L'amende de 28 millions d'euros - assortie d'astreintes journalières de 117.882 euros - infligée par la Cour de justice européenne à la France pour non-respect en Bretagne de la directive sur les nitrates, pourrait bien être suivie d'autres. Le dossier des eaux résiduaires urbaines (ERU» pour les spécialistes) se révèle tout aussi explosif. Selon le rapport d'activité de la police de l'eau - publié en 2006 mais resté jusqu'ici confidentiel - sur la qualité des rejets des quelque 9.000 stations françaises, au terme de 4.335 vérifications, 997 se sont révélés non conformes. A partir de ces constatations, 757 procédures ont été engagées. « La mise en conformité des stations d'épuration constitue un enjeu prioritaire. Il s'agit du premier risque de contentieux communautaire », affirme le rapport avant d'évoquer un retard « très important et non acceptable ».
Au total, au titre de l'échéance de 1998 (il y a neuf ans !) de la directive européenne sur les stations des grandes villes, pas moins de 83 rejettent encore aujourd'hui une eau polluée dans la nature. Environ 50 stations devraient être rénovées d'ici à la fin de l'année, 35 en 2008, mais il faudrait attendre 2010 pour les dernières. Quant à l'échéance de 2000 concernant les stations des villes moyennes, une cinquantaine restent non conformes. Tout en reconnaissant que l'Etat français a tardé à transposer les textes et à désigner les zones sensibles dans lesquelles devait être relevé en priorité le niveau d'épuration (notamment en Seine-Maritime), les spécialistes soulignent la responsabilité de collectivités comme Paris, Versailles ou Bordeaux qui ne respectent pas la loi.
Une réfection de la station d'épuration suppose en effet d'augmenter le prix de l'eau, mesure impopulaire auprès des administrés si elle reste inexpliquée. Le rapport de la sénatrice Fabienne Keller sur la politique de l'eau, publié en juin dernier, rappelle que la menace contentieuse porte sur plusieurs centaines de millions d'euros. « Les lignes de trésorerie mobilisées par les agences de l'eau ont été longtemps notoirement sous-utilisées », affirme-t-elle. L'équivalent des collectivités locales territoriales au Royaume-Uni ou en Allemagne réalisent leurs travaux à un rythme deux fois plus élevé et sans subventions, souligne le rapport.
Après quatre circulaires envoyées aux préfets par les ministres de l'Ecologie respectifs entre 2002 et 2006 leur enjoignant de rappeler les maires à l'ordre, une nouvelle mise en demeure a été lancée en janvier par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy. En juin, 32 préfets ont rendu compte en indiquant que 63 mises en demeure avaient été engagées, et 77 autres le seront prochainement.
Plus efficace potentiellement, mais difficilement maniable, les préfets ont été priés d'appliquer la procédure de « blocage de l'urbanisme », qui fait que tant que la situation n'est pas rétablie, tout projet de lotissement urbain est suspendu. L'administration prévoit également une forme d'action « récursoire » de l'Etat contre les collectivités locales. Formulée devant le Conseil interministériel pour l'Europe du 6 février dernier, cette proposition permettrait au gouvernement de faire assumer la charge financière d'une éventuelle sanction pécuniaire par les villes concernées. Ce qui les inciterait à lancer les travaux plus rapidement.