Après le démarrage controversé de la boisson au Royaume-Uni et le retrait de 500 000 bouteilles, l’entreprise a décidé de retarder le lancement prévu en France en avril.
Que va faire Coca-Cola ?
Depuis Londres, l’entreprise américaine a annoncé, mercredi 24 mars en fin d’après-midi, sa décision de « suspendre » les ventes de son eau purifiée Dasani en Grande-Bretagne, mais aussi ses lancements prévus le 19 avril en France et mi-mai en Allemagne.
S’il s’agit d’une pause destinée « à reculer pour mieux sauter », confie-t-on chez Coca-Cola, l’entreprise est surtout contrainte de remettre à plat sa stratégie de pénétration du marché de l’eau en bouteilles en Europe.
D’après nos informations, la propriété de la marque Chaudfontaine, qui utilise la source belge Astrid, acquise par le géant d’Atlanta en juin 2003, pourrait lui donner les moyens de réattaquer le marché européen dans quelques mois mais avec une eau minérale, cette fois. Cette marque s’inscrit « dans une perspective très claire de développement », dit-on chez Coca-Cola Belgique.
Si une telle option était retenue, la guerre avec les poids lourds Danone (Volvic, Evian…) et Nestlé (Contrex, Vittel…), qui depuis longtemps ont « décidé de ne pas laisser franchir la ligne jaune de l’eau minérale » au géant d’Atlanta, serait alors totale. Existe-t-il une autre solution pour Coca-Cola que d’abandonner, en Europe, l’eau purifiée Dasani ?
En quelques semaines d’exploitation outre-manche, Dasani a soulevé une multitude de problèmes. Ce coup d’arrêt arrive, une semaine après le retrait à Londres de 500 000 bouteilles en raison d’ « un taux de bromates supérieur aux normes britanniques autorisées » . Cet accident devait être rapidement résolu car la base du procédé d’ozonisation – qui purifie l’eau – n’est pas nouveau. Il est aussi utilisé par Nestlé pour son eau Aquapure et par Danone pour Taillefine.
SUCCÈS AUX ETATS-UNIS
C’est plutôt, la virulence de l’accueil britannique, avec ses répercussions en France, qui a surpris Coca-Cola.
Bon nombre de consommateurs n’ont, en effet, vu dans la version anglaise de Dasani (vendue 1,4 euro les 50 cl) et présentée par l’industriel comme une « pure eau plate », qu’une eau du robinet retraitée même si elle est « débarrassée de ses virus et bactéries » puis complétée de minéraux censés lui donner « meilleur goût ».
Le numéro trois mondial de l’eau en bouteille n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Dasani, vendue depuis 1999, est un énorme succès aux Etats-Unis. C’est même une des dix marques d’eau les plus vendues au monde.
De toute évidence, le double scandale britannique ne permettait plus à Coca-Cola de démarrer la commercialisation de Dasani en France et en Allemagne. « Ils n’ont pas eu conscience que leur concept un peu compliqué aurait du mal à passer auprès de la presse et de la distribution », analyse un concurrent. De fait, Dasani n’était, selon nos informations, toujours pas accepté en France par les Intermarché et les centres Leclerc.
La France, deuxième marché au monde par le nombre de litres d’eau achetés par habitant, est un pays qui possède des habitudes de consommation privilégiant plutôt l’eau minérale naturelle ou de source que l’eau retraitée. Or le Dasani français, vendu au prix d’une Volvic, était présenté comme « une boisson à l’eau minérale naturelle », l’adjonction d’un mélange à base de calcium et de minéraux (fournis par Coca-Cola) ne permettant pas de parler d’eau minérale naturelle.
Le groupe d’Atlanta savait que ce lancement ne serait pas facile.
Depuis plusieurs mois, tous les efforts étaient faits pour préparer le terrain à cette nouvelle boisson.
En France, un budget publicitaire de 20 millions d’euros aurait été prévu pour financer un vaste plan média (l’agence de publicité Lowe Alice a conçu un spot – très long – de 55 secondes). Une association, onéreuse, dans le football était également envisagée à l’occasion de l’Euro. Paul Gordon, le président de Coca-Cola en France ne cachait pas l’importance du projet Dasani. Cela « revêt pour l’entreprise une importance comparable à celle du lancement de Coca-Cola light en 1988 », disait-il.
L’entreprise vend traditionnellement à son réseau d’embouteilleurs des concentrés qui servent à fabriquer les boissons du groupe. Reste maintenant à Coca-Cola à trouver une formule commercialement viable pour l’eau.