Un procès « Water makes money » et son jugement

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Ecrit par cocostar

Une fois les témoins entendus et les plaidoiries achevées, on attendait le verdict des juges de la dix-septième chambre correctionnelle de Paris. La poursuite en diffamation concerne quatre passages du film Water Makes Money. Lors de l’audience, l’avocat de Veolia a eu fort à faire avec les 7 témoins particulièrement affutés dans leurs démonstrations de corruptions dans le passé des industriels de l’eau et leurs exemples dans l’ensemble de la France. Par le choix des protagonistes pris pour cibles par Veolia environnement et Veolia eau, deux entités juridiques, toutes deux parties civiles, il a semblé, à de nombreux observateurs français et étrangers, que la volonté des plaignants était d’écraser la liberté d’expression, de clore les débats sur la gestion de l’eau et ses pratiques occultes, de terroriser les réseaux de distribution bénévoles, de tuer dans l’œuf des réseaux d’entre-aide à cette cause et d’affaiblir toujours et encore Jean-Luc Touly en le discréditant et en tournant son combat en une sombre vengeance partisane d’un employé contre son employeur.

Les média allemands, belges, hollandais, suisses, grecs et autrichiens se sont fait le relais de cette pression liberticide, démesurée, qui semble s’exercer sur l’expression artistique et le droit à l’information. L’effet « lanceur d’alerte en danger  » s’est déclenché. La nouvelle directive européenne Barnier de janvier 2013 sur les concessions des marchés de services publics a rajouté « de l’eau au moulin » de ceux qui accusent les lobbies de vouloir privatiser l’eau. Une pétition citoyenne européenne, www.right2water.eu, la première du genre, grossit journellement pour demander la révision de cette directive et proposer une législation protégeant l’eau de la privatisation.


Le tribunal correctionnel de Paris a rendu son verdict le jeudi 28 mars 2013 et a reconnu que la diffamation était constituée sur un seul passage poursuivi par Veolia. Jean-Luc Touly n’a pas apporté suffisamment d’éléments sur la proposition litigieuse (1 million d’euros en échange de l’abandon de la publication de son livre) et sur le fait qu’il ait été bombardé de procès en diffamation qu’il avait tous gagnés.
A cause d’une erreur matérielle, ces documents n’ont pu être fournis à l’audience, mais les différents jugements sont bien sûr consultables et M. Touly a annoncé qu’il a fait appel, ce qui rend le jugement non définitif et non-exécutoire.

Le Tribunal a donc condamné à une amende de 500 euros avec sursis, la présidente de l’association « La mare aux canards », chargée de la diffusion en France du documentaire et à couper le passage jugé diffamatoire sur la version du distributeur français, dans un délai de 15 jours à partir de la date à laquelle le jugement sera définitif.

Tous deux ont été condamnés solidairement à verser un euro de dommages et intérêts à chacune des entités de Veolia à l’origine du procès sans qu’il soit nécessaire de faire droit aux demandes de Veolia de publication judiciaire, le procès ayant été largement médiatisé. Mais du fait de l’appel de Jean-Luc Touly, sa condamnation à 1000 euros avec sursis et à 1 euro de dommages et intérêts n’est pas exécutoire.

Reconnu comme un « lanceur d’alertes » et un militant par la procureure de la république et par le jugement, Jean-Luc Touly a déjà prévenu qu’il usera de ce procès en appel, comme il l’a fait en première instance, comme d’une tribune pour dénoncer des pratiques corruptives et réitérera ses accusations, que l’avocat de Veolia, Me Christophe Bigot, qualifia de « mensonge éhonté ».
Pour les deux autres passages : « corruption ! corruption ! » « Qu’on corrompt et qu’on donne dans un système mafieux, quelques formes de subventions, de crédits, de cadeaux, effectivement, il faut arroser un peu tout le monde pour que l’on ait la paix sociale » « On en a assez de la corruption et des conflits d’intérêt qui règnent dans ces marchés publics de l’eau, qu’il y en a assez de cette opacité« , Mr Touly et Mme Chikh sont relaxés par le tribunal, aucune autre diffamation n’est reconnue car les éléments et témoignages apportés constituent une base factuelle suffisante pour s’exprimer comme l’a fait Mr. Touly dans un débat d’intérêt public en sa qualité de militant engagé dans la dénonciation de dysfonctionnements.

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