
Société nationale de protection de la nature
PERSONNE ne connait ce lac, situé à seulement dix minutes de Nantes. C'est pourtant le plus vieux lac de France, avec 120 millons d'années au compteur, et aussi le plus grand : en hiver il couvre 6300 hectares de surface. C'est, enfin, un trésor écologique d'importance mondiale, notamment à cause du l'extraordinaire variété d'oiseaux qui y nichent. La plus grande colonie mondiale de hérons continue de s'y reproduire.
Mais ce qui pourrait être un miracle commence à ressembler à un grand désastre à la française. Le lac de Grand-Lieu s'envase et se charge de folles quantités de végétaux qui peu à peu l'étouffent.
La raison ? "
Depuis 2002, se désole Loïc Marion, scientifique réputé et chercheur au CNRS, le niveau légal, prévu par un arrêté ministériel de 1996, n'est plus respecté." Loïc Marion qui dirigea pendant vingt ans la Réserve naturelle du lac (près de 2700 hectares d'eau libre, de roselières et de bois flottants de saules et d'aulnes), vient d'ailleurs de s'en faire éjecter comme un malpropre par le gestionnaire, la Société nationale de protection de la nature (SNPN). Et le professeur Jean-Claude Lefeuvre, spécialiste mondialement reconnu des zones humides, l'avait précédé, démissionnant en octobre de la présidence du conseil scientifique du lac, pour protester contre le désastre en cours.
Petit retour en arrière.
A la fin des années 50, le parfumeur Jean-Pierre Guerlain acquiert le lac de Grand-Lieu. Il en a fait sa chasse privée. Le week-end, on peut voir Giscard et le frère du Shah d'Iran canarder les canards à tire-larigot (pas plus de 400 par jour et par personne ! leur conseille Guerlain). Parallèlement Loïc Marion, alors jeune ornithologue, découvre avec son frère, à force d'y baguer des hérons, les fabuleuses richesses (faune et flore) du site. En 1972, âgé de 19 ans, le jeune manant écrit au seigneur des lieux. Sachant que ce dernier n'a pas d'héritier, il lui conseille carrément de faire dont du lac à l'Etat et d'en confier la gestion à la SNPN.
Le parfumeur le reçoit fraîchement. Puis finit par être convaincu : la SNPN, héritière en ligne directe des Sociétés Savantes du XIXè siècle, et par ailleurs déjà gestionnaire de la réserve nationale de Camargue, accepte joyeusement ce beau cadeau. Et nomme Marion, directeur de la réserve naturelle créée en 1977.
Et les ennuis commencent.
Si le lac, de très faible profondeur (l'eau ne dépasse pas 1 mètre en moyenne l'été), est interdit de navigation, il reçoit des eaux polluées par des épandages agricoles. Des écluses commandent son niveau, lequel doit être relativement élevé pour assurer son bon état écologique. Mais les paysans des rives exigent un niveau bas : ainsi au printemps, sur les terres rapidement libérées, ils peuvent faire paître leurs bêtes. La bataille des centimètres fait rage.
Dix de plus !, dit Marion. Vingt de moins !, veulent les paysans. ça n'arrête pas. En 1995, après que le ministère de l'Environnement a décrété un niveau d'eau supérieur de 40 cm au précédent, agriculteurs et chasseurs furibards ouvrent nuitamment les vannes et vident le lac. S'ensuit une épidémie de botulisme qui tue la plupart des oiseaux. L'année d'après, les CRS patrouillent jour et nuit pour protéger les vannes. Autres râleurs : les rares pêcheurs professionnels autorisés à poser leurs filets (ils sont huit), qui refusent que le conseil scientifique du lac leur dicte la taille de leurs prises ; et les chasseurs, qui supportent mal d'avoir un droit de chasse limité.
ET à force...
A force la SNPN, officiellement au service de l'écologie, a mis de l'eau dans son vin bio. Ecarté Marion, l'empêcheur de négocier en rond. Passé des accords avec les paysans du coin, les chasseurs et les pêcheurs. Et accepté un faible niveau d'eau écologiquement désastreux, comme le prouvent plusieurs études. Ce que nie la SNPN : " il n'y a pas d'envasement à Grand-Lieu" affirme au Canard Michel Echaubard, son secrétaire général. La paix civile n'a pas de prix.
Comme si cela ne suffisait pas, l'affaire se double d'un stupide conflit immobilier : la superbe demeure de Guerlain, appelée à devenir le siège de la réserve nécessite des travaux de restauration. Pour financer ceux-ci, l'Etat demande à la SNPN de vendre deux bâtisses qu'il lui a achetées, et qui sont à son nom. Mais elle refuse, telle une vieille dame indigne crispée sur ses biens immobiliers.
C'est ça le problème avec certains écolos : ils commencent idéalistes et finissent avec une mentalité de proprios.
Les sites :
http://museepaysderetz.free.fr/lac-grand-lieu.html
http://www.mairie-bouaye.fr/html/grand_lieu.html
Mais ce qui pourrait être un miracle commence à ressembler à un grand désastre à la française. Le lac de Grand-Lieu s'envase et se charge de folles quantités de végétaux qui peu à peu l'étouffent.
La raison ? "
Depuis 2002, se désole Loïc Marion, scientifique réputé et chercheur au CNRS, le niveau légal, prévu par un arrêté ministériel de 1996, n'est plus respecté." Loïc Marion qui dirigea pendant vingt ans la Réserve naturelle du lac (près de 2700 hectares d'eau libre, de roselières et de bois flottants de saules et d'aulnes), vient d'ailleurs de s'en faire éjecter comme un malpropre par le gestionnaire, la Société nationale de protection de la nature (SNPN). Et le professeur Jean-Claude Lefeuvre, spécialiste mondialement reconnu des zones humides, l'avait précédé, démissionnant en octobre de la présidence du conseil scientifique du lac, pour protester contre le désastre en cours.
Petit retour en arrière.
A la fin des années 50, le parfumeur Jean-Pierre Guerlain acquiert le lac de Grand-Lieu. Il en a fait sa chasse privée. Le week-end, on peut voir Giscard et le frère du Shah d'Iran canarder les canards à tire-larigot (pas plus de 400 par jour et par personne ! leur conseille Guerlain). Parallèlement Loïc Marion, alors jeune ornithologue, découvre avec son frère, à force d'y baguer des hérons, les fabuleuses richesses (faune et flore) du site. En 1972, âgé de 19 ans, le jeune manant écrit au seigneur des lieux. Sachant que ce dernier n'a pas d'héritier, il lui conseille carrément de faire dont du lac à l'Etat et d'en confier la gestion à la SNPN.
Le parfumeur le reçoit fraîchement. Puis finit par être convaincu : la SNPN, héritière en ligne directe des Sociétés Savantes du XIXè siècle, et par ailleurs déjà gestionnaire de la réserve nationale de Camargue, accepte joyeusement ce beau cadeau. Et nomme Marion, directeur de la réserve naturelle créée en 1977.
Et les ennuis commencent.
Si le lac, de très faible profondeur (l'eau ne dépasse pas 1 mètre en moyenne l'été), est interdit de navigation, il reçoit des eaux polluées par des épandages agricoles. Des écluses commandent son niveau, lequel doit être relativement élevé pour assurer son bon état écologique. Mais les paysans des rives exigent un niveau bas : ainsi au printemps, sur les terres rapidement libérées, ils peuvent faire paître leurs bêtes. La bataille des centimètres fait rage.
Dix de plus !, dit Marion. Vingt de moins !, veulent les paysans. ça n'arrête pas. En 1995, après que le ministère de l'Environnement a décrété un niveau d'eau supérieur de 40 cm au précédent, agriculteurs et chasseurs furibards ouvrent nuitamment les vannes et vident le lac. S'ensuit une épidémie de botulisme qui tue la plupart des oiseaux. L'année d'après, les CRS patrouillent jour et nuit pour protéger les vannes. Autres râleurs : les rares pêcheurs professionnels autorisés à poser leurs filets (ils sont huit), qui refusent que le conseil scientifique du lac leur dicte la taille de leurs prises ; et les chasseurs, qui supportent mal d'avoir un droit de chasse limité.
ET à force...
A force la SNPN, officiellement au service de l'écologie, a mis de l'eau dans son vin bio. Ecarté Marion, l'empêcheur de négocier en rond. Passé des accords avec les paysans du coin, les chasseurs et les pêcheurs. Et accepté un faible niveau d'eau écologiquement désastreux, comme le prouvent plusieurs études. Ce que nie la SNPN : " il n'y a pas d'envasement à Grand-Lieu" affirme au Canard Michel Echaubard, son secrétaire général. La paix civile n'a pas de prix.
Comme si cela ne suffisait pas, l'affaire se double d'un stupide conflit immobilier : la superbe demeure de Guerlain, appelée à devenir le siège de la réserve nécessite des travaux de restauration. Pour financer ceux-ci, l'Etat demande à la SNPN de vendre deux bâtisses qu'il lui a achetées, et qui sont à son nom. Mais elle refuse, telle une vieille dame indigne crispée sur ses biens immobiliers.
C'est ça le problème avec certains écolos : ils commencent idéalistes et finissent avec une mentalité de proprios.
Les sites :
http://museepaysderetz.free.fr/lac-grand-lieu.html
http://www.mairie-bouaye.fr/html/grand_lieu.html