L'eau, un bien indispensable à la vie, provoque la convoitise de grandes multinationales qui ont entrepris de la privatiser : enquête en France.
Une enquête sur le processus qui a conduit à l'abandon des régies publiques, encouragé par «le droit d'entrée» : une pratique consistant, pour les opérateurs privés, à mettre à disposition des communes une confortable somme d'argent afin de s'assurer la conversion au modèle du PPP - partenariats public-privé. Ces mariages d'intérêt ne sont pas restés sans conséquences pour les usagers : factures en constante augmentation, canalisations non entretenues, une liste de doléances qui a incité certaines municipalités, comme Paris et Grenoble, à choisir la «recommunalisation». En France, mais aussi en Allemagne, au Kenya ou au Guatemala, par la voix d'experts, d'élus locaux et de représentants d'associations de consommateurs, ce film alerte sur les dangers liés à l'hégémonie de Veolia et Suez.
L'usager, vache à eau... pardon, à lait, des grands groupes industriels que sont Veolia et Suez ? C'est ce qu'affirment Leslie Franke et Herdolor Lorenz, les deux réalisateurs allemands de ce documentaire engagé. Dans leur collimateur, les deux world companies françaises du marché de l'eau : Veolia (ex-Vivendi, ellemême ex-Compagnie générale des Eaux) et Suez (Lyonnaise des Eaux), qui fournissent le précieux liquide à huit Français sur dix et plantent leurs bannières partout dans le monde.
Les réalisateurs se sont penchés sur les facilités dont disposent ces groupes en France, via les partenariats public/privé (PPP) qui donnent lieu au versement d'un droit d'entrée. Quèsako ? Le partenariat public/privé permet aux communes de déléguer, par exemple, la gestion de l'eau à une entreprise privée. Mais, disent nos documentaristes, on constate alors systématiquement une forte augmentation du prix de l'eau du robinet ; plus de fuites aussi, car quel intérêt y a-t-il à payer des gens pour réparer les conduites quand cela fait grimper le montant des factures ? Quant au droit d'entrée, c'est le paiement d'une forte somme pour entrer dans ce partenariat. Une manne pour une commune : les droits d'entrée permettent de financer un stade ici, là de baisser les impôts locaux. Soit d'assurer des opérations malignes pour qui veut être réélu ! Ils permettent aussi aux communes endettées de vivre au-dessus de leurs moyens.
La tendance est pourtant au retour aux régies publiques, la récente re-communalisation du service de l'eau à Paris étant l'exemple le plus probant. « Bien des contrats de PPP arrivent à échéance à la fin de l'année. Notre film exhorte donc les communes à reprendre le contrôle de leur système d'approvisionnement en eau, mais aussi de santé et de transport, aff rme la réalisatrice Leslie Franke. Cela leur revient moins cher de s'occuper elles-mêmes de l'approvisionnement en eau et il faut qu'elles soient réellement responsables de ce qui se passe. Sinon, pourquoi voter ? » En arrière-fond de « Water Makes Money », on perçoit le refrain altermondialiste connu : l'eau n'est pas une marchandise ! On entend ici Jean-Luc Touly, ex-syndicaliste CGT chez Veolia, licencié puis réintégré dans la boîte sur ordre des prud'hommes. Auteur de « l'Eau de Vivendi : les vérités inavouables », cet activiste en lutte contre cette marchandisation d'une ressource naturelle est connu comme le loup blanc et a même eu droit à son portrait en der de « Libé ». On voit là Danielle Mitterrand, également très opposée à l'exploitation financière de l'eau. Nos documentaristes passent aussi au Kärcher ces hommes politiques de tous bords qui pantouflent chez Veolia. Un mélange des genres très franco-français et plutôt dangereux, car la pente est glissante entre collusion et corruption. C'est ce mot, « corruption », qui vaut au film une plainte en diffamation déposée par Veolia. L'entreprise, sollicitée à maintes reprises par les auteurs, n'a pas voulu répondre à leurs demandes d'interview, quand Suez s'est prêtée au jeu. Arte diffusera quand même le documentaire, sauf référé de dernière minute. La chaîne sait que l'eau est un sujet télé hautement inflammable. « Une procédure est encore en cours suite à la diffusion, il y a trois ans sur notre antenne, du documentaire américain «Pour l'amour de l'eau» », explique même avec philosophie Emmanuel Suard, directeur-adjoint chargé des programmes.
Cette plainte, inconfortable pour les auteurs, assure quand même un petit coup de pub à ce documentaire déjà auréolé par un label « citoyen » qui le légitimise. Ce sont en effet des quidams soucieux de permettre à ce type de film d'exister qui en ont assuré le financement, à hauteur de 130 000 euros ! « Water Makes Money » a déjà eu une première vie dans des salles polyvalentes ou des écoles : 150 projections ont eu lieu lors de son lancement le 23 septembre dernier ; depuis, il y en a eu entre 400 et 500. « Les gens qui ont donné de l'argent se sentent responsables du film. Ils sont donc des centaines à en assurer la promotion », se félicite Leslie Franke. Des représentants de Suez et Veolia sont invités à venir débattre mais apparemment, seul Suez participerait à l'exercice.
Le petit David combattant avec obstination les multinationales Goliath a toujours les gens de son côté. L'enquête semble sérieusement étayée. Téléobs
Rediffusions le 24 mars 10h05 et le 31 mars 14h45
Une enquête sur le processus qui a conduit à l'abandon des régies publiques, encouragé par «le droit d'entrée» : une pratique consistant, pour les opérateurs privés, à mettre à disposition des communes une confortable somme d'argent afin de s'assurer la conversion au modèle du PPP - partenariats public-privé. Ces mariages d'intérêt ne sont pas restés sans conséquences pour les usagers : factures en constante augmentation, canalisations non entretenues, une liste de doléances qui a incité certaines municipalités, comme Paris et Grenoble, à choisir la «recommunalisation». En France, mais aussi en Allemagne, au Kenya ou au Guatemala, par la voix d'experts, d'élus locaux et de représentants d'associations de consommateurs, ce film alerte sur les dangers liés à l'hégémonie de Veolia et Suez.
L'usager, vache à eau... pardon, à lait, des grands groupes industriels que sont Veolia et Suez ? C'est ce qu'affirment Leslie Franke et Herdolor Lorenz, les deux réalisateurs allemands de ce documentaire engagé. Dans leur collimateur, les deux world companies françaises du marché de l'eau : Veolia (ex-Vivendi, ellemême ex-Compagnie générale des Eaux) et Suez (Lyonnaise des Eaux), qui fournissent le précieux liquide à huit Français sur dix et plantent leurs bannières partout dans le monde.
Les réalisateurs se sont penchés sur les facilités dont disposent ces groupes en France, via les partenariats public/privé (PPP) qui donnent lieu au versement d'un droit d'entrée. Quèsako ? Le partenariat public/privé permet aux communes de déléguer, par exemple, la gestion de l'eau à une entreprise privée. Mais, disent nos documentaristes, on constate alors systématiquement une forte augmentation du prix de l'eau du robinet ; plus de fuites aussi, car quel intérêt y a-t-il à payer des gens pour réparer les conduites quand cela fait grimper le montant des factures ? Quant au droit d'entrée, c'est le paiement d'une forte somme pour entrer dans ce partenariat. Une manne pour une commune : les droits d'entrée permettent de financer un stade ici, là de baisser les impôts locaux. Soit d'assurer des opérations malignes pour qui veut être réélu ! Ils permettent aussi aux communes endettées de vivre au-dessus de leurs moyens.
La tendance est pourtant au retour aux régies publiques, la récente re-communalisation du service de l'eau à Paris étant l'exemple le plus probant. « Bien des contrats de PPP arrivent à échéance à la fin de l'année. Notre film exhorte donc les communes à reprendre le contrôle de leur système d'approvisionnement en eau, mais aussi de santé et de transport, aff rme la réalisatrice Leslie Franke. Cela leur revient moins cher de s'occuper elles-mêmes de l'approvisionnement en eau et il faut qu'elles soient réellement responsables de ce qui se passe. Sinon, pourquoi voter ? » En arrière-fond de « Water Makes Money », on perçoit le refrain altermondialiste connu : l'eau n'est pas une marchandise ! On entend ici Jean-Luc Touly, ex-syndicaliste CGT chez Veolia, licencié puis réintégré dans la boîte sur ordre des prud'hommes. Auteur de « l'Eau de Vivendi : les vérités inavouables », cet activiste en lutte contre cette marchandisation d'une ressource naturelle est connu comme le loup blanc et a même eu droit à son portrait en der de « Libé ». On voit là Danielle Mitterrand, également très opposée à l'exploitation financière de l'eau. Nos documentaristes passent aussi au Kärcher ces hommes politiques de tous bords qui pantouflent chez Veolia. Un mélange des genres très franco-français et plutôt dangereux, car la pente est glissante entre collusion et corruption. C'est ce mot, « corruption », qui vaut au film une plainte en diffamation déposée par Veolia. L'entreprise, sollicitée à maintes reprises par les auteurs, n'a pas voulu répondre à leurs demandes d'interview, quand Suez s'est prêtée au jeu. Arte diffusera quand même le documentaire, sauf référé de dernière minute. La chaîne sait que l'eau est un sujet télé hautement inflammable. « Une procédure est encore en cours suite à la diffusion, il y a trois ans sur notre antenne, du documentaire américain «Pour l'amour de l'eau» », explique même avec philosophie Emmanuel Suard, directeur-adjoint chargé des programmes.
Cette plainte, inconfortable pour les auteurs, assure quand même un petit coup de pub à ce documentaire déjà auréolé par un label « citoyen » qui le légitimise. Ce sont en effet des quidams soucieux de permettre à ce type de film d'exister qui en ont assuré le financement, à hauteur de 130 000 euros ! « Water Makes Money » a déjà eu une première vie dans des salles polyvalentes ou des écoles : 150 projections ont eu lieu lors de son lancement le 23 septembre dernier ; depuis, il y en a eu entre 400 et 500. « Les gens qui ont donné de l'argent se sentent responsables du film. Ils sont donc des centaines à en assurer la promotion », se félicite Leslie Franke. Des représentants de Suez et Veolia sont invités à venir débattre mais apparemment, seul Suez participerait à l'exercice.
Le petit David combattant avec obstination les multinationales Goliath a toujours les gens de son côté. L'enquête semble sérieusement étayée. Téléobs
Rediffusions le 24 mars 10h05 et le 31 mars 14h45