Cinq kilos de manioc par jour

"Mayi muhogo, mayi muhogo…", (traduisez : de l’eau contre une cossette de manioc…). Ainsi s’égosillent en swahili toute la journée, des enfants en guenilles pour couvrir le brouhaha du marché du beach Muhanzi situé au bord du lac Kivu, à Bukavu à l’Est de la République démocratique du Congo. Transportant des bidons de 3 et 5 litres d’eau sur la tête et tenant de petits gobelets à la main, ces enfants dont l’âge varie entre 8 et 16 ans, troquent de l’eau "potable" contre une ou deux cossettes de manioc, ou contre 10 Fc (0,02 $). Les vendeurs de manioc qui débarquent au port lacustre sont leurs clients de prédilection.
Déchargeant ses sacs d’une pirogue, une femme appelle l’un d’eux et d’un trait avale trois gobelets d’eau. "Je ne peux ouvrir tout de suite mes sacs, lui dit-t-elle en s’essuyant le front avec son pagne plein de farine. Repasse tantôt retirer quelques cossettes. D’ailleurs, ton eau est chaude…" La quittant d’un pas alerte, le gamin accourt vers une autre embarcation en train d’accoster.
Des centaines d’enfants vivent ainsi de ce système de troc à Bukavu, qui est courant dans bien de marchés de la ville. Selon Fernando Nkana, coordinateur de la fondation Solidarité des hommes, une association de défense des droits de l’enfant et de démobilisation d’ex-combattants, ces enfants proviennent essentiellement des familles en dislocation ou des familles d’accueil. Ils échangent l’eau contre des vivres (manioc, bananes, patates) pour aider à la survie des ménages.
Cinq kilos de manioc par jour
Le président du marché central de Kadutu, Bahati Mabanga, vit cette situation depuis les années 1990. Il explique que ces petits débrouillards sont plus nombreux dans les marchés entre les mois de juin et juillet, pendant la saison sèche. Durant cette période, en effet, il fait particulièrement chaud et il ne pleut pas. La ville devient alors poussiéreuse et les marchands prennent beaucoup d’eau.
Pour étancher leur soif, les enfants vont chaque matin chercher gratuitement de l’eau à l’Institut supérieur de développement rural (ISDR) de Bukavu, à 2 km du beach Muhanzi. A défaut, ils font le plein de leurs jerricanes à la fontaine du marché. Là, ils déboursent 10 Fc pour remplir un bidon, avant d’aller faire leur troc. "A la fin d’une journée, nous récoltons un à cinq kilos de cossettes de manioc", raconte Mwamini Furaha, 16 ans, qui habite Kaasha, un quartier de la périphérie de Bukavu.
L’adolescente fait partie d’un groupe de cinq enfants dont les parents sont soit chômeur, soit portefaix ou vigile. Le plus petit d’entre eux, Sadiki (8 ans), se dit orphelin de père. Sa mère, Veneranda Mwa Bigera, 40 ans, qui échange également des arachides contre des cossettes de manioc dans le même marché, la contredit aussitôt. "Mon mari, son père, n’est pas mort du tout, explique-t-elle. Il est parti depuis 2003 chercher de l’or dans le territoire de Mwenga, à environ 150 km au sud-ouest de Bukavu. Nous n’avons plus de ses nouvelles. Je me débrouille ici avec nos deux enfants".
La bonne affaire, ils la réalisent souvent le lundi et le vendredi, les jours où les Bahavu, habitants venus des villages riverains du lac Kivu, amènent par pirogues entières du manioc dans la ville de Bukavu, renseigne Vincent Chirimwami, meunier aux abords du marché.
Enfants à l’école, pas dans la rue
Pour alléger le dur labeur de ces enfants évalués à plus d’un millier à Bukavu, Natalina, une religieuse italienne de l’association Seigneur dans le monde, leur vient en aide. "Je paie, cette année, les frais scolaires pour 240 anciens ‘Mayi muhogo’ qui ont quitté les marchés des quartiers Bagira, Ciriri et Chai. Je suis en train de mener des enquêtes pour faire la même chose pour ceux des marchés de Kadutu et Panzi", explique-t-elle. Cette religieuse travaille avec des étudiants stagiaires des universités de la place pour mener des enquêtes sur la situation des enfants vendeurs d’eau, en vue de les remettre à l’école.
O.K, un enfant de Ciriri dont les parents ont divorcé, a aujourd’hui abandonné ce petit métier de rue. "La sœur blanche qui s’occupe des enfants accusés de sorcellerie me paie les études, dit-elle, reconnaissante. Je suis en 2ème année primaire. Maman veille que mon uniforme de l’école soit toujours propre et me donne un gros foufou (pâte de manioc, ndlr).
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Déchargeant ses sacs d’une pirogue, une femme appelle l’un d’eux et d’un trait avale trois gobelets d’eau. "Je ne peux ouvrir tout de suite mes sacs, lui dit-t-elle en s’essuyant le front avec son pagne plein de farine. Repasse tantôt retirer quelques cossettes. D’ailleurs, ton eau est chaude…" La quittant d’un pas alerte, le gamin accourt vers une autre embarcation en train d’accoster.
Des centaines d’enfants vivent ainsi de ce système de troc à Bukavu, qui est courant dans bien de marchés de la ville. Selon Fernando Nkana, coordinateur de la fondation Solidarité des hommes, une association de défense des droits de l’enfant et de démobilisation d’ex-combattants, ces enfants proviennent essentiellement des familles en dislocation ou des familles d’accueil. Ils échangent l’eau contre des vivres (manioc, bananes, patates) pour aider à la survie des ménages.
Cinq kilos de manioc par jour
Le président du marché central de Kadutu, Bahati Mabanga, vit cette situation depuis les années 1990. Il explique que ces petits débrouillards sont plus nombreux dans les marchés entre les mois de juin et juillet, pendant la saison sèche. Durant cette période, en effet, il fait particulièrement chaud et il ne pleut pas. La ville devient alors poussiéreuse et les marchands prennent beaucoup d’eau.
Pour étancher leur soif, les enfants vont chaque matin chercher gratuitement de l’eau à l’Institut supérieur de développement rural (ISDR) de Bukavu, à 2 km du beach Muhanzi. A défaut, ils font le plein de leurs jerricanes à la fontaine du marché. Là, ils déboursent 10 Fc pour remplir un bidon, avant d’aller faire leur troc. "A la fin d’une journée, nous récoltons un à cinq kilos de cossettes de manioc", raconte Mwamini Furaha, 16 ans, qui habite Kaasha, un quartier de la périphérie de Bukavu.
L’adolescente fait partie d’un groupe de cinq enfants dont les parents sont soit chômeur, soit portefaix ou vigile. Le plus petit d’entre eux, Sadiki (8 ans), se dit orphelin de père. Sa mère, Veneranda Mwa Bigera, 40 ans, qui échange également des arachides contre des cossettes de manioc dans le même marché, la contredit aussitôt. "Mon mari, son père, n’est pas mort du tout, explique-t-elle. Il est parti depuis 2003 chercher de l’or dans le territoire de Mwenga, à environ 150 km au sud-ouest de Bukavu. Nous n’avons plus de ses nouvelles. Je me débrouille ici avec nos deux enfants".
La bonne affaire, ils la réalisent souvent le lundi et le vendredi, les jours où les Bahavu, habitants venus des villages riverains du lac Kivu, amènent par pirogues entières du manioc dans la ville de Bukavu, renseigne Vincent Chirimwami, meunier aux abords du marché.
Enfants à l’école, pas dans la rue
Pour alléger le dur labeur de ces enfants évalués à plus d’un millier à Bukavu, Natalina, une religieuse italienne de l’association Seigneur dans le monde, leur vient en aide. "Je paie, cette année, les frais scolaires pour 240 anciens ‘Mayi muhogo’ qui ont quitté les marchés des quartiers Bagira, Ciriri et Chai. Je suis en train de mener des enquêtes pour faire la même chose pour ceux des marchés de Kadutu et Panzi", explique-t-elle. Cette religieuse travaille avec des étudiants stagiaires des universités de la place pour mener des enquêtes sur la situation des enfants vendeurs d’eau, en vue de les remettre à l’école.
O.K, un enfant de Ciriri dont les parents ont divorcé, a aujourd’hui abandonné ce petit métier de rue. "La sœur blanche qui s’occupe des enfants accusés de sorcellerie me paie les études, dit-elle, reconnaissante. Je suis en 2ème année primaire. Maman veille que mon uniforme de l’école soit toujours propre et me donne un gros foufou (pâte de manioc, ndlr).
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