Rachat de la Saur par EQT : un jour sans fin…
par Jérôme Caby
Professeur des Universités, IAE Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
(The Coversation France, 27 août 2018)
Le 23 juillet 2018, la Saur, n° 3 français de la gestion de l’eau,
annonce qu’elle est entrée en négociations exclusives avec le fonds
d’investissement suédois EQT en vue de son rachat. Cette annonce
intervient après de nombreux rachats successifs de la société et des
opérations de LBO (leveraged buy-out, rachat avec effet de levier) qui
ont conduit cette entreprise au bord de la disparition. Ce nouveau
rebondissement est-il l’illustration de Voyage au bout de l’enfer ou
de La vie est belle (de Frank Capra), seul l’avenir nous le dira, mais
pour l’instant, c’est sans conteste Un jour sans fin.
La période Bouygues (1984–2005) : jusqu’ici tout va bien…
Créée en 1933 à Angoulême, la Société d’Aménagement Urbain et Rural
(Saur) est alors spécialisée dans les métiers de la production et de
la distribution de l’eau potable et du traitement des eaux usées. En
1984, Bouygues en devient l’actionnaire majoritaire. Saur
International voit le jour en 1994, à la suite d’un accord entre
Bouygues et EDF. La Saur rachète la filiale environnement de
Saint-Gobain (Cise) en 1997. Après qu’EDF a cédé sa participation dans
le capital, Bouygues devient l’unique actionnaire en 2001, et ce
jusqu’en 2005. Cette année-là, Bouygues se désengage du groupe au
profit de PAI partners pour un peu plus de 1 milliards d’euros via un
LBO et ne conserve que 10 % du capital (qu’elle revendra en 2006) et
les activités en Afrique et en Italie (530 millions d’euros de
chiffres d’affaires).
Bouygues, en revendant la Saur souhaite se concentrer sur ses trois
métiers, la communication (TF1), le téléphone (Bouygues Telecom) et la
construction (Colas) et ne peut céder la société aux autres acteurs du
secteur (Suez, Veolia) en raison de la réglementation sur la
concurrence. À ce moment-là, la société dessert en eau potable et
assure le traitement des eaux usées de 6 millions d’habitants dans
7000 communes de l’hexagone. Son chiffre d’affaires est de 2,45
milliards d’euros en 2003, dont 1,7 pour la France. Après un déficit
de 17 millions d’euros en 2003, la Saur renoue au premier semestre
2004 avec le profit.
Le début de l’engrenage : le rapide passage d’un premier fonds PAI
partners (2005–2007)
En 2007, PAI partners cède ses parts à la Caisse des Dépôts et
consignations (47 %), Séché Environnement (33 %) et un fonds
d’investissement dédié aux infrastructures géré par Axa (20 %). En
2008, la Caisse des Dépôts et consignations et Axa Private Equity
vendent respectivement 9 % et 3 % du capital à Cube Infrastructure,
fonds de Natixis. La transaction atteint 1,72 milliard d’euros, plus
une dette de 764 millions, ce qui valorise l’entreprise à près de 2,5
milliards d’euros. PAI Partners réalise une plus-value de 700 millions
d’euros. Pas moins d’une dizaine de candidats étaient en compétition
dont les fonds Eurazeo, LBO France, Terra Firma, Axa Private Equity ou
la banque australienne Macquarie.
La dimension politique a pesé lourd dans le choix des repreneurs, les
clients, maires et présidents d’agglomération, étant très opposés à la
reprise par un fonds en particulier étranger. En contrepartie, le prix
est considéré comme très élevé, 16 fois l’EBITDA (excédent brut
d’exploitation).
Pendant la gestion de PAI Partners, le chiffre d’affaires de la Saur a
baissé (de 1,57 milliard en 2005 à 1,397 milliard sur l’exercice clos
au 30 mars 2006), tout comme le résultat d’exploitation (de 91,1
millions d’euros à 75,2 millions sur la même période). En mars 2006,
le résultat net était déficitaire de 27,3 millions d’euros, en raison,
notamment, du lourd endettement créé par le LBO.
À ce moment-là, la Saur est, loin derrière Suez et Veolia, le
troisième opérateur français de distribution d’eau, avec 10 % du
marché, et 5 700 contrats desservant 5,5 millions de clients. Sa
filiale Coveb a signé plus de 1 000 contrats de collecte d’ordures
ménagères, tandis que sa filiale Stereau fait aussi de la Saur une
spécialiste de la construction de stations d’épuration et d’ouvrages
liés au traitement de l’eau.
La Saur au bord du gouffre (2007–2013)
Très vite, l’actionnariat se divise et Joël Séché qui veut fusionner
la Saur et Séché Environnement n’y parvient pas en raison notamment
des exigences financières du FSI (Fonds Stratégique d’Investissement)
qui a repris en 2009 et contre son gré la participation de la CDC. La
direction de Saur en subit les conséquences avec une succession rapide
de dirigeants et le modèle économique de la Saur se dégrade.
Si le chiffre d’affaires parvient encore à croître (1,7 milliard
d’euros en 2012), c’est au prix d’une chute de la rentabilité alors
qu’elle doit continuer à remonter des dividendes pour assurer le
service de la dette du LBO. En juin 2012, la Saur ne respecte pas un
covenant (une condition d’un prêt qui remet en cause celui-ci du fait
de son non-respect, par exemple un ratio d’endettement) ; la Saur doit
rembourser les banques alors que sa dette représente plus de huit fois
son résultat opérationnel. Dette, qui, il faut le rappeler, n’est pas
liée au financement de son activité, mais à celui du LBO, alors que la
situation économique de la Saur reste fondamentalement viable.
En 2013, face à un endettement proche de deux milliards d’euros, la
Saur est en difficulté, proche de la faillite et placée sous mandat ad
hoc par le tribunal de commerce de Versailles. Le business plan monté
à l’appui du rachat en 2007 a péché par un très grand optimisme pour
justifier la valorisation très élevée. Avec 63 banques impliquées,
dont BNP Paribas à hauteur de 500 millions d’euros, une solution doit
être trouvée pour cette entreprise qui pèse 13 000 emplois, dont 10
000 en France et prend un tour politique compte tenu de son activité.
Le sauvetage par les banques créancières (2013–2018)
Le 26 juillet 2013, le tribunal de commerce de Versailles approuve une
reprise de la Saur emmenée par les banques créancières BNP Paribas (21
%), Natixis (Groupe BPCE, 13 %) et Royal Bank of Scotland (16 %). Ce
plan prévoit la reprise de 100 % de la holding de contrôle Hime (créée
à l’occasion des LBO pour porter les investissements en capital et la
dette) en échange de l’abandon d’environ la moitié de la dette. Les
actionnaires précédents cèdent leurs participations pour un
dédommagement symbolique.
La dette est ramenée à 900 millions d’euros (contre plus de 1,7
milliard auparavant), ainsi qu’une division des charges d’intérêt par
3. L’accord prévoit également une clause de flexibilité permettant de
réduire la dette à 750 millions d’euros en cas de difficultés. La Saur
bénéficie également de lignes de crédit nouvelles pour 200 millions
d’euros. La direction s’est engagée à ne pas licencier, mais plusieurs
centaines de postes seraient progressivement supprimés à la suite de
départs en retraite selon les syndicats.
En janvier 2014, le dirigeant de la Saur, Olivier Brousse, est à
nouveau remercié de ses fonctions de président exécutif sans que cela
se traduise par une réorientation stratégique. En 2015, deux fonds
d’investissement anglo-saxons, Angelo, Gordon & Co et Capula
Investment Management, reprennent la participation détenue par Royal
Bank of Scotland pour détenir 17 % de l’entreprise tandis que des
rumeurs font état d’un possible rachat de la Saur par le géant
espagnol du BTP, FCC, les banques n’ayant pas vocation à rester
éternellement dans le capital.
Le 5 avril 2017, la Saur annonce la cession officielle de sa filiale
propreté (Coved, 2 800 collaborateurs, 344 millions d’euros de chiffre
d’affaires) au groupe Paprec (spécialiste français du recyclage) pour
un prix estimé entre 220 et 280 millions d’euros. Le chiffre
d’affaires 2017 (hors propreté) de la Saur est désormais de 1,29
milliard d’euros (1,25 milliard en 2016) et le groupe compte 9 000
collaborateurs.
Des LBO facteurs de déstabilisation des entreprises
La Saur qui opère dans un secteur particulièrement stable avec une
visibilité de très long terme a pourtant connu bien des difficultés.
Celles-ci n’ont que peu à voir avec son activité, mais tout avec les
modifications incessantes de son actionnariat et avec les montages
financiers fondés sur un très lourd endettement (LBO) que l’entreprise
est censée financer et rembourser elle-même pour générer une
plus-value aux profits de ses actionnaires. D’autres entreprises comme
SoLocal (Pages Jaunes) ou Vivarte ont connu de telles mésaventures au
cours de la période récente. Même si d’autres opérations ont rencontré
le succès, le bilan de ces opérations n’est pas réellement favorable.
Nicolas Bedu et Jean‑Étienne Palard (« L’impact des LBO sur la
défaillance des entreprises : le cas des cibles françaises (2000-2010)
», Finance – Contrôle – Stratégie, Vol. 17, n°2, 2014) ont étudié
l’impact des LBO sur la défaillance des entreprises françaises de 2000
à 2010 en observant 626 opérations de LBO en France dont 55 ont fait
l’objet d’une défaillance. Leur étude montre notamment que le taux de
défaillance des entreprises cibles reprises en LBO est
significativement plus élevé que celui d’entreprises qui avaient une
probabilité similaire de faire l’objet d’un LBO (mais qui ne l’ont pas
été) et que le taux de défaillance est positivement corrélé avec le
niveau d’endettement contracté lors de l’opération de LBO qui tend à
accroître le risque de défaillance des entreprises cibles.
Ils indiquent également :
« Ceci nous conduit à conclure que le risque de défaillance des cibles
induit par l’effet de levier financier propre aux LBO n’est pas
compensé par une performance économique post-LBO élevée due à
l’amélioration de leur gestion opérationnelle, c’est-à-dire l’effet de
levier organisationnel. »
Quel sera l’avenir de la Saur à la suite du rachat par EQT ? Il est
bien difficile de répondre à cette question sachant que l’on ne
connaît pas à ce jour les modalités financières de l’opération et que
la société holding Hime reste lourdement endettée.
par Jérôme Caby
Professeur des Universités, IAE Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
(The Coversation France, 27 août 2018)
Le 23 juillet 2018, la Saur, n° 3 français de la gestion de l’eau,
annonce qu’elle est entrée en négociations exclusives avec le fonds
d’investissement suédois EQT en vue de son rachat. Cette annonce
intervient après de nombreux rachats successifs de la société et des
opérations de LBO (leveraged buy-out, rachat avec effet de levier) qui
ont conduit cette entreprise au bord de la disparition. Ce nouveau
rebondissement est-il l’illustration de Voyage au bout de l’enfer ou
de La vie est belle (de Frank Capra), seul l’avenir nous le dira, mais
pour l’instant, c’est sans conteste Un jour sans fin.
La période Bouygues (1984–2005) : jusqu’ici tout va bien…
Créée en 1933 à Angoulême, la Société d’Aménagement Urbain et Rural
(Saur) est alors spécialisée dans les métiers de la production et de
la distribution de l’eau potable et du traitement des eaux usées. En
1984, Bouygues en devient l’actionnaire majoritaire. Saur
International voit le jour en 1994, à la suite d’un accord entre
Bouygues et EDF. La Saur rachète la filiale environnement de
Saint-Gobain (Cise) en 1997. Après qu’EDF a cédé sa participation dans
le capital, Bouygues devient l’unique actionnaire en 2001, et ce
jusqu’en 2005. Cette année-là, Bouygues se désengage du groupe au
profit de PAI partners pour un peu plus de 1 milliards d’euros via un
LBO et ne conserve que 10 % du capital (qu’elle revendra en 2006) et
les activités en Afrique et en Italie (530 millions d’euros de
chiffres d’affaires).
Bouygues, en revendant la Saur souhaite se concentrer sur ses trois
métiers, la communication (TF1), le téléphone (Bouygues Telecom) et la
construction (Colas) et ne peut céder la société aux autres acteurs du
secteur (Suez, Veolia) en raison de la réglementation sur la
concurrence. À ce moment-là, la société dessert en eau potable et
assure le traitement des eaux usées de 6 millions d’habitants dans
7000 communes de l’hexagone. Son chiffre d’affaires est de 2,45
milliards d’euros en 2003, dont 1,7 pour la France. Après un déficit
de 17 millions d’euros en 2003, la Saur renoue au premier semestre
2004 avec le profit.
Le début de l’engrenage : le rapide passage d’un premier fonds PAI
partners (2005–2007)
En 2007, PAI partners cède ses parts à la Caisse des Dépôts et
consignations (47 %), Séché Environnement (33 %) et un fonds
d’investissement dédié aux infrastructures géré par Axa (20 %). En
2008, la Caisse des Dépôts et consignations et Axa Private Equity
vendent respectivement 9 % et 3 % du capital à Cube Infrastructure,
fonds de Natixis. La transaction atteint 1,72 milliard d’euros, plus
une dette de 764 millions, ce qui valorise l’entreprise à près de 2,5
milliards d’euros. PAI Partners réalise une plus-value de 700 millions
d’euros. Pas moins d’une dizaine de candidats étaient en compétition
dont les fonds Eurazeo, LBO France, Terra Firma, Axa Private Equity ou
la banque australienne Macquarie.
La dimension politique a pesé lourd dans le choix des repreneurs, les
clients, maires et présidents d’agglomération, étant très opposés à la
reprise par un fonds en particulier étranger. En contrepartie, le prix
est considéré comme très élevé, 16 fois l’EBITDA (excédent brut
d’exploitation).
Pendant la gestion de PAI Partners, le chiffre d’affaires de la Saur a
baissé (de 1,57 milliard en 2005 à 1,397 milliard sur l’exercice clos
au 30 mars 2006), tout comme le résultat d’exploitation (de 91,1
millions d’euros à 75,2 millions sur la même période). En mars 2006,
le résultat net était déficitaire de 27,3 millions d’euros, en raison,
notamment, du lourd endettement créé par le LBO.
À ce moment-là, la Saur est, loin derrière Suez et Veolia, le
troisième opérateur français de distribution d’eau, avec 10 % du
marché, et 5 700 contrats desservant 5,5 millions de clients. Sa
filiale Coveb a signé plus de 1 000 contrats de collecte d’ordures
ménagères, tandis que sa filiale Stereau fait aussi de la Saur une
spécialiste de la construction de stations d’épuration et d’ouvrages
liés au traitement de l’eau.
La Saur au bord du gouffre (2007–2013)
Très vite, l’actionnariat se divise et Joël Séché qui veut fusionner
la Saur et Séché Environnement n’y parvient pas en raison notamment
des exigences financières du FSI (Fonds Stratégique d’Investissement)
qui a repris en 2009 et contre son gré la participation de la CDC. La
direction de Saur en subit les conséquences avec une succession rapide
de dirigeants et le modèle économique de la Saur se dégrade.
Si le chiffre d’affaires parvient encore à croître (1,7 milliard
d’euros en 2012), c’est au prix d’une chute de la rentabilité alors
qu’elle doit continuer à remonter des dividendes pour assurer le
service de la dette du LBO. En juin 2012, la Saur ne respecte pas un
covenant (une condition d’un prêt qui remet en cause celui-ci du fait
de son non-respect, par exemple un ratio d’endettement) ; la Saur doit
rembourser les banques alors que sa dette représente plus de huit fois
son résultat opérationnel. Dette, qui, il faut le rappeler, n’est pas
liée au financement de son activité, mais à celui du LBO, alors que la
situation économique de la Saur reste fondamentalement viable.
En 2013, face à un endettement proche de deux milliards d’euros, la
Saur est en difficulté, proche de la faillite et placée sous mandat ad
hoc par le tribunal de commerce de Versailles. Le business plan monté
à l’appui du rachat en 2007 a péché par un très grand optimisme pour
justifier la valorisation très élevée. Avec 63 banques impliquées,
dont BNP Paribas à hauteur de 500 millions d’euros, une solution doit
être trouvée pour cette entreprise qui pèse 13 000 emplois, dont 10
000 en France et prend un tour politique compte tenu de son activité.
Le sauvetage par les banques créancières (2013–2018)
Le 26 juillet 2013, le tribunal de commerce de Versailles approuve une
reprise de la Saur emmenée par les banques créancières BNP Paribas (21
%), Natixis (Groupe BPCE, 13 %) et Royal Bank of Scotland (16 %). Ce
plan prévoit la reprise de 100 % de la holding de contrôle Hime (créée
à l’occasion des LBO pour porter les investissements en capital et la
dette) en échange de l’abandon d’environ la moitié de la dette. Les
actionnaires précédents cèdent leurs participations pour un
dédommagement symbolique.
La dette est ramenée à 900 millions d’euros (contre plus de 1,7
milliard auparavant), ainsi qu’une division des charges d’intérêt par
3. L’accord prévoit également une clause de flexibilité permettant de
réduire la dette à 750 millions d’euros en cas de difficultés. La Saur
bénéficie également de lignes de crédit nouvelles pour 200 millions
d’euros. La direction s’est engagée à ne pas licencier, mais plusieurs
centaines de postes seraient progressivement supprimés à la suite de
départs en retraite selon les syndicats.
En janvier 2014, le dirigeant de la Saur, Olivier Brousse, est à
nouveau remercié de ses fonctions de président exécutif sans que cela
se traduise par une réorientation stratégique. En 2015, deux fonds
d’investissement anglo-saxons, Angelo, Gordon & Co et Capula
Investment Management, reprennent la participation détenue par Royal
Bank of Scotland pour détenir 17 % de l’entreprise tandis que des
rumeurs font état d’un possible rachat de la Saur par le géant
espagnol du BTP, FCC, les banques n’ayant pas vocation à rester
éternellement dans le capital.
Le 5 avril 2017, la Saur annonce la cession officielle de sa filiale
propreté (Coved, 2 800 collaborateurs, 344 millions d’euros de chiffre
d’affaires) au groupe Paprec (spécialiste français du recyclage) pour
un prix estimé entre 220 et 280 millions d’euros. Le chiffre
d’affaires 2017 (hors propreté) de la Saur est désormais de 1,29
milliard d’euros (1,25 milliard en 2016) et le groupe compte 9 000
collaborateurs.
Des LBO facteurs de déstabilisation des entreprises
La Saur qui opère dans un secteur particulièrement stable avec une
visibilité de très long terme a pourtant connu bien des difficultés.
Celles-ci n’ont que peu à voir avec son activité, mais tout avec les
modifications incessantes de son actionnariat et avec les montages
financiers fondés sur un très lourd endettement (LBO) que l’entreprise
est censée financer et rembourser elle-même pour générer une
plus-value aux profits de ses actionnaires. D’autres entreprises comme
SoLocal (Pages Jaunes) ou Vivarte ont connu de telles mésaventures au
cours de la période récente. Même si d’autres opérations ont rencontré
le succès, le bilan de ces opérations n’est pas réellement favorable.
Nicolas Bedu et Jean‑Étienne Palard (« L’impact des LBO sur la
défaillance des entreprises : le cas des cibles françaises (2000-2010)
», Finance – Contrôle – Stratégie, Vol. 17, n°2, 2014) ont étudié
l’impact des LBO sur la défaillance des entreprises françaises de 2000
à 2010 en observant 626 opérations de LBO en France dont 55 ont fait
l’objet d’une défaillance. Leur étude montre notamment que le taux de
défaillance des entreprises cibles reprises en LBO est
significativement plus élevé que celui d’entreprises qui avaient une
probabilité similaire de faire l’objet d’un LBO (mais qui ne l’ont pas
été) et que le taux de défaillance est positivement corrélé avec le
niveau d’endettement contracté lors de l’opération de LBO qui tend à
accroître le risque de défaillance des entreprises cibles.
Ils indiquent également :
« Ceci nous conduit à conclure que le risque de défaillance des cibles
induit par l’effet de levier financier propre aux LBO n’est pas
compensé par une performance économique post-LBO élevée due à
l’amélioration de leur gestion opérationnelle, c’est-à-dire l’effet de
levier organisationnel. »
Quel sera l’avenir de la Saur à la suite du rachat par EQT ? Il est
bien difficile de répondre à cette question sachant que l’on ne
connaît pas à ce jour les modalités financières de l’opération et que
la société holding Hime reste lourdement endettée.