
Emmanuel Petit ne pensait pas endurer cela. Ancien dirigeant de Veolia (l'ex-Générale des Eaux), il avait dénoncé un présumé pot-de-vin à la justice française. Depuis, il subit des menaces. La dernière en date, il y a trois semaines, suit de peu une perquisition au siège de son ancien employeur: deux individus cagoulés s'introduisent à son domicile des Yvelines et tailladent son épouse avec un cutter. Ils dessinent une croix sur son abdomen. L'épouse est traumatisée par l'agression, le mari tente de faire front et de comprendre.
Emmanuel Petit était en charge du Moyen-Orient, ce nouvel eldorado des marchands de flotte, administrateur d'une filiale de Veolia, la Société internationale de dessalement d'eau de mer (SIDEM). Il raconte qu'à l'occasion d'un contrat de construction d'une usine clé-en-main de dessalement à Abu Dhabi, d'une valeur de 200 millions de dollars, une commission de 18 millions aurait été versée par Veolia et/ou Total, co-lauréats du chantier. Et de suggérer une piste pour le transit de cet argent douteux: «Une société de génie civil slovène qui pratique la surfacturation.» Il l'écrit en novembre 2004 dans un courrier au procureur de la République de Paris et au juge d'instruction Philippe Courroye, déjà en charge d'une affaire Total au Moyen-Orient.
«5, 4, 3, 2, 1...»
Licencié pour faute grave par Veolia (un motif requalifié par les Prudhommes en cause réelle et sérieuse), il reçoit très vite quelques messages explicites. Une croix rouge peinte sur la porte de sa maison; un cercueil dessiné sur le portail d'entrée du pavillon; une mention «t'es mort» sur la fenêtre; l'inscription «5, 4, 3, 2, 1...» sur la poubelle. Emmanuel Petit porte plainte au commissariat pour menaces de mort. Elle est classée sans suite en mai 2005, faute d'avoir pu en identifier les auteurs. Les menaces s'estompent.
Constatant que sa dénonciation de la commission de 18 millions ne débouche sur rien, Petit revient à la charge en juillet 2005 et porte plainte avec constitution de partie civile, obligeant le doyen des juges d'instruction à ouvrir une information judiciaire. On lui pinaille sa qualité de victime, il exhibe la propriété d'une action SIDEM, héritée du temps où il en était l'administrateur. Un juge parisien est finalement désigné, qui le reçoit en mars 2006.
C'est reparti: Emmanuel Petit reçoit des mots glissés sous le paillasson ou le pare-brise. «Ferme-la», «T'es mort». A la mi-juin, des policiers enquêteurs perquisitionnent chez Veolia. «Même pas peur du capitaine», ironise un dernier message anonyme avant l'arrivée des deux encagoulés maniant le cutter. Emmanuel Petit s'interroge: «Si je suis dangereux pour eux, pourquoi ne m'éliminent-ils pas? Veulent-ils simplement signifier que je ne suis qu'un petit mec qui me compte pas?» Il a reporté plainte pour menaces. Affaire à suivre.
Par Renaud LECADRE
LIBERATION.FR : Mardi 11 juillet 2006 - 13:00
Emmanuel Petit était en charge du Moyen-Orient, ce nouvel eldorado des marchands de flotte, administrateur d'une filiale de Veolia, la Société internationale de dessalement d'eau de mer (SIDEM). Il raconte qu'à l'occasion d'un contrat de construction d'une usine clé-en-main de dessalement à Abu Dhabi, d'une valeur de 200 millions de dollars, une commission de 18 millions aurait été versée par Veolia et/ou Total, co-lauréats du chantier. Et de suggérer une piste pour le transit de cet argent douteux: «Une société de génie civil slovène qui pratique la surfacturation.» Il l'écrit en novembre 2004 dans un courrier au procureur de la République de Paris et au juge d'instruction Philippe Courroye, déjà en charge d'une affaire Total au Moyen-Orient.
«5, 4, 3, 2, 1...»
Licencié pour faute grave par Veolia (un motif requalifié par les Prudhommes en cause réelle et sérieuse), il reçoit très vite quelques messages explicites. Une croix rouge peinte sur la porte de sa maison; un cercueil dessiné sur le portail d'entrée du pavillon; une mention «t'es mort» sur la fenêtre; l'inscription «5, 4, 3, 2, 1...» sur la poubelle. Emmanuel Petit porte plainte au commissariat pour menaces de mort. Elle est classée sans suite en mai 2005, faute d'avoir pu en identifier les auteurs. Les menaces s'estompent.
Constatant que sa dénonciation de la commission de 18 millions ne débouche sur rien, Petit revient à la charge en juillet 2005 et porte plainte avec constitution de partie civile, obligeant le doyen des juges d'instruction à ouvrir une information judiciaire. On lui pinaille sa qualité de victime, il exhibe la propriété d'une action SIDEM, héritée du temps où il en était l'administrateur. Un juge parisien est finalement désigné, qui le reçoit en mars 2006.
C'est reparti: Emmanuel Petit reçoit des mots glissés sous le paillasson ou le pare-brise. «Ferme-la», «T'es mort». A la mi-juin, des policiers enquêteurs perquisitionnent chez Veolia. «Même pas peur du capitaine», ironise un dernier message anonyme avant l'arrivée des deux encagoulés maniant le cutter. Emmanuel Petit s'interroge: «Si je suis dangereux pour eux, pourquoi ne m'éliminent-ils pas? Veulent-ils simplement signifier que je ne suis qu'un petit mec qui me compte pas?» Il a reporté plainte pour menaces. Affaire à suivre.
Par Renaud LECADRE
LIBERATION.FR : Mardi 11 juillet 2006 - 13:00