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L'EAU de CORSE

Plongée en eaux troubles en Corse : grande enquête parue le 1er août

Inquiétudes : Alors que des menaces pèsent sur la ressource, les corses paient le prix fort de l'eau

Alors que la problématique de l'eau revêt une dimension mondiale, la Corse n'échappe pas à la lame de fond qui touche cette ressource, essentielle pour la vie.



Titres

  • L'arnaque de l'eau
  • Factures d'eau. Le prix fort en Corse
  • Eaux... Rapports !
  • Assainissement. La guerre des roseaux
  • kyrnolia, une entreprise de... séduction
  • Sarko : une équipe de la plus belle eau
  • La Corse risque de connaître des problèmes de qualité et de quantité de la ressource "eau"
  • Office hydraulique, communes, sociétés privées. Les batailles politiques...
  • « Notre métier, ce n'est pas seulement construire des barrages"
  • Corte joue la carte de l'indépendance
  • Quand l'eau ne coule plus de source
  • « Le réchauffement climatique a aussi des conséquences écologiques"
  • « Au bout du compte, on parvient à obtenir de l'eau de bonne qualité"
  • L'association acqua linda veut de l'eau pure

Plongée dans des eaux décidément troubles...

Plongée en eaux troubles en Corse : grande enquête parue le 1er août
La planète se dirige-t-elle vers une "guerre de l'eau" ? Plus d'un milliard de personnes, essentiellement dans le tiers-monde, ne disposent pas du moindre accès à l'eau salubre, un tiers de la population du globe est privée de l'eau potable, 2,5 milliards d'individus n'ont pas d'installations d'assainissement dignes de ce nom.

Conséquences : chaque jour, 34 000 personnes décèdent pour avoir contracté des maladies liées à la mauvaise qualité de leur eau ; chaque année l'eau contaminée tue 600 000 enfants.

Enjeu majeur pour le futur, l'or bleu est aussi une ressource de plus en plus rare, de plus en plus chère. La Corse n'échappe pas à cette problématique globale. Contrairement à une idée reçue, l'ïle ne parvient pas réellement à maîtriser la gestion de cette ressource essentielle à la vie.

Comme partout ailleurs, fleuves et rivières s'assèchent. Comme partout ailleurs, le réchauffement climatique pèse sur le débit des cours d'eau. Comme partout ailleurs, les politiques menées pour sortir de la crise tâtonnent, sont incertaines soumises à des intétrêts contradictoires. Comme partout ailleurs, les grands grands groupes privés s'affirment comme les acteurs incontournables d'un dossier qui concerne tout un chacun.

L'arnaque de l'eau

L'equipe d'experts aux colloques de Calvi, Ajaccio, Porto-Vecchio,organisés par Acqua-linda, ACME et France-Libertés avec (de G à D) M.Montgermont, Mme Mitterrand, Mme Demathieu, M. Santoni, M. Rossi, M. du Fau de Lamothe, M. Linossier, M. Touly
L'equipe d'experts aux colloques de Calvi, Ajaccio, Porto-Vecchio,organisés par Acqua-linda, ACME et France-Libertés avec (de G à D) M.Montgermont, Mme Mitterrand, Mme Demathieu, M. Santoni, M. Rossi, M. du Fau de Lamothe, M. Linossier, M. Touly
Surfacturations, contrats rétroactifs, factures sans service, la gestion des services de l'eau fonctionne comme une véritable pompe à fric.

"La Corse ne connaît hélas aucune spécificité en matière de gestion de l'eau !"

La remarque ironique ne vient pas d'un élu, lassé des pratiques des opérateurs privés du secteur de l'eau dans l'île, mais de Patrick du Fau de Lamothe. Cet expert-comptable, pillier de l'association bordelaise Transcub a mené l'une des plus féroces batailles de l'eau jamais engagée en France par des usagers contre les grands groupes du secteur.

"Après 10 années de combats juridiques, nous sommes parvenus à faire restituer plus de 300 millions d'euros de sommes trop perçues par la Lyonnaise" explique-t-il ? A la toussaint 2004 un séjour dans l'île lui a permis de mesurer l'ampleur de la situation " ni pire ni meilleur qu'ailleurs, juste catastrophique" estime-t-il.


Sac à malices

A Bonifacio, la qualité du service n'est pas toujours au rendez-vous.
A Bonifacio, la qualité du service n'est pas toujours au rendez-vous.
Des tours dans leur sac à malices, les sociétés corses de l'eau adossées aux grands groupes privés semblent en avoir plus d'un, comme celui qui consiste à surdimensionner systématiquement les bassins d'épuration, calibrés et facturés uniquement en fonction du pic de fréquention estivale.

Mais elles savent se montrer aussi plus fines. Conclusion de contrats d'une complexité phénomènale, rétroactivité des conventions, prêts à des taux bondisssants. "Elles assurent en règle générale un bon service, mais les conditions dans lesquelles elles peuvent travailler sont souvent très discutables " estime André Vallat. L'ancien Président de la Chambre régionale des Compte est à l'origine des rapports les plus saignants consacrés à la gestion de l'eau en Corse. Aujourd'hui, il estime que " les plus petites collectivités ne disposent des armes nécessaires pour se faire entendre par les sociétés privées et qu'elles se retrouvent souvent pieds et poings liés face à une mécanique financière qui les dépasse, privées d'outils de contrôle et de moyens d'expertise".

Peu de villes en Corse échappent aux critiques sur leur gestion de l'eau. En cause les pratiques des opérateurs privés du secteur ou les mauvaises habitudes contractées par les prestataires. A Bonifacio, la qualité du service n'est pas toujours au rendez-vous. A Bastia, certains consommateurs se plaignent des pratiques de l'Office Hydraulique. A Porto Vecchio, le contrat liant la municipalité au prestataire privé pour l'approvisionnement en eau potable - déjà vertement critiqué par la Chambre régionale des Comptes- a tout bonnement conclu ... rétroactivement ! Une disposition à la légalité douteuse sur laquelle la municipalité a refusé de répondre à plusieurs associations.

"A Calvi", explique Jean-Luc Touly, syndicaliste et ancien salarié de Véolia, " les prix ont été multipliés par cinq depuis que l'opérateur privé a pris le marché que gérait auparavant l'office Hydraulique".

Comment en est-on arrivé là ?
Contre les dérives, le législateur avait tout prévu... sauf la réactivité des grands groupes au début des années 90. La multiplication des scandales financiers, liées notamment aux marchés de l'eau fait bouillir les crânes. Le peuple gronde. Il faut légisférer. Plusieurs projets sont discutés.

En Corse, les sociétés privées voient d'un mauvais oeil les nouvelles conditions dans lesquelles risquent d'être passées les appels d'offre. Elles se mettent en ordre de bataille. Et se montrent visiblement convaincaintes.

Fin 92, la municipalité d'Ajaccio décide d'interrompre les deux contrats qui la lient à la CEO jusqu'à la fin 1994. Le 3 décembre 1992, une nouvelle convention est signée pour une durée de 25 ans... plus du double de la durée recommandée pour un tel marché public.

Coïncidence ? Quelques semaines plus tard, le 29 janvier 1993 est votée la loi Sapin qui aurait dû l'obliger à une mise en concurrence du marché de l'eau à l'expiration du contrat avec la CEO.

Au mois d'avril suivant, la CEO décroche une nouvelle timbale : la prorogation pour dix ans supplémentaires du marché de l'assainissement. Comment ? En faisant valoir que les négociations avaient été engagées avant la promulgation de la loi Sapin...

Pour convaincre les élus ajacciens, la société n'a pas hésité à ouvrir son porte-feuille. Au terme du nouveau contrat, elle s'engage à verser pas moins de 35 millions de francs (5,3 millions d'euros à la commune d'Ajaccio.) 20 millions (3,5 millions d'euros) seront versés sur compte spécial travaux et les 15 millions restants, (2,25 millions d'euros) iront quant à eux au budget général de la ville - une disposition "limite" au regard de la loi.

Un cadeau?
Pas vraiment : un "prêt" très intéressé. Car les 35 millions de francs seront finalement remboursés par les usagers de l'eau, alors que près de la moitié de cette somme a été versée à la commune, en contradiction du principe "l'eau paie l'eau". Il y a mieux : Pour amortir le "prêt", une prime fixe semestrielle de 45 francs (6,80 euros) est facturée par compteur. Sur la base des 30 000 compteurs inventoriés fin 1992 - date de renouvellement du contrat - cette prime rapporte plus de 400 000 euros par an à la CEO, soit 10 millions d'euros au terme de la convention en 2017! Le tout, pour "rembourser" 2,25 millions d'euros...

Faire payer un service et une consommation qui n'existent pas ? Impensable ! Et pourtant. Le cas de la Compagnie générale des Eaux à Bastia est significatif. Jusqu'en 2000, la multinationale est prestataire du service public pour le district de Bastia, devenu depuis la communauté d'agglomération bastiaise. Jusque-là, rien d'anormal. Ce qui l'est davantage, c'est que les usagers soient contractuellement contraints de débourser l'équivalent d'une consommation de 72 m3 d'eau à la signature du contrat. Sans aucun service ni aucune contrepartie de la part du fournisseur. Un simple droit d'entrée... Cette disposition, prévue à l'article 15 du contrat d'affermage de l'époque est présentée comme "un dépôt de garantie".
En théorie, la somme retourne à l'abonné à la fin de son contrat. Dans les faits, c'est un autre mécanisme qui se met en place, comme l'explique un abonné dans une lettre
adressée fin mai 2007 au procureur de la République de Bastia.

" Mon abonnement envers la société se terminant le 31 décembre 2001, j'aurais dû faire l'objet d'un remboursement. Or, non seulement ce remboursement ne m'a jamais été adressé, mais j'aurais eu droit et ce pour solde de tout compte, à une dernière facture de 17,63 euros représentant la consommation de 17 m3 alors que, selon toute logique, la société m'était encore redevable de la différence entre 72-17 = 55 m3 soit 207,24 euros que j'ai réclamés par LRAR du 11 avril 2007, lettre demeurée sans réponse..."

Décidément tatillon - et très observateur - notre abonné furieux affirme que la situtation n'a guère changé depuis le passage du service de l'eau dans le giron public avec l'entrée en scène de l'Office Hydraulique. "Le réglement du service de l'eau potable" écrit-il dans le même courrier adressé à la justice "n'est que la copie conforme que celui de la CGE !" Celui-ci comporte en effet une nouveauté de taille : le montant du dépôt de garantie est portée à une somme équivalant à la consommation de 150 m3 d'eau.
"Une autre escroquerie ! " s'emporte l'abonné puisque selon lui, "la loi interdit les demandes de caution ou de versement de dépôts de garantie ! ".


Public, privé même combat ?
Retour à Ajaccio. La création en 2001 de la communauté d'agglomération du Pays Ajaccien (CAPA), va booster le système déjà bien rodé en vigueur dans la cité impériale. En 2004, par un simple avenant au contrat qui lie Ajaccio et la CEO et C2E2, une autre société privée locale, toutes les communes se retrouvent désormais clientes "obligées" de la société pour l'affermage du service de l'eau. Sur le papier, rien à redire. Comme le note une très complète étude menée par l'association Attac Ajaccio, "dès lors que la CAPA s'est vue attribuer la compétence "optionnelle" distribution de l'eau potable, elle devient le co-contractant de droit des délégataires de ces services publics". Mais le rapport précise, deux paragraphes plus loin, que " le recours a la formule de l'avenant revient à éviter la concurrence."

Problème : le code des marchés publics interdits à un banal avenant de modifier un contrat sauf en cas de problèmes techniques imprévus.

Ce fameux avenant de 2004 est décidément très instructif. Le document ne se contente pas d'étendre "le bénéfice" des services des prestataires privés aux habitants de tout le pays ajaccien. Il supprime aussi, petit cadeau, la participation de 1,5 % du montant des recettes de la vente de l'eau que la CEO devait auparavant reverser à la commune pour assurer le contrôle des équipements. Il est vrai que la ville ne s'était pas vraiment acquittée de sa tâche avec brio... Plus fort encore, son article 11.1 entraine la clôture du "compte de renouvellement" institué 12 ans plus tôt. En 1992, le contrat initial avait en effet prévu que les sommes seraient consignées par la ville pour renouveler les infrastructures. A la fin du contrat, le solde devait revenir à Ajaccio. Elles resteront finalement la propriété du " fermier", la CEO qui empoche sans coup férir les 270 000 euros que lui a versés la municipalité ! Raison invoquée : le nouveau "contrat" n'est que la continuation du précédent.

Est-ce la raison pour laquelle les collectivités se montrent si réticentes à communiquer leurs contrats ? Au cours de notre enquête, différentes demandes ont été adressées à plusieurs collectivités locales, groupements intercommunaux ou municipalités. Elles sont toutes tombées à l'eau.

Une anecdote résume le malaise de certains élus face au scandale de l'eau. A l'automne 2005, une délégation d'experts est reçue en Corse. Parmi les spécialistes, Jean-Luc Touly et Patrick du Fau de Lamothe. A l'occasion de leur étape Ajaccienne, les deux hommes demandent la communication du contrat passé entre la CAPA et les prestataires privés.

"On nous réserve le meilleur accueil, on nous invite au restaurant, on nous explique que tous les dossier nous sont ouverts" se souvient Jean-Luc Touly.

Rendez-vous est pris pour le lendemain matin à la mairie d'Ajaccio. Déconvenue : le personnel de la municipalité explique aux intéressés n'avoir pas été prévenu de leur venue et leur conseillent de s'adresser à la CAPA. Au Pays Ajaccien, même son de cloche ! Et un responsable de la CAPA renvoie les deux experts à la mairie d'Ajaccio. Le manège va durer ainsi une bonne partie de la journée, jusqu'à l'apparition d'une caméra de FR3 Corse. La situation se débloque miraculeusement. On remet les contrats -sous pli- aux importuns. Dans l'avion, Jean-Luc Touly et Patrick Du Fau de Lamothe découvriront que le document a été amputé de toutes les annexes !

Pour la CAPA, l'extension du service a l'ensemble du Pays Ajacciens a emporté une conséquence bénéfique : la rationalisation et l'harmonisation des prix de l'eau. Et c'est vrai ! En 2003 avant l'extension du contrat, les usagers étaient non seulement traités différemment, (30,20 euros l'abonnement annuel à Ajaccio et jusqu'à 70 euros pour le SIVOM de Mezzana) mais devaient débourser plus qu'aujourd'hui : 0,74 euro le m3 d'eau en moyenne (Ajaccio, Alata, Sarrola, et le SIVOM de Mezzana).

Grâce à la CEO les membres de la CAPA peuvent désormais afficher un tarif unique : 29,80 euros pour l'abonnement et 0,60 euro le m3. Un gain très net pour les usagers. Mais le prix ne fait pas tout. Selon le dogme libéral en matière d'approvisionnement en eau ou en énergie, pour améliorer un service, il suffit de le privatiser. Dans la réalité les faits sont autrement plus complexes.

Direction Bonifacio : fin juin le conseil municipal de la ville présente le bilan annuel de la CMESE, l'entreprise privée qui a raflé le marché de l'eau local. Pour la municipalité, ce rapport peut se résumer à un bon point : une baisse de 7,03 % du prix du m3 d'eau soit 2,05 euros en-dessous de la moyenne corse qui est de 2,60 euros. Les usagers eux conservent un tout autre souvenir de l'année écoulée : ruptures d'approvisionnement, explosion des coûts des travaux de forages après l'abandon d'un chantier pour cause d'outil coincé, étanchéité et couverture des réservoirs qui laissent à désirer et ... une eau puante et marronnasse qui persiste à couler des robinets de temps à autre. "Avec la délégation à un prestataire privé, on nous avait promis un meilleur service, et on se retrouve avec des problèmes démultipliés" rouspète un usager de la ville...

Reste la loi du marché, implacable. Pourquoi les collectivités font-elles appel aux grands groupes ? "Parce qu'elle en ont marre de ne pas se faire payer le service de l'eau" explique Solange Demathieu-Taverna, la présidente de l'association Acqua Linda, " et qu'elles peuvent difficilement poursuivre des usagers qui sont aussi des ... électeurs.

Factures d'eau. Le prix fort en Corse

la Chambre dresse un panorama épouvantable du service de l’eau et de l’assainissement, qui la Cité du Sel a concédé jusqu’en 2016 à la CMESE
la Chambre dresse un panorama épouvantable du service de l’eau et de l’assainissement, qui la Cité du Sel a concédé jusqu’en 2016 à la CMESE
Avec 45 euros de plus que la moyenne nationale, les dépenses des abonnés domestiques crèvent le plafond.

La vie est décidément chère en Corse. Au mois de mars dernier, à peine passée la polémique sur le coût de la vie, le magazine Que Choisir ? publiait une étude complète sur les prix de l'eau en France. Surprise : alors que la Corse est la seule région à disposer d'un outil public -l'Office Hydraulique -, les tarifs de l'eau y figurent parmi les plus élevés de la métropole. Scandales ?

Selon les chiffres publiés par l'Institut Français de l'Environnement, les dépenses pour les abonnés s'élèvent à 222 euros. 45 euros de plus que la moyenne nationale ! Seule la région PACA affiche des tarifs plus élevés : 272 euros.

Le prix de l'abonnement dans les communes insulaires dotées d'un assainissement collectif, explose à 109 euros, plus de quatre fois celui constaté en Ile-de-France !


Si les prix sont aussi élevés en Corse, ce n'est pas seulement en raison des pratiques des sociétés privées du secteur, souvent montrées du doigt. C'est aussi, et surtout, du fait de considérations très locales. Ici aussi, la fameuse " spécificité" insulaire joue en plein. Car dans une micro-région à l'autre, d'une commune à l'autre, les prix sont très variables.

"Prohibitifs à Calvi ou Porto-Vecchio, très abordables à Bastia" souligne un éu régional.

Pas étonnant... Très touristiques, les deux cités se retrouvent prises au piège d'un calcul implarable : les chiffres de la consommation facturée sont rapportés à la seule population résidente.

En réalité, plusieurs paramètres typiquement corses influent sur la tarification de l'eau. La configuration topographique de l'île en une. Le relief en dénivelé rend en effet particulièrement complexes les opérations de retenues d'eau. Quant à l'installation d'une station de pompage pour pallier cette difficulté, elle est le plus souvent plombée par un surcoût répercuté sur la facture de l'usager.

Le problème n°1 demeure toutefois le tourisme. Chaque saison, la population de certaines communes double et triple, peut se révéler dix fois supérieure à celle qui y réside à l'année. Dans ces conditions, les communes doivent faire face. Et se doter d'installations - coûteuses - qui permettront de contenter tout le monde, vacanciers et résidents. Au moins jusqu'à l'arrivée de la prochaine facture.

Eaux... Rapports !

Cité impériale oblige, la gestion des services de l’eau de la ville d’Ajaccio a eu droit à des doubles rations « d’honneurs
Cité impériale oblige, la gestion des services de l’eau de la ville d’Ajaccio a eu droit à des doubles rations « d’honneurs
Epinglés : Les pratiques frauduleuses, gaspi, fonds publics

Dès qu'il y a une goutte, il y a un coût. Dans le dossier de l'eau, rares sont les organismes et les collectivités locales qui ont échappé aux foudres de la Chambre Régionale des Comptes. Florilèges.

Mauvaise gestion, pratiques douteuses, contribuable essoré : la Chambre régionale des Comptes a épinglé pour une dizaine de scandales liés au dossier de l’eau. Sans suite notable.
Que peuvent bien partager un bastiais, un Bonifacien, un Portovecchais et un habitant de Pietrosella ?

Des services de l’eau et de l’assainissement qui laissent à désirer. Depuis quinze ans, la Chambre régionale des Comptes (CRC) n’a eu de cesse d’épingler les mauvaises pratiques et « les petits arrangements entre amis » qui polluent le dossier de l’eau.

A tout seigneur, tout honneur… Cité impériale oblige, la gestion des services de l’eau de la ville d’Ajaccio a eu droit à des doubles rations « d’honneurs" de la part de la CRC, en 1991 et en 2000. Neuf années séparent les deux rapports, mais les pratiques semblent désespérément identiques. Au menu, les habituels « arrangements » avec l’exploitant – privé – du service (bilans incomplets, conventions à rallonge) et un calcul qui donne des sueurs froides :

« à la fin du contrat, expliquent les experts financiers (…) la CEO percevra sur les usagers du service de l’eau, en contrepartie de la mise à disposition de la commune de 35 millions de francs, un montant de 131,8 MF. »

Le district de Bastia (actuelle communauté d’agglomération) lui, s’était fait éreinter dans un rapport remontant à décembre 2000. Sa gestion financière du service de l’eau est pointée du doigt : confiés à des entreprises proches de la direction du district, des travaux n’ont jamais été livrés ; les marchés publics sont directement négociés par les communes, ce qui exclut une véritable mise en concurrence : les recettes ne rentrent pas…
Jusqu’en 1993, le district a non seulement « oublié » de percevoir la surtaxe « eau » que devait normalement lui verser chacune de ses six communes, mais il a même repoussé l’instauration d’une surtaxe « assainissement » à l’année 1998. Une « difficulté politique » notent malicieusement les rapporteurs… Conséquences : plombé, le district a masqué la « situation financièrement catastrophique » du service de l’eau en intégrant à son budget général.

En clair : le contribuable a payé des communes. Révélé par le CRC, le tout de passe-passe aura coûté 70 millions de francs. Soit deux ans et demi de recettes fiscales ou « le coût de réalisation de deux tribunes Nord du stade Arman Cesari » de Furiani.

Sur la rive sud du golfe d’Ajaccio, les choses ne vont guère mieux. Certes, le rapport d’observations définitives consacré au Sivom date un peu (octobre 1999), mais il révèle des pratiques habituelles : opacité des bilans présentés par l’exploitant privé aux élus, non-reversement de la taxe due aux communes jusqu’en 1998, et « avance en compte » à des taux usuraires…, la Chambre ne laisse rien passer. Et comme si cela ne suffisait pas, les conclusions du rapport révèlent que c’est la population qui paie la flotte des touristes. Santé !

Plus récemment, c’est la commune de Porto-Vecchio qui se prenait un savon. En 2003, la Chambre dresse un panorama épouvantable du service de l’eau et de l’assainissement, qui la Cité du Sel a concédé jusqu’en 2016 à la CMESE. Aucune mise en concurrence, un rendement « extrêmement faible » du réseau en raison de la piètre qualité du service rendu, des « risques en termes de santé publique », les tarifs explosés de 90 % en 10 ans… n’en jetez plus ! Quant au prix de l’eau assainie à Porto Vecchio, il est de "50 % plus élevé que le prix moyen national » conclut le rapport assassin.

A dire vrai, les communes et leurs partenaires privés sont loin d’être les seuls à avoir subi le feu de la critique. En 2001, la CRC se penche sur le cas de l’Office Hydraulique de la Corse. Sur à peine 47 pages, le rapport qui en ressortira met au jour l’inefficacité de l’organisme public. L’OEHC est impuissant face aux nombreux impayés des agriculteurs, pris en charge par la subvention que verse chaque année la Collectivité ; son positionnement d’acteur concurrentiel du marché de l’eau est douteux ; les délégations de service public qu’il a obtenu auprès de quelques communes ne sont pas rentables… un crève-cœur pour cet outil, unique en France, que nombre de collectivités locales envient à la Corse.

Le travail rigoureux de la Chambre régionale des Comptes a certes permis de « lever des lièvres », dixit le responsable d’une association écolo, mais sans déboucher sur la moindre conséquence… « C’est tout le problème, » analyse un ancien conseiller : « nous pouvons alerter les collectivités, la justice, l’opinion, mais nous ne disposons d’aucun pouvoir de sanction. C’est au bon vouloir des collectivités que nous épinglons. »

La justice, justement, avait fini par s’intéresser à cette épineuse question … Dans son rapport sur la criminalité organisée en Corse, l’ancien procureur de la République de Bastia, Bernard Legras, avait consacré de longs développement au dossier ajaccien de l’eau. La lettre d’observations de la Chambre « est actuellement analysée par le pôle économique et financier » concluait-il dans le chapitre consacré au marché passé, il y a plus de dix ans, entre la CEO et la municipalité d’Ajaccio. C’était trois ans avant que le fameux pôle, installé à grand renfort de publicité, ne soit débranché….


Assainissement. La guerre des roseaux

Mais, Jean Cerli doit aujourd’hui faire face à une rude concurrence : celle des multinationales de l’eau
Mais, Jean Cerli doit aujourd’hui faire face à une rude concurrence : celle des multinationales de l’eau
Face aux géants du secteur, les petites sociétés locales sont à la peine.
La société « Fà », a implanté en Corse un système d’épuration des eaux usées 100% bio grâce à des roseaux. Mais, Jean Cerli doit aujourd’hui faire face à une rude concurrence : celle des multinationales de l’eau.


Il en avait marre de pantoufler, "rêvait d’autres chose ». Ingénieur DDE de Corse-du-Sud, Jean Cerli démissionne de son poste au début des années quatre-vingt pour tenter sa chance dans le privé. Après un essai pas vraiment concluant dans le domaine de l’informatique, ce drôle de bonhomme se passionne pour l’environnement. Son idée ? Implanter en Corse des stations d’épuration biologiques. Dans l’île comme ailleurs, la question écologique commence à prendre racine. Jean Cerli se dit que c’est le bon le moment, prend contact avec Dirk Esser, un ingénieur allemand qui travaille au CEMAGREF, le bureau d’études de la direction de l’agriculture et se lance dans l’aventure.

Les deux hommes s’inspirent d’un principe qui avait déjà été testé trente ans auparavant à Barretali, dans le Cap Corse. En s’appuyant sur un système de drains et de bassins, les eaux usées sont filtrées par des roseaux plantés. « un principe déjà en application dans les jardins suspendus de Babylone » explique Cerli.

Tout l’intérêt réside précisément dans ce système de filtrage. L’eau pénètre dans le massif de roseaux où des bactéries digèrent tout, avant d’être rendue à la nature complètement « lavée ». Le tout sans produits chimiques ni électricité. « les autres systèmes, » indique Cerli, « rejettent une eau de qualité, mais ils évacuent aussi des boues qui ne sont rien d’autres que la merde compressée. »
D’autant moins réjouissant que le rejet dans la nature d’une eau de mauvaise qualité n’a pas seulement un impact environnemental. Elle entraîne le cycle habituel de la pollution et ses conséquences, pluies acides, destruction des écosystèmes, de la pêche artisanale, de l’aquaculture, des étangs, des baignades. Economiquement, cela peut-être catastrophique. »

Lorsqu’il s’est lancé dans cette activité avec son associé allemand, Jean Cerli avoue « être passé pour un fou ». De simples roseaux pour filtrer de l’eau ? Personne ne connaît vraiment le système et ne le juge très fiable. La suite démontrera le contraire, à tel point que « le planté de roseaux » fait aujourd’hui l’objet d’une recommandation officielle du ministère de l’agriculture.

Conscientes des potentialités du système et des bénéfices à en tirer en terme d’images, les multinationales n’ont pas tardé à s’intéresser de très près au procédé. Aujourd’hui, Jean Cerli avoue commencer à avoir du mal à tenir face à cette rude concurrence qui lui « rafle sous le nez » les marchés des petites communes. Difficile, pour le maire d’un village, de résister aux « avances » des grosses sociétés

Alors Jean Cerli se bat comme il peut, avec ses propres armes. Son dernier coup de sang en date remonte au 12 avril. Une commune du sud de la Corse qui avait lancé un appel d’offres pour une station d’épuration de 800 habitants, lui a préféré la CEO alors que la société Fà avait proposé un projet moyennant une « variante » du cahier des charges, d’un montant inférieur de 20 000 euros. Cette fois, Jean Cerli a décidé d’agir en justice….

Depuis Lama, d’où il rayonne dans toute la Corse, l’entrepreneur bio peste contre les grandes entreprises qui raflent les marchés et écrasent les petites sociétés locales. « Nous sommes peut-être mauvais, interroge-t-il, mais comment a-t-on pu dans ce cas, créer 15 stations en Corse et plus de 500 sur le continent ? Kyrnolia en a deux ou trois et elles ne fonctionnent pas. Moi, je veux bien être concurrencé, à condition que les gens travaillent bien ! »

kyrnolia, une entreprise de... SEDUCTION

Parmi les explications du prix de l'eau, le suréquipement auquel sont contraintes les communes pour faire face au tourisme
Parmi les explications du prix de l'eau, le suréquipement auquel sont contraintes les communes pour faire face au tourisme
La WORLD COMPANY en Corse ?

Kyrnolia, une enterprise de SEDUCTION

Kyrnolia, un nom qui fleure bon la Corse…. Pourtant, inutile de chercher dans l’annuaire : la société n’y figure pas. Elle est pourtant l’un des principaux attributaires du marché de l’eau dans l’île. Et sait se faire entendre des décideurs.


15 juin 2007, une photo couleurs barre la « Une » du « Corse-Matin » : les écoliers de Lumio, en Balagne fêtent dignement leur deuxième place de la région Corse-PACA-Languedoc Roussillon au prix Véolia Environnement. Touchants, les bambins ne sont pas peu fiers de leur travail : un très joli dessin accompagné d’un texte sur la protection de l’environnement, objet du concours. Le prix ? Un appareil photo numérique, une imprimante et des … friandises. Pas à dire : Véolia sait gâter son monde.

L’histoire pourrait s’arrêter là si elle ne constituait le dernier épisode en date de la vaste campagne de communication lancée par Véolia en Corse. La recette est connue : la multinationale l’a testée avec succès depuis de nombreuses années sous le d’autres latitudes. En 2004, elle s’était même attiré les foudres d’associations de parents d’élèves et de certains professeurs après l’envoi de 23000 exemplaires du journal pour les 9-13 ans, Mon quotidien, avec une affiche sur laquelle Victor, sa mascotte sympa expliquait aux gamins comment protéger sa santé en protégeant l’environnement. But de la manœuvre : « prendre au berceau » les futurs consommateurs d’eau et de service et les acclimater à un futur plus que parfait dans lequel la firme compte bien réagir tous les actes de la vie courante.


Véolia, championne de la com’? C’est peu de le dire. Au mois de janvier dernier, l’entreprise s’était déjà offert une pleine page du Corse-matin, sobrement intitulée Votre eau et vous. A l’époque, la Ligue des Droits des Corses s’était étranglée : « au moment où certains dénoncent ses menées pour devenir en Corse le patron de l’eau, des transports et du traitement des ordures ménagères via l’incinérateur, on comprend que Véolia investisse dans la publi-information régionale : c’est beau d’avoir les moyens ! »

La Méditerranée semble être devenue au fil des ans le nouveau terrain de chasse privilégié de la « major » de l’environnement. Prix hippiques, concours de voile, sponsoring. Au guichet Véolia, on ne rate jamais l’occasion de s’afficher. Pour le plus grand bénéfice de la « marque ».

Une société qui participe. Beaucoup.

Kyrnolia est-elle « la nouvelle banque Saint Georges » que redoute le site Le Cyrnaute
Une entreprise privée qui assurera demain la gestion de pans entiers de la vie quotidienne des insulaires ? C’est ce que craignent de nombreux élus et autant d’associations. Car la liste des participations et des domaines d’intervention de l’entreprise à de quoi donner le tournis. Transports maritimes, terrestres, informatiques, réseaux, etc., la montée en puissance concerne les secteurs d’activité les plus stratégiques pour le développement de la Corse. Avec un sens de l’à-propos hors du commun, les dirigeants de la société ont compris le bénéfice qu’ils pouvaient tirer du nouveau dogme en vogue : le partenariat public-privé.

La Sitec (Société d’informatique et de télématique en fournit un excellent exemple. Cette société d’économie mixte, créée il y a vingt ans, regroupe à la fois des actionnaires publics ( la collectivité territoriale, les deux conseils généraux de l’île, la ville d’Ajaccio…)et privés (comme la SNCM…) Kyrnolia en est pour l’instant un actionnaire ultra-minoritaire. Mais la société compte bien « monter » dans le capital à brève échéance. Il y a quatre mois, dans nos colonnes, Jean-Martin Modoloni, le jeune patron du groupe UMP à l’Assemblée de Corse et président de la Sitec ne dissimulait pas son ambition de voir ces investissemeurs privés prendre une part plus active dans la gestion de la société. En privé, l’un des candidats de choix ne fait guère de mystères : il s’agit de Kyrnolia. Il faut dire qu’un tel engagement apparaitrait naturel tant les deux entités sont déjà liées. Parmi les principauxs clients de la Sitec, on retrouve en effet le Compagnie des Eaux et de l’Ozone, deux sociétés « made in Véolia » qui lui ont confié de nombreuses réalisations : le comptage de l’eau produite et consommée sur le réseau ajaccien, le réseau d’assainissement de la ville, celui de l’eau potable du village d’Afa, l’usine des eaux usées de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, celle de la Confina à Ajaccio…

Voilà qui s’appelle rentabiliser une participation !
Alors que des secteurs entiers des services publics sont dérégulés et que les collectivités ne parviennent plus à faire face à leurs obligations, l’entreprises joue sur du velours. On lui prête des visées sur le traitement des déchets, les transports scolaires, les équipements collectifs. Lors de la cession du début de mars dernier à l’Assemblée de Corse, Ange Santini, président de l’éxécutif, n’a-t-il pas rappelé, évoquant le financement du projet du nouveau port de Bastia, « qu’il existe pas très loin de chez nous, en Italie, des postes à quai qui sont financés par la compagnie elle-même ? » Dans l’hémicycle régional, un ange est passé : tout le monde a compris qu’ici encore, Véolia, actionnaire de la SNCM avait peut-être une carte à jouer.


Entrisme à l’UNIVERSITE DE CORSE

Au jeu de l’entrisme et du positionnement « qui va bien », Kyrnolia-Véolia n’a décidément de leçon à recevoir de personne.

Avril 2006 : la scène se déroule dans le bureau du directeur de cabinet d’Antoine Aiello, le président de l’université de Corse. Au bout du combiné, un « intermédiaire » explique au jeune universitaire tout le bénéfice que la Fac de Corté pourrait tirer d’un partenariat avec Kyrnolia. Dans les cartons de la société dort, en effet, un projet qu’elle espère bien fourguer aux décideurs locaux : la création d’une école des métiers de l’eau sur le modèle campus Véolia. Cette université privée high-tech, située en région parisienne, est l’un des fleurons de la multinationale. Créée en 1994, elle forme ses propres ingénieurs en eau, propreté, transports, énergie. Le campus a de quoi faire saliver les facs françaises, en proie à de croissantes difficultés budgétaires et affectées par des coupes sombres (comme on dit) : 300 chambres tout confort, un gymnase, un terrain de squash, de tennis, une salle de musculation, un hammam, un restaurant de 300 couverts avec salons privés, auditorium de 468 places… Le budget de fonctionnement ? Pas moins de 30 millions d’euros.

Quelques mois auparavant, une trentaine de personnalités corses de la politique et des affaires ont même été invités à en visiter les installations somptueuses. Parmi eux, des représentants des deux chambres de commerce de l’île, des universitaires, des élus… Mais la direction de l’Université de Corse ne se montre guère enthousiasmée par un projet qui risquerait bien « d’aboutir à une privatisation de l’enseignement supérieur et une mainmise croissante de certaines firmes sur la vie locale. »

Les contacts n’iront pas plus loin. Pendant un an, Aiello n’entendra plus parler de Véolia. Mais le vendredi 20 avril dernier, Dominique Orlandi, le patron de l’entreprise en Corse contacte à nouveau son directeur de cabinet « pour une prise de contact » informelle. Trop tard : face aux menées de Kyrnolia, l’université veut montrer qu’elle ne lache pas le terrain. Une filière « gestion de l’eau » a été inscrite au projet d’établissement 2008-2011 qui décide de la structuration des enseignements dispensés à Corté. Les rencontres en resteront là.

Investir à la fac, Kyrnolia en a fait un de ses chevaux de bataille. « Un cheval de Troie, même ! » ironise un enseignant de l’université. Au printemps 2006, la société a même tenté de pénétrer le conseil administration de la fac. A chaque élection universitaire, deux personnes « extérieures » doivent être choisies en raison de leurs compétences en environnement. Sur la proposition de la CSC, un syndicat étudiant nationaliste, Dominique Orlandi se présente. C’est finalement Gérard Romiti, président du comité des pêches, proposé par le syndicat concurrent « Ghjuventù Independista » qui est élu.

Double défaite : le même jour , sur la proposition de Jacques Henri Balbi, ancien président de l’université de Corse, le conseil scientifique élit à une écrasante majorité (23 voix « pour » sur 30) Riccardo Petrella, professeur à l’université de Louvain, fondateur de « l’université citoyenne de l’eau » et pourfendeur inlassable des menées des multinationales de l’eau dans le monde…
Des propositions très convaincantes.

Mais la force principale de Kyrnolia, c’est sa force de « propositions », généralement très convaincantes. Un épisode récent l’illustre. En 2006, la municipalité de Corté lance un appel d’offres pour l’exploitation de son réseau d’eau potable. L’Office hydraulique, précédent délégataire, y répond en même temps que la SAUR et Véolia-Kyrnolia. Pour mesurer son choix, la ville a fait appel à un cabinet d’études indépendant. Conclusion des experts : l’offre de Véolia est objectivement la meilleure. Mais les élus cortenais refusent, dixit l’un d’entre eux de « se livrer pieds et poings liés ». En petit comité, les édiles décident de faire un pari fou « d’un retour régies ». Cela, Kyrnolia l’ignore.

Trois mois avant la fin de l’appel d’offres, l’un des élus est contacté discrètement par un émissaire de la compagnie. « Que diriez-vous du poste de futur directeur de l’école de l’eau que nous voulons créer ? » Il ne se démonte pas : « J’en serais flatté, revenez donc me voir après l’appel d’offres. » Entre-temps, la commune de Corté a rendu public son choix : elle reprend elle-même le service de l’eau.
L’élu approché n’a jamais plus entendu parler de Kyrnolia.


Sarko : une équipe de la plus belle eau

Henri Proglio, pur produit Véolia
Henri Proglio, pur produit Véolia
Il n'y a pas qu'en Corse que Véolia Environnement entretient des liens étroits avec les politiques. Quand l'exemple vient de la France d'en haut...

Il était chiraquien, mais d’un coup de vent – et la force de persuasion de la belle Rachida Dati – l’a convaincu de rallier Nicolas Sarkozy. A 58 ans, Henri Proglio, pur produit Véolia Environnement (il n’a jamais quitté la société, qu’il intégra en 1971 à sa sortie d’HEC lorsqu’elle s’appelait encore Compagnie Générale des Eaux) s’affiche depuis plusieurs semaines comme l’un des plus fervents supporters industriels du président. « Il était chiraquien, il n’est pas devenu sarkosyste d’un coup. Les choses sont un plus compliquées que ça. » décrypte un expert. N’empêche : au soir du 6 mai, alors que la plupart des invités au raout présidentiel ont quitté le Fouquet’s, Proglio figure parmi les rares privilégiés à pouvoir assister à la petite fête privée jusqu’au bout… Un honneur ! Et, certainement, la promesse de beaux contrats à venir.

De la SNCM au ministère de l’économie, du PS à l’UMP… Pour Véolia Environnement, qu’importe le flacon ….

La maison Véolia Environnement n’est d’ailleurs pas chiche en transferts juteux. Au diable l’avarice ! Au mercato politique, les grandes compagnies savent le bénéfice qu’elles peuvent tirer d’un ancien salarié placé comme il faut là où il faut. A 46 ans, Stéphane Richard, en sait quelque chose. Patron de la Connex – filiale de Veolia – et directeur général de Véolia Environnement, cet énarque, inspecteur des finances et ancien collaborateur de Dominique Strauss-Kahn vient d’être nommé directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo au ministère de l’économie, des finances et de l’emploi. Le transfert, parait-il a été plutôt vécu au sein de la multinationale. Mais de Véolia aux lambris ministériels, du PS à Sarkosy, M. Richard, un temps très impliqué dans le dossier SNCM, a décidément de la suite dans les idées… Il n’est pas le seul.

Connaissez-vous Monsieur Besson ? Chez Véolia, la réponse est oui.
On pourrait même penser que conserver des liens avec les géants de l’eau et témoigner d’une solide capacité à la trahison sont devenues deux conditions sine qua non pour intégrer l’équipe du président de la République. Ainsi, d’Eric Besson, le « renégat » du PS, nouveau venu dans l’équipe sarkozienne. Alors qu’il était toujours député socialiste de la Drôme, M. Besson percevait chaque année un salaire plutôt rondelet de 140 418 euros. A l’époque, son employeur s’appelait « Compagnie Générale des Eaux », l’ancien nom de Véolia Environnement !

La Corse risque de connaître des problèmes de qualité et de quantité de la ressource

Véolia s’implante de manière très forte en Corse
Véolia s’implante de manière très forte en Corse
Marc Laimé : journaliste, sociologue, spécialiste reconnu des histoires d'eaux, Marc Laimé est l'acteur de l'indispensable Le dossier de l'eau, pénurie, pollution corruption. Entretien.

Comment est organisé le marché de l’eau en France ?

Il existe une véritable « exception à la française » en la matière, à tel point qu’on l’a baptisée « l’école française de l’eau ». Cette spécificité tient en quelques chiffres : presque partout dans le monde, 95 % du marché de l’eau appartient au giron public ; en France, c’est l’inverse : 80% du secteur de la distribution d’eau potable et 55 % de celui de l’assainissement appartient à trois grands groupes privés, que j’ai appelés les « trois sœurs »tant que leurs pratiques se ressemblent. Il s’agit de Véolia Environnement, Suez, et la SAUR. Ce partage renvoie d’ailleurs à une longue histoire puisque la Générale des Eaux (aujourd’hui Véolia-Environnement) a été créée en 1853 et la lyonnaise des Eaux (aujourd’hui SUEZ) en 1880. Il n’est donc pas étonnant que ces entreprises, devenues multinationales, puissent bénéficier de liens très importants avec le personnel politique de toutes les obédiences.

Quelles sont les conséquences de ce partage du marché ?

Ce qui frappe d’abord, c’est que ces majors, qui se revendiquent de l’idéologie libérale, sont parvenues à instaurer un véritable monopole, ce qui est le contraire même de l’esprit du libéralisme où règne l’idée de concurrence.
Mais, le problème tient aujourd’hui à leur manière d’investir tous les champs des services publics : le traitement des déchets, la restauration collective, les transports, les médias. Jusqu’en 2000, les multinationales du secteur détenaient les trois principaux groupes de médias français : TF1, Canal + et M6… Quant aux conséquences pour l’usager, elles sont soulignées avec constance à l’occasion de chaque rapport publié sur la question : un surcroît de 20 à 25% pour avoir accès à l’eau.
Plutôt paradoxal, quand on affirme à tout bout de champ que le secteur privé gère plus efficacement et à moindres coûts. Au-delà de ces considérations, on peut se demander s’il est légitime pour le fonctionnement de la démocratie que des entreprises privées exercent une telle emprise sur un secteur aussi vital.

Aucun critique en semble pourtant ébranler le monopole des « Trois sœurs »…
Ces entreprises ont commencé à susciter des interrogations au début des années quatre-vingt-dix lorsque plusieurs scandales politico-financiers ont éclaté. Du coup, la représentation nationale a adopté plusieurs textes en rafale, les lois Barnier, Mazeaud, Seguin… Mais à chaque fois, aucune instance de régulation publique n’a été créée. Cela c’est pourtant passé de cette manière chaque fois qu’un pan du secteur public a été privatisé. De l’énergie aux télécoms en passant par l’audiovisuel, le politique a instauré des organismes chargés de réguler : l’Autorité de régulation des télécommunications, le CSA, le Haut Conseil de l’Energie. Pour l’eau, alors même qu’il s’agit d’un secteur incontournable et qui concerne tout le monde, rien ! Le seul exemplaire remonte au projet porté par Dominique Voynet sous le gouvernement Jospin. Mais il a capoté : le projet de loi visait à créer une « Haute autorité de l’eau ».

En Corse, le groupe Véolia est très présent. Comment voyez-vous l’avenir ?
La Corse ne va pas tarder à connaître de réels problèmes en termes de qualité et de quantité de la ressource. Or tout va dépendre de plusieurs facteurs liés au développement de l’île. Si on se dirige vers une option de type « tout-tourisme » et un modèle d’agriculture productiviste, il sera nécessaire de renforcer le rôle des organismes publics comme l’Office Hydraulique. Problème : Véolia s’implante de manière très forte en Corse. Est-ce un gage de transparence et de démocratie pour le futur ? Vu ce qui se passe partout ailleurs, il est permis d’en douter sérieusement.

Office hydraulique, communes, sociétés privées. Les batailles politiques..

Les batailles politiques
Face aux multinationales de l'eau, les collectivités ne tirent pas dans le même sens. Public contre privé, un combat perdu d'avance ?

Session de l’Assemblée de Corse, fin juin 2006. A l’initiative de cinq élus territoriaux, une motion « sur l’eau » est votée par l’ensemble des conseillers territoriaux. Le texte, succinct, ressemble presque à un cri d’alarme : alors que la Corse est la seule région dotée d’un outil public en matière d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement, les rédacteurs de la motion demandent « aux collectivités locales de consulter l’OHEC pour tout projet de maîtrise d’œuvre ou de délégation de service public concernant la gestion des infrastructures en matière d’AEP (eau potable) et d’assainissement ».

En clair, les élus s’insurgent contre la pratique, désormais habituelle, qui consiste à faire appel, « de plus en plus systématiquement à des prestataires extérieurs ». Plus clair encore : à des multinationales privées.

Le texte sera adopté, mais dans les couloirs de l’Assemblée, certains élus cachent difficilement leur agacement : l’eau n’est-elle pas de la compétence des communes ? De quoi se mêle l’Assemblée de Corse.

Curieusement, ces critiques sont moins le fait des élus libéraux que des « souverainistes » du groupe « la Corse dans la République », pourtant attaché au service public. Seulement voilà : la question dépasse largement le cadre du combat public-privé. Elle s’inscrit aussi, et surtout, dans celui de la sourde lutte que mènent les maires pour conserver leurs prérogatives. Et quand un maire est aussi conseiller territorial, le grand écart sur la question n’est pas loin. « La vocation première de l’Office hydraulique n’est pas de fournir de l’eau aux collectivités ! peste l’un d’eux en privé. Pas faux. Mais chut ! Pour certains élus, le dossier est trop glissant pour se permettre de clamer publiquement leurs préférences en matière d’eau.

Sur les douze conseillers territoriaux qui assument aussi un mandat de maire, trois font appel à ces « fameux prestataires extérieurs ». Et deux d’entre figurent parmi les élus de la Région à avoir déposé « la motion sur l’eau » en faveur de l’Office Hydraulique. A n’y rien comprendre !

A Bastia, au siège de l’Office Hydraulique, on souligne qu’un recours plus fréquent aux services de l’OHEC reviendrait à « faire vivre un outil unique en France » et présenterait l’avantage de faire « baisser considérablement les offres des concurrents privés ». De combien ? « 25 à 30 % en moyenne » précise-t-on.

Les maires, eux, semblent bien décider à conserver leur libre arbitre, même si des considérations très politiques peuvent parfois des choix, apparemment guidés par d’autres considérations – au premier chef desquels le bien-être commun.

Ainsi, au cours d’un récent appel d’offres, le maire d’une commune de Balagne ostensiblement a refusé d’ouvrir l’une des enveloppes qu’il avait reçue. Celle marquée du seau de l’Office Hydraulique.

Notre métier, ce n'est pas seulement construire des barrages

les entreprises privées n’apprécient pas que nous venions chasser sur leurs terres. Mais si l’Office était choisie plus souvent par les collectivités, tout le monde serait gagnant
les entreprises privées n’apprécient pas que nous venions chasser sur leurs terres. Mais si l’Office était choisie plus souvent par les collectivités, tout le monde serait gagnant
Ils dirigent tous deux l'Office Hydraulique. Stephanie Grimaldi en est la présidente en qualité d'élue de l'éxécutif régional. Claude Rocca Serra est le directeur de l'Office. Entretien à deux voix

L’Office se positionne de plus en plus sur le marché de la fourniture de l’eau potable et de l’assainissement. Un organisme public qui concurrence des sociétés privées, ce n’est pas très équitable !

C’est vrai, au départ, ce n’est pas la vocation première de l’Office. Notre mission prioritaire reste l’aménagement public, les barrages, la fourniture d’eau brute pour le secteur agricole. Mais, nous voulons démontrer aussi que nous pouvons aller sur le secteur concurrentiel. Notre métier, ce n’est pas seulement construire des barrages. En réussissant ce pari, l’Office pourrait prendre une toute autre dimension.

Laquelle ?

Celle d’un véritable du marché. Notre région est la seule de France à bénéficier d’un tel outil. Bien sûr, les entreprises privées ont déjà des employés et un véritable savoir-faire. Bien sûr, elles n’apprécient pas que nous venions chasser sur leurs terres. Mais si l’Office était choisie plus souvent par les collectivités, tout le monde serait gagnant… !

Pourquoi ?

A terme, on pourrait finir par se passer de la subvention de fonctionnement versée par l’Assemblée de Corse, soit 6 à 7 millions d’euros par an. C’est autant d’argent économisé sur le budget régional. Nous ne sommes pas là pour faire du gras sur le dos des collectivités !

Pourtant, l’Office gagne aussi de l’argent …

Notre credo, c’est plutôt d’aller vers la vérité des prix. A Bastia, 40 % des ressources du service de l’eau reste au fermier, c’est-à-dire à la communauté d’agglomération. En revanche, là où l’Office n’est pas présent, les prix augmentent. A chaque ouverture des marchés, lorsque nous nous positionnons dans les négociations, les autres concurrents finissent par baisser leurs prix de 20 à 30 %.

Corte joue la carte de l'indépendance

Parmi les explications du prix de l'eau, le suréquipement auquel sont contraintes les communes pour faire face au tourisme
Parmi les explications du prix de l'eau, le suréquipement auquel sont contraintes les communes pour faire face au tourisme
Depuis le 1er janvier, le service de l'eau est de nouveau géré par la ville. Curieux quand même...

La municipalité met en avant la baisse du coût de l'eau permise par le passage de l'eau en régie municipale. "un pari risqué" assure-t-elle. Un coup politique avant les élections" accusent les opposants.



Le long de la route de la Restonica, à deux kilomètres du centre de Corté, c’est à peine si on pourrait deviner que derrière ce grillage, un outillage complexe et entièrement automatisé gère l’approvisionnement en eau de la ville. Le 1er janvier 2007, la commune a décidé de récupérer « son bien », la gestion de l’eau. Auparavant, l’Office hydraulique assurait le service. Avec des hauts et des bas, prétendent les élus de la majorité cortenaise. « Le système de filtres devait être géré manuellement, explique Jean-Marie Casanova, le jeune responsable du site. En cas de coup dur, comme une crue de la Restonica, il fallait laver les filtres en permanence. Cela entraînait un travail fastidieux et posait de réels problèmes pour gérer le personnel. »

Depuis, le système de filtration est flambant neuf. La machinerie, parcourue de tuyaux rutilants et piquée de vannes neuves, est même protégée par un blindage " pour éviter les actes de malveillance".

En passant à la régie municipale, la commune n'a pas seulement rationalisé sa gestion du personnel. Elle a aussi, souligne la majorité UMP, entraîné une nette baisse du prix pour les usagers. Avec une part fixe de 50 euros annuels et 0,69 euros au m3, "Cela fait 30 % de moins sur la facture moyenne de 120 m3 par an et par famille" souligne un élu. Auparavant, l'Office hydraulique prélevait 104 euros et facturait 0,75 euros le prix au m3. Que la mairie de Corté récupère "son eau", voilà qui sérieusement fait grincer des dents Stéphanie Grimaldi. Le maire Antoine Sindali, ne siège-t-il pas au côté de l'élue, également présidente de l'Office, à l'exécutif de la Collectivité territoriale ? De méchantes langues racontent que la nouvelle a eu du mal à passer, un an après que mme Grimaldi a mobilisé l'attention des conseillers territoriaux sur la nécessité de permettre à l'office hydraulique de prendre plus de place dans les villes et les villages corses. "Nous avons été bien sûr déçus, tempère Claude Rocca Serra, le directeur de l'Office ; mais moins que s'ils avaient donné le marché à un opérateur privé."

La majorité cortenaise a beau assurer avoir pris en considération " avant tout" l'intérêt des cortenais, difficile de ne pas imaginer les bénéfices à tirer d'une baisse de la facture d'eau à un an de l'élection municipale. " Au contraire, se défend Antoine Orsini, c'est un vrai pari politique! Nous avons tout à perdre : en assumant ce service, on touche à la santé des gens, on doit s'assurer de pouvoir garantir la continuité du service public. Un faux pas et on perd tout!" Cet hydraubiologiste à l'université de Corse a depuis longtemps enfourché son cheval de bataille : réduire "la fracture hydrique". Essayez un peu de ramener le prix moyen de l'eau au salaire d'un smicard, tonne-t-il. Les services sociaux de la commune commençaient à voir arriver des gens qui se plaignaient de ne plus pouvoir payer l'eau..."

Reste que le passage à la règle à la régie ne s'est pas fait sans polémiques. Antoine Orsini a même dû subir l'éternel soupçon du clientélisme: Jean-Marie Casanova, le jeune directeur de la régie municipale, est son gendre. "Accessoirement, ironise l'élu-chercheur, il est aussi diplômé en ingénierie de l'écologie, formé àl'université de Corse et ancien agent du service de l'eau potable au département de Haute Corse."

Le jeune homme, lui préfère tourner le dos aux "accusations gratuites". Son problème du moment, c'est plutôt le rendement du réseau, jugé "trop faible". Installé le 6 février dernier, le compteur de production avait pompé fin mai, 360 000 m3. Il aurait dû en "tirer" pratiquement deux fois plus.

" C'est comme partout en Corse, explique-t-il. Les 23 kilomètres de canalisations de la cité sont perclus de fuites et branchements sauvages."

Quand l'eau ne coule plus de source

C’est une idée reçue terrible : l’eau est abondante en Corse
C’est une idée reçue terrible : l’eau est abondante en Corse
De l'eau ? La Corse en regorge ! C'est ce que tout le monde croit. La réalité dessine une île en proie à de graves difficultés de stockage et confrontée à des choix écologiques déterminants.

Fin avril, Antoine Orsini, était inquiet. « Je suis allé à Matra, je n’ai jamais vu ça : la rivière était sèche. » Depuis, quelques gouttes sont tombées sur le relief tourmenté de l’île, mais, de l’avis commun, pas de quoi dissiper les craintes pour l’avenir.
Depuis son laboratoire d’hydrobiologie à l’université de Corse, ce chercheur au débit de mitrailleuse dévide des conséquences des changements climatiques et des politiques de l’eau, et tire la sonnette d’alarme.

« C’est une idée reçue terrible : l’eau est abondante en Corse. C’est à la fois vrai et faux : l’île compte 150 pics de plus de 2000 mètres sur lesquels viennent se déchirer les nuages, il pleut autant en Corse qu’en Autriche. Tout le problème, c’est que la Corse est une montagne dans la mer. L’eau coule, difficile de la retenir… »

A dire vrai, la topographie de l’île de beauté n’est pas seule en cause. Comme partout ailleurs, le réchauffement de la planète frappe la nature. De 1970 a 2005, la température a augmenté d’un degré en Corse. Les rivières sont plus sèches, le débit se fait plus rare. Autrefois, les eaux fiume et fiumicelli de l’île grossissaient à deux périodes traditionnelles : les fortes pluies de novembre et la fonte des neiges en mai qui représentaient 20 % du débit moyen des cours.

Face à ce bouleversement, les règles changent. La nature, contrariée, en impose de nouvelles. La méthode consistant à stocker en hiver et la redistribuer en été montre ses limites. La ressource continue à diminuer et la surconsommation estivale risque bien d’épuiser le peu de ressources disponibles. Les plus touchées par le manque d’eau sont les petits villages, confrontés en outre à une qualité très moyenne et des réseaux vétustes. « Les services de contrôles sont pratiquement inexistants en Corse du Sud, explique un élu sous anonymat. En Haute Corse, ils se bornent à établir un diagnostic sans pouvoir contraignant. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant. »

Au cœur du débat, les choix politiques actuels pèsent déjà sur l’avenir. Promouvoir la culture du maïs ? C’est l’une du culture les plus consommatrices d’eau. Vouloir transformer la Corse en des destinations golfiques ? Les greens « boivent » littéralement la ressource… Agrandir les barrages ? Les retenues détruisent les écosystèmes et abritent des microbes qui peuvent être mortelles comme les cyanobactéries. « Il y a trois ans, le barrage de Codole était bleu acier, le signe de la présence massive de ces bactéries » se souvient un chercheur. Quelques mois plus tard, en raison d’une alerte sanitaire, l’eau n’a plus été distribuée à Porto Vecchio. « Ce ne sont pas les meilleurs choix politiques, regrette Antoine Orsini. Mais tout le problème, c’est qu’il faut bien finir par faire des choix… »

Parmi les plus récents à avoir reçu l’assentiment du chercheur, celui de l’Office hydraulique, qui a multiplié les retenues collinaires dans le cap corse. Des solutions préservant l’intérêts commun et le développement économique existent pourtant. Les Israéliens, spécialistes mondiaux de la gestion de l’eau, ont depuis longtemps réglé le problème de l’appauvrissement en eau des cultures et des golfs. Leur méthode : prélever l’eau à la sortie des stations d’épuration et la redistribuer aux intéressés, exploitants agricoles ou entreprises de loisirs. Pourquoi ne pas appliquer le procédé en Corse ? « Encore le poids des idées reçues, souffle Antoine Orsini : parce qu’on continue à prétendre qu’il y a de l’eau en Corse et que visiblement, cela satisfait tout le monde. »

. Quant aux campagnes de sensibilisation, elles prennent l’allure de coups d’épée dans l’eau…. Fermer le robinet quand on se lave les dents ?
L’éducation « citoyenne » est certes capitale pour les générations futures, mais les particuliers sont loin d’être les plus gros consommateurs. EDF stocke 60 millions de M3 et les agriculteurs en consomment 50, quand l’eau potable des foyers domestiques représente « seulement » 40 millions.

Reste un espoir : ce lui de prospecter enfin et identifier les centaines de sources existantes, mais peu ou mal connues. Et la promesse de voir resurgir du passé les antiques sourciers et leur « baguette magique ». Il est permis de rêver.

Le réchauffement climatique a aussi des conséquences écologiques

Christophe Mori maître de conférence en hydrobiologie à l'uuniversité de Corse, spécialiste du réchauffement climatique.

Le réchauffement climatique en Corse : mythe ou réalité ?
C'est aujourd'hui une réalité incontestable : on a démontré l'augmentation de température d'un degré en a peine trente-cinq ans à la station de relevé météo de Poretta. C'est un bond énorme en un laps de temps si court...

Quelles sont les conséquences de ce réchauffement sur l'eau ?
L'impact le plus direct se fait sentir sur le débit des cours d'eau qui connaît une nette diminution. Idem pour l'enneigement : cette année, il est inférieur de 50 % à celui prévu. Moins de neige, cela veut dire moins de fonte de la neige et donc un débit des cours d'eau qui devient plus faible et entraîne moins de sédiments vers la côte.

Conséquence ?
Cela a un impact environnemental considérable avec un phénomène d'érosion important par endroits, comme dans la plaine orientale. Le mécanisme est simple : la diminution des sédiments transportés par les cours d'eau transportés dans l'eau de mer entraîne une avancée de la mer dans certains endroits, comme le Tavignano ou le Golo. Faute de ces sédiments qui produisaient un effet de " barrage" aux courants marins, ceux-ci s'en trouvent modifiés et les plages finissent par diminuer.

De telles implications dépassent le seul cadre écologique...
En effet, l'érosion qui est l'une des conséquences de ce réchauffement a une dimention socio-économique évidente. La plupart des zones concernées sont des endroits à vocation touristique avec des commerces près des plages ect. Et si les plages disparaissent...


L'association acqua linda veut de l'eau pure

Au total 153 communes sur les 360 que compte la Corse rencontrent d’importants problèmes liés à la qualité de l’eau
Au total 153 communes sur les 360 que compte la Corse rencontrent d’importants problèmes liés à la qualité de l’eau
Depuis juillet 2002, l’association se bat pour une eau plus transparente. Dans tous les sens du terme.


Tout a commencé par une vilaine fièvre. Puis le diagnostic est tombé : attaque paratyphoïde. En clair : une affection causée par des bactéries présentes dans des aliments ou de l’eau contaminée.

Fin juillet 2002, en une semaine Solange Demathieu-Taverna fait mieux que les promesses de couvertures des magazines féminins : elle perd dix kilos.Cette passionnée de randonnée apprendra de la bouche d’un berger qu’au village de Castirla où elle passe toutes ses vacances, « on » a effectué un branchement « sauvage » à proximité d’une station d’assainissement où se déversent les eaux usées.

Le reste pourrait fournir le prétexte d’une « belle histoire corse » : le bas du village ne dispose d’eau potable, le haut est correctement desservi. Il faudra plusieurs mois pour que les choses rentrent dans l’ordre. Entre temps, certains habitants se sont constitués en association.

Acqua Linda est née.

Au départ, la poignée de membres veut surtout faire avancer le dossier de l’eau dans le village. Mais l’association croule bientôt sous les lettres, les contacts, les demandes de renseignements. Solange Demathieu-Taverna et ses ouailles découvrent, éberlués, l’ampleur du problème de l’eau en Corse. Les témoignages affluent : ici, les pompiers remplissent une fois par semaine l’unique citerne du village. Là, une station d’épuration est construite en pleine zone inondable. Au total 153 communes sur les 360 que compte la Corse rencontrent d’importants problèmes liés à la qualité de l’eau. Mais les autorités comme les élus font la sourde oreille ou se montrent carrément irrités par les menées de l’association. Le sous-préfet de Sartène refuse que le problème du Stabbiaccu, un ruisseau pollué près de Porto Vecchio, soit abordé au cours d’une réunion publique. A l’association, qui a sollicité une entrevue, Paul Giacobbi, député de Haute Corse, répond « En corse, de toute façon, on ne boit que du vin ».

Mais Acqua Linda ne se décourage pas pour autant. L’association finit par se faire connaître. En quelques mois, elle organise les « Universités d’été » de l’eau. Des experts reconnus font le déplacement. Eux aussi ignoraient l’étendue du problème Corse.

Rapidement, l’association se taille une côte d’expert. Elle informe par voie de presse de l’existence de solutions alternatives qui permettraient pour un coût très faible, de s’assurer une meilleure qualité de la ressource.

« Nous avons fait paraître un encadré dans le journal pour expliquer l’existence de systèmes filtrant à base de galets » explique Philippe Santoni, du bureau de l’association. Deux communes seulement nous ont fait savoir qu’elles étaient intéressées : Aullène et Corrano. Le système était difficilement applicable pour l’une d’elle tandis que l’autre n’en avait même pas besoin : l’eau était nickel. »

Le reste est à l’avenant. L’eau de Castirla est désormais pure de toute bactérie. La raison ? La DDASS la livre dans une analyse menée en mars 2006 :

« Cette eau ne contient aucune bactérie du fait de la concentration très élevée en chlore libre (2,12mg/l) ce qui est de l’ordre de grandeur du taux de traitement d’une piscine… »

Au fil des années, le combat a évolué. S’il porte toujours sur un approvisionnement en qualité de l’eau, l’association a désormais décidé de se tourner vers les pratiques des grands groupes privés. « ils n’ont pas le droit de s’approprier une ressource qui ne leur appartient pas ! » s’emporte Solange Demthieu-Taverna.

Julia Culioli, maître de conférence en hydrobiologie à l’université de Corse

L’eau des rivières est-elle de bonne qualité ?
Globalement, l’eau des rivières corses est plutôt de bonne qualité à part quelques points noirs dans le Taravu, le Tavignanu, la Bravona avec un problème de concentration d’arsenic à Matra. D’un point de vue bactériologique, on observe dans ses zones-là, des qualités qui vont de « moyenne » à « mauvaise » ;

Quelle en est la cause ?
Les origines peuvent être diverses. Dans le Taravu, par exemple, les animaux en divagation et en particulier les porcs, l’expliquent en partie. Cela peut venir aussi d’un mauvais fonctionnement d’une station d’épuration dans le Tavignano par exemple.

Quelles conséquences pour la santé publique ?
La mauvaise qualité bactériologique peut être rattrapée par différents traitements. Au bout du compte, on parvient à obtenir de l’eau de bonne qualité.


Et sur l’environnement ?
Honnêtement, une mauvaise qualité bactériologique n’emporte pas de conséquences très importantes. Nous travaillons beaucoup sur la faune présente sur les rivières et elle ne subit pas de changement notable. En revanche, cela peut avoir d’autres conséquences. Le projet de barrage près de Matra a dû être abandonné en raison de présence d’arsenic

Stop aux forages privés : Le cri d'alarme d'un hydrogéologue.

A la tête d'un bureau d'études privées, Jean-Joseph Feracci-Ceccaldi a adressé une lettre ouverte aux députés corses le 13 juillet dernier. Cet hydrogéologue expert auprès des tribunaux assur qu'à défaut de mesures appropriées, les forages " privés" risquent bien de se transformer en un problème " de plus en plus inquiétant pour le devenir de nos ressources en eau souterraine et notamment ici en Corse".

Aujourd'hui, le spécialiste s'inquiète des conséquences de la multiplication de ces ouvrages. "Tout le monde pille allègrement et sans vergogne les réserves souterraines, explique-t-il dans son courrier. Puisqu'on ne paie pas cette eau, on peut la gaspiller généreusement.

Ce qui est le cas de la grande majorité des personnes qui font réaliser un forage pour arroser leur pelouse ou remplir leur piscine!".

Plus dangereux encore, lorsque les forages sont abandonnés, ils ne sont pas toujours obstrués. Conséquence : des centaines de ces ouvrages de captage se transforment en " centaines de points de pollution potentiels"

Mercredi 1 Août 2007
Jeudi 27 Septembre 2007
corsica M. Antoine Albertini
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1.Posté par Mighè le 24/05/2008 13:51
Bonjour,
Très instructif et bien fait votre site.
Une modeste contribution: saviez-vous que depuis au moins janvier 2008, un égout se déverse directement dans le vieux port de Bastia (égout du Gaitellu). Les effluents non-traités (sans intermédiaire entre votre WC et le site touristique du centre historique) se déversent le jour et la nuit (plusieurs centaines de litres à l'heure). Les services municipaux, alertés à de nombreuses reprises, sont inertes. récemment mis en cause par l'opposition, ils se sont engagés à remédier à la situation avant la fin du mois de mai... à suivre donc. En attendant, dans le cadre du label Ville d'Art et d'Histoire, on peut suggérer d'inclure une étape Puzza et storie dans le circuit des visites guidées de la ville. Mighè

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