Témoignages et idées fusent afin que l'accès à cette ressource devienne un droit pour tous.

27 janvier 2005, Porto Alegre. Le Président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva parle de «la bataille contre la pauvreté dans le monde». (Keystone)
(1) www.fame2005.org : site
Il y a l'eau comme un droit.
Et il y a l'eau comme une marchandise, vendue par les grands groupes qui en fixent le prix .
A Porto Alegre, il y a ceux qui veulent que le droit l'emporte sur le marché et qui, de séminaires en ateliers, se demandent comment y parvenir .
Pour les alters, l'eau est un bien de l'humanité, forcément public.
Et les grandes multinationales, notamment les françaises Lyonnaise des eaux et Veolia (Vivendi), qui dominent le commerce hydrique, sont priées d'aller faire leur beurre ailleurs.
«On nous dit "l'eau est un droit" mais sa livraison a des coûts et il faut payer la facture. Alors, si c'est un droit, c'est par l'impôt, collectivement, qu'il faut payer !», s'insurge Ricardo Petrella, du Comité international pour le contrat mondial de l'eau. A service public, financement public, «comme pour l'armée», réclame-t-il.
« Pour l'eau, il faut tout simplement refuser de parler de client et revenir au mot usager, qui existe dans la loi française, renchérit son camarade Alberto Velasco, coordinateur du futur forum alternatif sur l'eau (1), qui se tiendra en mars à Genève.
"Ce que nous voulons, c'est un Trésor public mondial pour gérer cette ressource naturelle, à la manière d'un grand service public.»
Financement
Impôt international, taxe d'un centime sur les bouteilles d'eau minérale, financement par les pays du Sud en contrepartie de l'annulation de leur dette, etc., les idées plus ou moins utopiques ne manquent pas pour trouver l'argent qui financera l'eau pour tous. «Pas quatre douches par jour, précise Petrella, simplement le minimum défini
par l'Organisation mondiale de la santé : trente-cinq litres par personne et par jour.»
En attendant, les exigences sont chiffrées : de 40 à 100 milliards de dollars par an pendant dix ans pour permettre à un milliard et demi d'habitants de la planète, qui se trouvent à plus de trois kilomètres d'une pompe ou d'une fontaine, d'avoir accès à l'eau.
C'est beaucoup moins que ce que l'Europe dépense chaque année pour soutenir ses agriculteurs, rappellent perfidement les militants alters.
Et puis il y a les combats de terrain, quotidiens, que l'on vient raconter au Forum, grand marché de l'expérience locale. Les bagarres gagnées. La Toscane va nationaliser son eau en 2008. En Uruguay, aux Pays-Bas, la privatisation de l'eau est désormais interdite par la loi.
A La Paz, en Bolivie, une compagnie française s'est retirée. «Les firmes ont compris que les risques politiques étaient trop grands, nuance un expert, et préfèrent laisser la gestion aux gouvernements, tout en leur vendant du soutien technique.» En France, on se bouge pour convaincre les maires de reprendre l'eau en gestion directe.
Danielle Mitterrand explique que des municipalités [«qui avaient imprudemment confié la
gestion de leur eau au privé » dénoncent les contrats ou ne les renouvellent pas. «On leur a appris à lire les factures, pour qu'elles comprennent à quel point elles étaient volées.»
Vivendi au Niger
Certains sont venus à Porto Alegre demander de l'aide. Chiliens et Argentins veulent lutter contre la privatisation de leur réseau. Le Pérou a des problèmes de contamination des nappes phréatiques par les rejets de mines. Moussa Tchangari a fait le voyage du Niger
« parce que l'eau, pour nous, c'est la sécurité alimentaire».
Dans ce pays du Sahel, le plus pauvre du monde, le manque d'eau pour les bêtes et l'irrigation entraîne des famines régulières. Dans les villes, la société d'exploitation des eaux a été cédée à Vivendi après un appel d'offres international qui l'opposait à son principal concurrent, la Lyonnaise.
«La Banque mondiale nous prête de l'argent mais, en échange, elle impose la hausse des prix et sa vision : il faut privatiser pour bien gérer», accuse le responsable associatif. Pour assainir les finances, les tarifs de l'eau ont augmenté de 15 % en cinq ans. Le
gouvernement nigérien vient de voter une TVA de 19 % sur l'eau. Un
produit de luxe.
Il y a l'eau comme un droit.
Et il y a l'eau comme une marchandise, vendue par les grands groupes qui en fixent le prix .
A Porto Alegre, il y a ceux qui veulent que le droit l'emporte sur le marché et qui, de séminaires en ateliers, se demandent comment y parvenir .
Pour les alters, l'eau est un bien de l'humanité, forcément public.
Et les grandes multinationales, notamment les françaises Lyonnaise des eaux et Veolia (Vivendi), qui dominent le commerce hydrique, sont priées d'aller faire leur beurre ailleurs.
«On nous dit "l'eau est un droit" mais sa livraison a des coûts et il faut payer la facture. Alors, si c'est un droit, c'est par l'impôt, collectivement, qu'il faut payer !», s'insurge Ricardo Petrella, du Comité international pour le contrat mondial de l'eau. A service public, financement public, «comme pour l'armée», réclame-t-il.
« Pour l'eau, il faut tout simplement refuser de parler de client et revenir au mot usager, qui existe dans la loi française, renchérit son camarade Alberto Velasco, coordinateur du futur forum alternatif sur l'eau (1), qui se tiendra en mars à Genève.
"Ce que nous voulons, c'est un Trésor public mondial pour gérer cette ressource naturelle, à la manière d'un grand service public.»
Financement
Impôt international, taxe d'un centime sur les bouteilles d'eau minérale, financement par les pays du Sud en contrepartie de l'annulation de leur dette, etc., les idées plus ou moins utopiques ne manquent pas pour trouver l'argent qui financera l'eau pour tous. «Pas quatre douches par jour, précise Petrella, simplement le minimum défini
par l'Organisation mondiale de la santé : trente-cinq litres par personne et par jour.»
En attendant, les exigences sont chiffrées : de 40 à 100 milliards de dollars par an pendant dix ans pour permettre à un milliard et demi d'habitants de la planète, qui se trouvent à plus de trois kilomètres d'une pompe ou d'une fontaine, d'avoir accès à l'eau.
C'est beaucoup moins que ce que l'Europe dépense chaque année pour soutenir ses agriculteurs, rappellent perfidement les militants alters.
Et puis il y a les combats de terrain, quotidiens, que l'on vient raconter au Forum, grand marché de l'expérience locale. Les bagarres gagnées. La Toscane va nationaliser son eau en 2008. En Uruguay, aux Pays-Bas, la privatisation de l'eau est désormais interdite par la loi.
A La Paz, en Bolivie, une compagnie française s'est retirée. «Les firmes ont compris que les risques politiques étaient trop grands, nuance un expert, et préfèrent laisser la gestion aux gouvernements, tout en leur vendant du soutien technique.» En France, on se bouge pour convaincre les maires de reprendre l'eau en gestion directe.
Danielle Mitterrand explique que des municipalités [«qui avaient imprudemment confié la
gestion de leur eau au privé » dénoncent les contrats ou ne les renouvellent pas. «On leur a appris à lire les factures, pour qu'elles comprennent à quel point elles étaient volées.»
Vivendi au Niger
Certains sont venus à Porto Alegre demander de l'aide. Chiliens et Argentins veulent lutter contre la privatisation de leur réseau. Le Pérou a des problèmes de contamination des nappes phréatiques par les rejets de mines. Moussa Tchangari a fait le voyage du Niger
« parce que l'eau, pour nous, c'est la sécurité alimentaire».
Dans ce pays du Sahel, le plus pauvre du monde, le manque d'eau pour les bêtes et l'irrigation entraîne des famines régulières. Dans les villes, la société d'exploitation des eaux a été cédée à Vivendi après un appel d'offres international qui l'opposait à son principal concurrent, la Lyonnaise.
«La Banque mondiale nous prête de l'argent mais, en échange, elle impose la hausse des prix et sa vision : il faut privatiser pour bien gérer», accuse le responsable associatif. Pour assainir les finances, les tarifs de l'eau ont augmenté de 15 % en cinq ans. Le
gouvernement nigérien vient de voter une TVA de 19 % sur l'eau. Un
produit de luxe.
Débats sur le contrôle de l'eau par des entreprises privées

30 janvier 2005, Porto Alegre. Ambiance de renouveau parmi les participants au forum social mondial.
Des militants européens, africains et latino-américains ont profité du Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre (sud du Brésil) pour prôner des actions communes visant à pousser les Etats et les citoyens à reprendre le contrôle de l'eau.
Le problème de la gestion des ressources aquifères domine nettement les préoccupations des ateliers réunis sous la tente thématique "environnement" du FSM. Des représentants de plusieurs pays ont estimé que la reconquête de l'exploitation de l'eau par les pouvoirs publics a connu des avancées ces dernières années.
"En France, de plus en plus de municipalités font la démarche de ne pas renouveler leurs contrats avec les entreprises privées d'exploitation de l'eau", a déclaré Danielle Mitterrand, présidente de la Fondation France Libertés et membre du comité pour le Contrat mondial de l'eau, créé en 1997.
"On commence aujourd'hui, après huit ans de travail, à entrevoir les effets positifs de nos actions ", a-t-elle commenté.
Plusieurs participants ont pris pour exemple la Bolivie où le gouvernement du président Carlos Mesa, pressé par des grèves et manifestations, a résilié, début janvier, son contrat avec la compagnie Aguas de Illimani, filiale du groupe français Suez.
Ils ont cité aussi d'autres cas comme l'Uruguay, l'Argentine et le Pérou.
"La constitution uruguayenne vient d'adopter grâce à un référendum une loi interdisant la privatisation de l'eau", a rappelé Alberto Velasco, organisateur d'un Forum alternatif mondial sur l'eau (FAME) qui aura lieu du 17 au 20 mars en Suisse.
L'Argentine est en conflit avec la société Aguas Argentinas, filiale du groupe Suez. Le président argentin, Nestor Kirchner a ainsi menacé, vendredi, de retirer la concession du service des eaux et égoûts de Buenos Aires, attribuée pour trente ans, en 1993, à la société française, si celle-ci " refuse de faire de nouveaux investissements pour garantir un meilleur service à la population".
En 2004, sous la poussée de communautés locales et d'associations, la concessionnaire allemande Nordwasser Sac, qui exploitait l'eau dans une région du Pérou "a été expulsée", a indiqué Carlos Franco Pacheco, de Red Vida Peru (Vigilance interaméricaine du droit humain à l'eau).
Il a rappelé que les Andes péruviennes manquent cruellement d'eau, ce qui occasionne souvent des conflits autour de son exploitation avec les populations locales.
Les participants à l'atelier se sont en outre inquiétés que "la situation de l'eau en Afrique reste critique" .
Ils se sont dits particulièrement alarmés des conditions du fleuve Niger, menacé d'ensablement, alors que plusieurs millions de personnes dépendent de lui pour subsister.
"60% de la population nigérienne n'a pas accès à l'eau potable, c'est un pays très désertique avec une sécheresse récurrente, qui souffre de la famine et de tarifs très élevés de l'eau à cause des contraintes imposées par le Fonds monétaire international", a indiqué Musa Tchamgari.
Selon lui, le FMI et la Banque mondiale ont d'abord contraint la société d'exploitation locale à augmenter ses tarifs car elle était déficitaire puis à privatiser. Depuis 2001, c'est Vivendi qui assure le service des eaux au Niger.
" Renationaliser l'eau c'est une question de sécurité alimentaire", a affirmé ce représentant de l'association Alternative.
Le problème de la gestion des ressources aquifères domine nettement les préoccupations des ateliers réunis sous la tente thématique "environnement" du FSM. Des représentants de plusieurs pays ont estimé que la reconquête de l'exploitation de l'eau par les pouvoirs publics a connu des avancées ces dernières années.
"En France, de plus en plus de municipalités font la démarche de ne pas renouveler leurs contrats avec les entreprises privées d'exploitation de l'eau", a déclaré Danielle Mitterrand, présidente de la Fondation France Libertés et membre du comité pour le Contrat mondial de l'eau, créé en 1997.
"On commence aujourd'hui, après huit ans de travail, à entrevoir les effets positifs de nos actions ", a-t-elle commenté.
Plusieurs participants ont pris pour exemple la Bolivie où le gouvernement du président Carlos Mesa, pressé par des grèves et manifestations, a résilié, début janvier, son contrat avec la compagnie Aguas de Illimani, filiale du groupe français Suez.
Ils ont cité aussi d'autres cas comme l'Uruguay, l'Argentine et le Pérou.
"La constitution uruguayenne vient d'adopter grâce à un référendum une loi interdisant la privatisation de l'eau", a rappelé Alberto Velasco, organisateur d'un Forum alternatif mondial sur l'eau (FAME) qui aura lieu du 17 au 20 mars en Suisse.
L'Argentine est en conflit avec la société Aguas Argentinas, filiale du groupe Suez. Le président argentin, Nestor Kirchner a ainsi menacé, vendredi, de retirer la concession du service des eaux et égoûts de Buenos Aires, attribuée pour trente ans, en 1993, à la société française, si celle-ci " refuse de faire de nouveaux investissements pour garantir un meilleur service à la population".
En 2004, sous la poussée de communautés locales et d'associations, la concessionnaire allemande Nordwasser Sac, qui exploitait l'eau dans une région du Pérou "a été expulsée", a indiqué Carlos Franco Pacheco, de Red Vida Peru (Vigilance interaméricaine du droit humain à l'eau).
Il a rappelé que les Andes péruviennes manquent cruellement d'eau, ce qui occasionne souvent des conflits autour de son exploitation avec les populations locales.
Les participants à l'atelier se sont en outre inquiétés que "la situation de l'eau en Afrique reste critique" .
Ils se sont dits particulièrement alarmés des conditions du fleuve Niger, menacé d'ensablement, alors que plusieurs millions de personnes dépendent de lui pour subsister.
"60% de la population nigérienne n'a pas accès à l'eau potable, c'est un pays très désertique avec une sécheresse récurrente, qui souffre de la famine et de tarifs très élevés de l'eau à cause des contraintes imposées par le Fonds monétaire international", a indiqué Musa Tchamgari.
Selon lui, le FMI et la Banque mondiale ont d'abord contraint la société d'exploitation locale à augmenter ses tarifs car elle était déficitaire puis à privatiser. Depuis 2001, c'est Vivendi qui assure le service des eaux au Niger.
" Renationaliser l'eau c'est une question de sécurité alimentaire", a affirmé ce représentant de l'association Alternative.