Une étude publiée sur Internet par le ministère de l'Écologie pointe le coût très élevé du traitement des pollutions agricoles. Elle prône une diminution des épandages.
« Les pollutions agricoles génèrent des dépenses supplémentaires annuelles comprises entre 640 et 1 140 millions d'euros pour les ménages français », indique un rapport du Commissariat général au développement durable (CGDD), un service du ministère de l'Écologie et de l'Environnement.
La facture totale pourrait grimper à 1,6 milliard d'euros en incluant le nettoyage des plages souillées par les algues vertes, la consommation d'eau en bouteille, le coût du contentieux entre l'État et Bruxelles sur la qualité des eaux...
Pour réaliser leur étude, les deux experts ont collecté des données auprès des Agences de l'eau, du ministère de l'Agriculture et de l'ASTEE, l'association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement. Les rejets de nitrates dans les rivières et sur le littoral atteignent 806 000 tonnes « dont environ 715 000 tonnes proviennent de l'agriculture et de l'élevage, soit 88,7 % ».
Manque de volonté politique
Ils estiment « entre 120 et 360 millions d'euros » les dépenses des collectivités pour abaisser les teneurs en nitrates. Leur traitement dans les stations d'eaux usées est estimé « entre 100 et 150 millions ». Le rapport n'a pas pris en compte les rejets en phosphore, mais note « que les excédents se seraient divisés par trois en quelques années ».
L'étude ne donne pas de volume global des rejets de pesticides, mais constate leur présence dans 90 % des 1 097 points d'analyses de l'eau. « Cela traduit une dispersion importante des pesticides et une présence généralisée dans les milieux aquatiques. »
Les auteurs ressortent les observations d'une Cour des comptes pas très tendre avec la politique de l'eau en France. « Des pays ou des régions comme le Danemark et la Bavière, en Allemagne, sont parvenus, en responsabilisant leurs agriculteurs, à réduire de 30 % leurs consommations d'azote et de pesticides au bénéfice de la qualité de leurs eaux, tandis que la France a généralisé des pratiques de traitement de ces pollutions à l'entrée des réseaux d'eau potable ». Selon la Cour, ces pratiques s'avèrent 2,5 fois plus coûteux au mètre cube et sans résultats probants.
Elle pointe : « L'insuffisante volonté de remettre en cause des pratiques agricoles durablement marquées par l'encouragement au productivisme et le choix d'une agriculture intensive. » Pour les auteurs, la conclusion s'impose : « Les coûts très élevés pour le traitement a posteriori des milieux aquatiques font ressortir l'intérêt d'agir en amont pour réduire à la source les épandages. »
Nitrates. Le décret qui fâche Eau et Rivières
Un décret assouplissant les normes d'épandage des effluents d'élevage est paru, hier, au Journal officiel. L'association Eau et Rivières va attaquer ce nouveau décret nitrates, qui, selon elle, «relève les plafonds d'épandage d'azote».
Le projet de nouveau décret nitrate avait soulevé une vague de protestations, en Bretagne, au printemps, particulièrement au sein des communes littorales. Ce «relèvement déguisé» des plafonds d'épandage était considéré comme incohérent et en contradiction avec le Plan algues vertes [le Parlement européen prend le dossier en main]. En pratique, selon Eau et Rivières, ce décret ministériel relatif au programme de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates entérine un nouveau mode de calcul des plafonds d'épandage. Le seuil est toujours fixé à 170kg d'azote par ha. Mais, jusqu'alors, était prise en compte la surface potentiellement épandable (déduction faite des surfaces à proximité des cours d'eau, du littoral ou des tiers). Désormais, c'est la totalité de la SAU (surface agricole utile) de leur exploitation qui sert de référence.
«20% d'azote en plus»
Conséquence, selon l'association: une augmentation de 20% des quantités d'azote épandues sur les sols. «Ce décret va rendre encore plus difficile la reconquête de la qualité des eaux exigée par la directive-cadre sur l'eau», estime JoHervé, président d'Eau et Rivières. «Et ce, alors que la commission européenne exige de la France des explications sur sa politique de prévention des marées vertes». «On voudrait plomber la politique de l'eau et ne pas atteindre le bon état des eaux exigé par les directives européennes, on ne s'y prendrait pas autrement», ajoute Jean-François Piquot, porte-parole de l'association. «C'est un déni des efforts financiers des Bretons pour se débarrasser des marées vertes. La facture annuelle des pollutions agricoles, déjà évaluée à 215 € par personne, risque encore de grimper». Considérant que ce décret viole le principe constitutionnel de précaution et ignore les recommandations de la Cour des comptes, l'association Eau et Rivières annonce qu'elle engage un recours devant le Conseil d'État pour le faire annuler.
Une harmonisation européenne
«Ce décret ne change rien concrètement», affirme JacquesCrolais, directeur de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne. «Il s'agit d'une simple harmonisation de critère de référence au niveau européen. Sur le terrain, cela ne modifie pas les pratiques d'épandage. De fait, l'éleveur doit présenter, dans son dossier, un plan d'épandage prenant en compte l'aptitude des sols à recevoir de l'azote (pente, proximité des rivières ou du voisinage...) et respectant l'équilibre de fertilisation pour chaque parcelle, entre les apports d'azote et les besoins des cultures. Tout dossier qui ne respecte pas ces règles-qui ont été reprises intégralement dans le décret - est rejeté. Tout ceci n'est donc que de la polémique». «C'est vrai qu'on ne mettra pas d'azote sur les surfaces qui ne sont pas aptes à en recevoir. Il n'empêche qu'on en mettra plus sur les autres, compte tenu de cette nouvelle méthode de calcul», répond Eau et Rivières.
Hervé Queillé
Algues vertes. Le Parlement européen prend le dossier en main
Hier, un collectif de députés européens bretons a saisi la commission des pétitions du Parlement européen au sujet des algues vertes. Cette commission, composée d'élus de tous les groupes politiques, va, dans un premier temps, faire remonter le dossier et contraindre la Commission européenne d'expliquer comment elle traite ce contentieux. Une délégation d'élus européens se rendra ensuite en Bretagne sur les sites touchés par les marées d'algues vertes. Cette médiation a pour but d'éviter à la France une nouvelle condamnation à des sanctions pécuniaires par la Justice européenne. Paris avait, en effet, déjà été condamné par la Cour européenne de justice pour non-respect de la législation européenne sur les nitrates. Cette fois-ci, les élus écologistes français dénoncent le refus des autorités françaises de s'attaquer aux causes des marées d'algues vertes: la concentration d'élevages intensifs sur quelques sites et des épandages massifs d'azote. «Les gens attendent la résolution du problème», a souligné l'un des élus du collectif, Guy Hascoët, président du groupe des élus Europe Écologie Les Verts au conseil régional de Bretagne. «Il faut que le droit européen s'applique», a, pour sa part, réclamé Yves Marie Le Lay, président de la fédération d'associations «Sauvegarde du Trégor».
Alain Cadec contre la démarche
La lutte contre les marées d'algues vertes dépasse les clivages politiques au Parlement européen mais les démarches restent néanmoins antagonistes. Ainsi, l'eurodéputé conservateur breton Alain Cadec (UMP) plaide pour un «plan d'action européen», car le phénomène touche également la Baltique, la lagune de Venise et le delta du Pô en Italie. Il a précisé être opposé à la démarche des Verts. Alain Cadec s'est, par ailleurs, inscrit contre la «remise en cause radicale du modèle agricole» réclamée par l'eurodéputé vert José Bové alors que la Commission européenne doit présenter aujourd'hui ses propositions pour réformer la Politique agricole commune
« Les pollutions agricoles génèrent des dépenses supplémentaires annuelles comprises entre 640 et 1 140 millions d'euros pour les ménages français », indique un rapport du Commissariat général au développement durable (CGDD), un service du ministère de l'Écologie et de l'Environnement.
La facture totale pourrait grimper à 1,6 milliard d'euros en incluant le nettoyage des plages souillées par les algues vertes, la consommation d'eau en bouteille, le coût du contentieux entre l'État et Bruxelles sur la qualité des eaux...
Pour réaliser leur étude, les deux experts ont collecté des données auprès des Agences de l'eau, du ministère de l'Agriculture et de l'ASTEE, l'association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement. Les rejets de nitrates dans les rivières et sur le littoral atteignent 806 000 tonnes « dont environ 715 000 tonnes proviennent de l'agriculture et de l'élevage, soit 88,7 % ».
Manque de volonté politique
Ils estiment « entre 120 et 360 millions d'euros » les dépenses des collectivités pour abaisser les teneurs en nitrates. Leur traitement dans les stations d'eaux usées est estimé « entre 100 et 150 millions ». Le rapport n'a pas pris en compte les rejets en phosphore, mais note « que les excédents se seraient divisés par trois en quelques années ».
L'étude ne donne pas de volume global des rejets de pesticides, mais constate leur présence dans 90 % des 1 097 points d'analyses de l'eau. « Cela traduit une dispersion importante des pesticides et une présence généralisée dans les milieux aquatiques. »
Les auteurs ressortent les observations d'une Cour des comptes pas très tendre avec la politique de l'eau en France. « Des pays ou des régions comme le Danemark et la Bavière, en Allemagne, sont parvenus, en responsabilisant leurs agriculteurs, à réduire de 30 % leurs consommations d'azote et de pesticides au bénéfice de la qualité de leurs eaux, tandis que la France a généralisé des pratiques de traitement de ces pollutions à l'entrée des réseaux d'eau potable ». Selon la Cour, ces pratiques s'avèrent 2,5 fois plus coûteux au mètre cube et sans résultats probants.
Elle pointe : « L'insuffisante volonté de remettre en cause des pratiques agricoles durablement marquées par l'encouragement au productivisme et le choix d'une agriculture intensive. » Pour les auteurs, la conclusion s'impose : « Les coûts très élevés pour le traitement a posteriori des milieux aquatiques font ressortir l'intérêt d'agir en amont pour réduire à la source les épandages. »
Nitrates. Le décret qui fâche Eau et Rivières
Un décret assouplissant les normes d'épandage des effluents d'élevage est paru, hier, au Journal officiel. L'association Eau et Rivières va attaquer ce nouveau décret nitrates, qui, selon elle, «relève les plafonds d'épandage d'azote».
Le projet de nouveau décret nitrate avait soulevé une vague de protestations, en Bretagne, au printemps, particulièrement au sein des communes littorales. Ce «relèvement déguisé» des plafonds d'épandage était considéré comme incohérent et en contradiction avec le Plan algues vertes [le Parlement européen prend le dossier en main]. En pratique, selon Eau et Rivières, ce décret ministériel relatif au programme de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates entérine un nouveau mode de calcul des plafonds d'épandage. Le seuil est toujours fixé à 170kg d'azote par ha. Mais, jusqu'alors, était prise en compte la surface potentiellement épandable (déduction faite des surfaces à proximité des cours d'eau, du littoral ou des tiers). Désormais, c'est la totalité de la SAU (surface agricole utile) de leur exploitation qui sert de référence.
«20% d'azote en plus»
Conséquence, selon l'association: une augmentation de 20% des quantités d'azote épandues sur les sols. «Ce décret va rendre encore plus difficile la reconquête de la qualité des eaux exigée par la directive-cadre sur l'eau», estime JoHervé, président d'Eau et Rivières. «Et ce, alors que la commission européenne exige de la France des explications sur sa politique de prévention des marées vertes». «On voudrait plomber la politique de l'eau et ne pas atteindre le bon état des eaux exigé par les directives européennes, on ne s'y prendrait pas autrement», ajoute Jean-François Piquot, porte-parole de l'association. «C'est un déni des efforts financiers des Bretons pour se débarrasser des marées vertes. La facture annuelle des pollutions agricoles, déjà évaluée à 215 € par personne, risque encore de grimper». Considérant que ce décret viole le principe constitutionnel de précaution et ignore les recommandations de la Cour des comptes, l'association Eau et Rivières annonce qu'elle engage un recours devant le Conseil d'État pour le faire annuler.
Une harmonisation européenne
«Ce décret ne change rien concrètement», affirme JacquesCrolais, directeur de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne. «Il s'agit d'une simple harmonisation de critère de référence au niveau européen. Sur le terrain, cela ne modifie pas les pratiques d'épandage. De fait, l'éleveur doit présenter, dans son dossier, un plan d'épandage prenant en compte l'aptitude des sols à recevoir de l'azote (pente, proximité des rivières ou du voisinage...) et respectant l'équilibre de fertilisation pour chaque parcelle, entre les apports d'azote et les besoins des cultures. Tout dossier qui ne respecte pas ces règles-qui ont été reprises intégralement dans le décret - est rejeté. Tout ceci n'est donc que de la polémique». «C'est vrai qu'on ne mettra pas d'azote sur les surfaces qui ne sont pas aptes à en recevoir. Il n'empêche qu'on en mettra plus sur les autres, compte tenu de cette nouvelle méthode de calcul», répond Eau et Rivières.
Hervé Queillé
Algues vertes. Le Parlement européen prend le dossier en main
Hier, un collectif de députés européens bretons a saisi la commission des pétitions du Parlement européen au sujet des algues vertes. Cette commission, composée d'élus de tous les groupes politiques, va, dans un premier temps, faire remonter le dossier et contraindre la Commission européenne d'expliquer comment elle traite ce contentieux. Une délégation d'élus européens se rendra ensuite en Bretagne sur les sites touchés par les marées d'algues vertes. Cette médiation a pour but d'éviter à la France une nouvelle condamnation à des sanctions pécuniaires par la Justice européenne. Paris avait, en effet, déjà été condamné par la Cour européenne de justice pour non-respect de la législation européenne sur les nitrates. Cette fois-ci, les élus écologistes français dénoncent le refus des autorités françaises de s'attaquer aux causes des marées d'algues vertes: la concentration d'élevages intensifs sur quelques sites et des épandages massifs d'azote. «Les gens attendent la résolution du problème», a souligné l'un des élus du collectif, Guy Hascoët, président du groupe des élus Europe Écologie Les Verts au conseil régional de Bretagne. «Il faut que le droit européen s'applique», a, pour sa part, réclamé Yves Marie Le Lay, président de la fédération d'associations «Sauvegarde du Trégor».
Alain Cadec contre la démarche
La lutte contre les marées d'algues vertes dépasse les clivages politiques au Parlement européen mais les démarches restent néanmoins antagonistes. Ainsi, l'eurodéputé conservateur breton Alain Cadec (UMP) plaide pour un «plan d'action européen», car le phénomène touche également la Baltique, la lagune de Venise et le delta du Pô en Italie. Il a précisé être opposé à la démarche des Verts. Alain Cadec s'est, par ailleurs, inscrit contre la «remise en cause radicale du modèle agricole» réclamée par l'eurodéputé vert José Bové alors que la Commission européenne doit présenter aujourd'hui ses propositions pour réformer la Politique agricole commune