Suez Environnement déclare la guerre à Veolia sur le marché de l'eau en Ile-de-France dans les Echos
Le renouvellement du plus gros contrat de délégation d'eau en Europe - un marché de plus de 350 millions d'euros par an - aiguise les appétits. Gérard Mestrallet, président de GDF Suez, et Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, engagent une campagne offensive auprès des maires des 144 communes membres du Syndicat des eaux d'Ile-de-France.
Du jamais-vu ! Quelques mois avant la fin du contrat qui lie Veolia au Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) - la plus importante délégation de service public en Europe avec 1 million de mètres cubes d'eau distribués chaque jour à 4,2 millions de Franciliens - Suez Environnement frappe un grand coup. Hier, les maires des 144 communes membres du Sedif ont reçu une lettre signée de Gérard Mestrallet, président de GDF Suez, et de Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement. Les deux hommes font savoir qu'ils seront candidats à l'appel d'offres en préparation. Surtout, ils osent réclamer ce que le bureau du Syndicat des eaux d'Ile-de-France n'a pas prévu : diviser le contrat en plusieurs parties.
Vote le 11 décembre
« L'allotissement est la garantie d'un meilleur choix pour le syndicat et d'un meilleur service pour les usagers en termes de qualité de l'eau, de tarification sociale et d'écoute des consommateurs. L'étendue du service à déléguer donne à l'opérateur sortant un avantage considérable. «Allotir» signifie respecter l'égalité entre les candidats et intensifier la concurrence », affirme le courrier.
A première vue, Suez Environnement (Lyonnaise des Eaux sur le marché français) joue contre son propre camp en faisant une telle demande et prend le risque de rater un marché de plus de 350 millions d'euros par an.
En fait, le groupe le reconnaît, il tente d'éviter de se faire écarter par un concurrent (Veolia Environnement, ex-Générale des Eaux) dont le contrat date de... 1962, avec une première attribution en 1923. Les 142 délégués représentant les 144 communes membres du Sedif sont appelés à voter le 11 décembre prochain sur le futur mode de gestion du syndicat. Le contrat de régie dite « intéressée » arrive à échéance fin 2010, un appel d'offres international doit être lancé au printemps prochain. Le Sedif a fait étudier quatre scénarios, deux en gestion directe avec régie publique et deux en gestion déléguée au privé. Il en ressort une économie possible de 40 à 45 millions d'euros par an ! Un chiffre que le Sedif ne conteste pas, alors que l'association de consommateurs UFC-Que Choisir avance une fourchette de 80 à 90 millions.
En octobre, le bureau du Syndicat s'est prononcé en faveur d'une délégation au privé, avec le système de la régie intéressée qui sera, affirme André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique, maire d'Issy-les-Moulineaux et président du Sedif, « profondément rénovée, avec une maîtrise publique renforcée et un coût plus contrôlé ». C'est ce scénario qui sera proposé en décembre. Un choix contre lequel les élus de gauche s'élèvent. Ils veulent obtenir, comme à Paris, la création d'une régie publique. « Tous les arguments de bon sens montrent qu'elle donnerait une eau moins chère », justifie par exemple Philippe Kaltenbach, maire (PS) de Clamart. L'élu estime aussi que le choix d'une régie intéressée donne un avantage au sortant.
« La qualité et la sécurité ont été les premiers critères pour ce choix et non le prix », rétorque André Santini. Il affirme que les concurrents sont prêts à casser les prix pour obtenir ce marché colossal. L'élu verrait-il un inconvénient à ce que la Direction générale de la concurrence demande un allotissement du contrat ? « Si les autorités de tutelle le veulent, nous obéirons à leurs remarques », assure le président du Sedif.
Les Echos
LE SEDIF