de contrats léonins signés en catimini par des élus locaux plus soucieux de leurs propres intérêts que de ceux des usagers qu’ils ont pourtant le devoir de défendre.