http://www.ledevoir.com/2009/10/20/272530.html
Québec investira ainsi 4 millions dans les deux prochaines années dans un programme «d'acquisition de connaissances géoscientifiques», dont 1,1 million dans un contrat de levé magnétique par avion, qui couvrira 29 000 km2 entre la frontière des États-Unis et Montmagny. Québec veut ainsi déterminer le nombre et l'importance de gisements potentiels de gaz naturel pour accélérer les programmes d'exploration du secteur gazier.
Selon la ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Nathalie Normandeau, les évaluations qui ont démarré en 2008 indiquent que «si le quart du gaz naturel présent dans les basses terres du
Saint-Laurent était récupéré, la production pourrait répondre aux besoins du Québec pour une période pouvant atteindre 200 ans». La ministre n'a pas précisé cependant comment elle ralentirait l'exploitation et l'exportation de cette ressource une fois aux mains du secteur privé.
La ministre Normandeau, qui s'adressait hier à l'Association pétrolière et gazière du Québec, a aussi annoncé à ses membres qu'elle élaborerait avec eux et les «communautés concernées», «un projet de loi propre au secteur des hydrocarbures». Ce projet de loi, a-t-elle dit, «contiendra de nouvelles dispositions qui s'inspireront des meilleures pratiques observées au Canada en matière de mise en valeur des hydrocarbures».
Contrairement aux puits de gaz naturel traditionnels, que l'on explore et que l'on exploite par des forages verticaux, l'extraction du gaz des schistes se fait par des forages latéraux. On utilise souvent de puissantes charges de nitroglycérine pour fracturer le fond des puits ainsi forés. L'eau extraite avec le gaz est souvent fortement contaminée, ce qui peut menacer les nappes souterraines, notait un mémoire récent de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) déposé devant la Régie de l'énergie.
Mais la popularité croissante de cette technologie est telle aux États-Unis que l'abondance des réserves nationales a sensiblement augmenté, ce qui explique en partie la baisse actuelle des prix de ce combustible.
Inquiétude dans les municipalités
Au Québec, l'arrivée inopinée de camions et de tours de forage dans plusieurs municipalités commence à inquiéter les élus, une inquiétude que Québec veut calmer rapidement, car la confirmation récente de la validité du règlement de la petite municipalité d'Elgin pour protéger sa nappe souterraine incite plusieurs élus à utiliser le précédent contre les forages gaziers.
Mais la plupart des maires qui ont fouillé un peu le dossier, comme celui de Bécancour, Maurice Richard, sont conscients que la Loi des mines du Québec a priorité sur la plupart des autres lois québécoises, les règlements municipaux et les schémas des MRC.
Les trois MRC de Sorel, de Bécancour et de Nicolet-Yamaska font présentement front commun pour obtenir le droit de protéger leurs eaux souterraines, dont dépendent plusieurs usines d'eau potable, d'autant plus qu'en milieu rural, une autre partie importante de la population puise directement son eau dans le sol.
Selon le maire Maurice Richard, d'autres MRC, comme celle des Érables et de Lotbinière, pourraient s'ajouter à ce front commun d'élus qui ne veulent pas se retrouver aux prises avec des populations exacerbées par un développement non planifié, perturbateur de leur milieu de vie.
«On sait depuis 40 ans qu'il y a du gaz ici, dit-il. Des compagnies de l'Ouest sont venues, ont foré, ont tout refermé, puis sont parties. On n'a jamais su ce qu'elles avaient trouvé. On en reconnaît même qui reviennent aujourd'hui, comme la Garnett Drilling. Mais on sait que les poches de gaz sont nombreuses. À Sainte-Angèle de Bécancour, des familles se chauffaient avec le gaz récupéré du sol. Un restaurateur qui bénéficiait d'une flamme permanente près de la rive du fleuve avait nommé son restaurant Le puits qui flambe. Quand le puits s'est tari, il a renommé son établissement L'Accueil.»
Les verrous législatifs actuels ne sont pas forts, précise plus sérieusement le maire de Bécancour. Les municipalités peuvent difficilement refuser des autorisations alors que leurs règlements en la matière sont à peu près inexistants ou subordonnés à la Loi des mines. De son côté, la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) autoriserait à peu près n'importe quoi: «On a l'impression qu'elle est une machine distributrice à autorisations», dit-il avec cynisme.
Certaines municipalités de la région, comme Saint-David-de-Yamaska, ont décidé de bloquer l'exploration et l'exploitation des schistes gazéifères de leur sous-sol. Mais il faudra voir si leur opposition tiendra le coup devant la vieille loi des mines, que les écologistes ont qualifiée de «relent colonial» lors du débat sur la mine Osisko, en Abitibi.
Le président de l'AQLPA, André Bélisle, partage le voeu de plusieurs élus municipaux qui réclament un moratoire et une audience générique sur la pertinence et les conditions d'exploitation de ces schistes gazéifères «avant» que les tours de forage ne poussent comme des champignons dans les campagnes ou sur les rives du fleuve.
Pour le porte-parole de l'Union des municipalités du Québec (UMQ) en matière d'environnement et maire de Valleyfield, Denis Lapointe, il faut un «débat public élargi avant d'aller de l'avant avec une réglementation et des projets, dont on ne peut pas se contenter d'examiner les impacts à la pièce.»
Le maire de Bécancour ajoute: «Québec exige qu'on réalise une étude d'impact pour le moindre bout de rue qu'on veut développer. Il serait normal qu'il nous indique clairement les impacts de tout ce développement, parce qu'on a l'impression que les ressources de notre sous-sol ne nous appartiennent plus. Et on est actuellement incapable de renseigner nos populations sur la nature et l'étendue de ces impacts.»
Louis-Gilles Francoeur
Édition du mardi 20 octobre 2009
Québec investira ainsi 4 millions dans les deux prochaines années dans un programme «d'acquisition de connaissances géoscientifiques», dont 1,1 million dans un contrat de levé magnétique par avion, qui couvrira 29 000 km2 entre la frontière des États-Unis et Montmagny. Québec veut ainsi déterminer le nombre et l'importance de gisements potentiels de gaz naturel pour accélérer les programmes d'exploration du secteur gazier.
Selon la ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Nathalie Normandeau, les évaluations qui ont démarré en 2008 indiquent que «si le quart du gaz naturel présent dans les basses terres du
Saint-Laurent était récupéré, la production pourrait répondre aux besoins du Québec pour une période pouvant atteindre 200 ans». La ministre n'a pas précisé cependant comment elle ralentirait l'exploitation et l'exportation de cette ressource une fois aux mains du secteur privé.
La ministre Normandeau, qui s'adressait hier à l'Association pétrolière et gazière du Québec, a aussi annoncé à ses membres qu'elle élaborerait avec eux et les «communautés concernées», «un projet de loi propre au secteur des hydrocarbures». Ce projet de loi, a-t-elle dit, «contiendra de nouvelles dispositions qui s'inspireront des meilleures pratiques observées au Canada en matière de mise en valeur des hydrocarbures».
Contrairement aux puits de gaz naturel traditionnels, que l'on explore et que l'on exploite par des forages verticaux, l'extraction du gaz des schistes se fait par des forages latéraux. On utilise souvent de puissantes charges de nitroglycérine pour fracturer le fond des puits ainsi forés. L'eau extraite avec le gaz est souvent fortement contaminée, ce qui peut menacer les nappes souterraines, notait un mémoire récent de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) déposé devant la Régie de l'énergie.
Mais la popularité croissante de cette technologie est telle aux États-Unis que l'abondance des réserves nationales a sensiblement augmenté, ce qui explique en partie la baisse actuelle des prix de ce combustible.
Inquiétude dans les municipalités
Au Québec, l'arrivée inopinée de camions et de tours de forage dans plusieurs municipalités commence à inquiéter les élus, une inquiétude que Québec veut calmer rapidement, car la confirmation récente de la validité du règlement de la petite municipalité d'Elgin pour protéger sa nappe souterraine incite plusieurs élus à utiliser le précédent contre les forages gaziers.
Mais la plupart des maires qui ont fouillé un peu le dossier, comme celui de Bécancour, Maurice Richard, sont conscients que la Loi des mines du Québec a priorité sur la plupart des autres lois québécoises, les règlements municipaux et les schémas des MRC.
Les trois MRC de Sorel, de Bécancour et de Nicolet-Yamaska font présentement front commun pour obtenir le droit de protéger leurs eaux souterraines, dont dépendent plusieurs usines d'eau potable, d'autant plus qu'en milieu rural, une autre partie importante de la population puise directement son eau dans le sol.
Selon le maire Maurice Richard, d'autres MRC, comme celle des Érables et de Lotbinière, pourraient s'ajouter à ce front commun d'élus qui ne veulent pas se retrouver aux prises avec des populations exacerbées par un développement non planifié, perturbateur de leur milieu de vie.
«On sait depuis 40 ans qu'il y a du gaz ici, dit-il. Des compagnies de l'Ouest sont venues, ont foré, ont tout refermé, puis sont parties. On n'a jamais su ce qu'elles avaient trouvé. On en reconnaît même qui reviennent aujourd'hui, comme la Garnett Drilling. Mais on sait que les poches de gaz sont nombreuses. À Sainte-Angèle de Bécancour, des familles se chauffaient avec le gaz récupéré du sol. Un restaurateur qui bénéficiait d'une flamme permanente près de la rive du fleuve avait nommé son restaurant Le puits qui flambe. Quand le puits s'est tari, il a renommé son établissement L'Accueil.»
Les verrous législatifs actuels ne sont pas forts, précise plus sérieusement le maire de Bécancour. Les municipalités peuvent difficilement refuser des autorisations alors que leurs règlements en la matière sont à peu près inexistants ou subordonnés à la Loi des mines. De son côté, la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) autoriserait à peu près n'importe quoi: «On a l'impression qu'elle est une machine distributrice à autorisations», dit-il avec cynisme.
Certaines municipalités de la région, comme Saint-David-de-Yamaska, ont décidé de bloquer l'exploration et l'exploitation des schistes gazéifères de leur sous-sol. Mais il faudra voir si leur opposition tiendra le coup devant la vieille loi des mines, que les écologistes ont qualifiée de «relent colonial» lors du débat sur la mine Osisko, en Abitibi.
Le président de l'AQLPA, André Bélisle, partage le voeu de plusieurs élus municipaux qui réclament un moratoire et une audience générique sur la pertinence et les conditions d'exploitation de ces schistes gazéifères «avant» que les tours de forage ne poussent comme des champignons dans les campagnes ou sur les rives du fleuve.
Pour le porte-parole de l'Union des municipalités du Québec (UMQ) en matière d'environnement et maire de Valleyfield, Denis Lapointe, il faut un «débat public élargi avant d'aller de l'avant avec une réglementation et des projets, dont on ne peut pas se contenter d'examiner les impacts à la pièce.»
Le maire de Bécancour ajoute: «Québec exige qu'on réalise une étude d'impact pour le moindre bout de rue qu'on veut développer. Il serait normal qu'il nous indique clairement les impacts de tout ce développement, parce qu'on a l'impression que les ressources de notre sous-sol ne nous appartiennent plus. Et on est actuellement incapable de renseigner nos populations sur la nature et l'étendue de ces impacts.»
Louis-Gilles Francoeur
Édition du mardi 20 octobre 2009