VITROLLES (Bouches-du Rhône) - Réhabilitation de l'étang de Berre: en barque de Berre à Paris
03/02/2006
Un militant écologiste a entamé vendredi un voyage en barque d'environ 900 km qui le mènera de Vitrolles à Paris pour plaider auprès de Jacques Chirac en faveur de la réhabilitation de l'étang de Berre, l'un des plus grands marais salants d'Europe occidentale.
Gérald Fuxa, 49 ans et une détermination inébranlable, va passer 20 jours à bord de "Puce", une barquette marseillaise de 4,5 m datant de 1923 et rénovée par des adolescents de quartiers sensibles du bord de l'étang.
"On peut faire de cet étang un vrai symbole pour le XXIe siècle, dans l'esprit de l'Agenda 21 (projet de développement durable à l'échelle mondiale, ndlr) et servir d'exemple en Europe", assure M. Fuxa.
Venu à l'écologie sur le tard, après son installation à Vitrolles, il y dirige une société de conseil en sécurité.
Ce grand gaillard, qui garde de son passage dans la marine une assurance tranquille, entend "en bon républicain" interpeller le président de la République. "Si Dieu veut que je le rencontre, je lui proposerai de venir nager à Berre", avance-t-il malicieusement, clin d'oeil à la baignade toujours virtuelle dans la Seine qu'avait promise M. Chirac, quand il était maire de Paris.
Gérald Fuxa sait de quoi il parle: en 2004, il a traversé, avec ses palmes, de Vitrolles à Marseille, ce vaste plan d'eau de 15.500 hectares pour rappeler à quel point "l'étang a besoin de la mer et la mer de l'étang".
L'étang de Berre est un écosystème "en constante dégradation" du fait des pressions urbaines (la population du pourtour a doublé en 30 ans pour atteindre 230.000 habitants), industrielles (concentration d'usines pétro-chimiques) et de "l'impact considérable des rejets d'eau douce d'EDF", dénoncent les élus des communes riveraines, réunies au sein du Groupement d'intérêt public pour la réhabilitation de l'étang de Berre (Gipreb).
Ces rejets d'eau douce et de limons provenant du canal usinier de la centrale hydro-électrique de Saint-Chamas d'EDF font varier son taux de salinité de 25g/l à 10g/l en fonction de l'activité et envasent le nord de l'étang.
Alors que l'on y pêchait toutes sortes d'espèces, seuls ont résisté à l'ouverture de la centrale en 1966 muges, anguilles, loups et daurades, selon le Gipreb.
Pour les élus locaux de toutes tendances, la seule voie de réhabilitation de l'étang réside dans une dérivation totale de ces rejets vers le Rhône, par un système de canaux sur une longueur de 30 à 40 km. Trois projets sont actuellement à l'étude.
Par ailleurs, la préfecture des Bouches-du-Rhône soutient le projet du Port autonome de Marseille de préparer la réouverture du canal du Rove, un ouvrage sous-terrain fermé en 1963 à la suite d'un effondrement. Celui-ci relie le sud-est de l'étang de Berre à la rade de Marseille et permettrait un nouvel apport d'eau salée.
La bataille autour de cette mer intérieure n'en est pas à ses premiers rebondissements. Le 19 décembre 2005, la Commission européenne a mis en demeure la France de faire cesser la pollution par les rejets d'EDF et de se mettre ainsi en conformité avec un arrêt de la Cour européenne de justice qui avait condamné Paris en octobre 2004.
Les autorités françaises ont deux mois -jusqu'au 19 février - pour répondre, avant de se voir éventuellement adresser un "avis motivé demandant le paiement d'un forfait ou d'une astreinte", a indiqué la représentation régionale en France de la Commission, basée à Marseille.